La Dépêche de Kabylie : De l’animation culturelle et théâtrale à l’animation télévisée, comment s’est présentée pour vous cette expérience ?
Kamel Tarwiht : Au début, je faisais de la poésie. A titre d’informations, j’ai décroché à deux reprises le premier prix lors de concours de poésie. En arrivant à l’université, j’animais les galas et autres manifestations culturelles. C’est une activité que j’exerçais même au lycée. Au sein du comité, je m’occupais du service culturel et j’animais des spectacles. Ensuite, je me suis consacré au théâtre. Une fois, j’ai été invité à la Radio algérienne pour une émission, à la fin de l’émission, les responsables de la Radio m’ont contacté et proposé d’intégrer la radio. J’ai fais de l’animation et de la production pendant six ans. Je faisais en parallèle du théâtre, de l’animation et je suivais mes études en droit, tout en travaillant à la Radio. En arrivant à Paris, c’était la continuité. De la Radio à la Télévision. En France, j’ai fais également un peu de théâtre.
Avez-vous cessé vos activités culturelles et théâtrales en intégrant la Télévision berbère ?
Même si je consacre le plus clair de mon temps à l’animation télévisée, j’ai joué un spectacle au Palais des glaces, lequel est une grande salle. Si tout va bien cette année, le DVD du spectacle sortira incessamment.
A propos de vos activités cinématographiques, parlez-nous un peu de votre film ?
D’abord, je tiens à préciser que c’est grâce au patron de BRTV, Mohamed Saadi, qui m’a vraiment encouragé, que je me lance dans ce domaine. Il m’a toujours dit.
“Kamel tu as des capacités pour faire des choses et pourquoi ne les fais-tu pas ?”
A propos du film, j’ai imaginé une histoire simple. Elle est véridique. Elle parle de tout ce qui touche les Kabyles. Voilà, c’est l’histoire d’un père de famille qui tente sa chance en France où il vit sanspapiers. Ce bonhomme a laissé sa famille chez lui au bled. Dans le film, on évoque l’exploitation des sans papiers en France, le problème d’héritage entre frères en Kabylie, de conflits de familles, de la situation des immigrés là-bas, des droits de l’Homme, des dispositifs d’immigration… Grosso modo, il évoque tout ce qui touche les immigrés kabyles. Le film est aussi une rétrospective de l’immigration kabyle depuis ses débuts vers les premières années du 19éme siècle. Le film en question est intitulé, Le choix dans la douleur, en
kabyle ; Yeccur Wul.
Le film est achevé à 90%. Nous sommes en train de faire les sous-titrages. Sa sortie est programmée pour le mois d’octobre dans les salles de cinéma, si les choses marchent normalement. Aussi je tiens à signaler l’étroite collaboration de Moussa Kati pour la réalisation de ce film. Au passage je féélicite également l’ensemble des comédiens qui ont joué dans ce long métrage.
Toujours à propos du film, où l’avez-vous tourné ?
La plupart des scènes ont été tournées en France. Des séquences ont été réalisées ici en Kabylie.
Si nous parlions de votre présence, en tant qu’animateur de BRTV, quelle est votre mission ici en Algérie ?
Notre mission est simple. En faite, je ne suis pas venu seul mais avec d’autres collègues. On est là pour faire des reportages, des émissions… Nous venons aussi dans le but de signer des contrats de partenariat et en même temps signer avec des annonceurs. Nous sommes là, pour sensibiliser les annonceurs à faire de la publicité au niveau de notre média. Je tiens à dire que la culture publicitaire est une nouvelle donne chez nous. Elle paraît comme un service onéreux, mais BRTV, qui est une grande chaîne touchant beaucoup de téléspectateurs, est là pour expliquer aux gens comment ce créneau se cultive. En résumé Berbère Télévision offre aux gens des poules et ils nous offrent des œufs.
Est-ce que, selon vous, en huit ans d’existence BRTV a réalisé le rêve tracé, celui consistant à offrir à une culture millénaire un média lourd ?
Au début, les gens pensaient qu’avoir une télévision en kabyle était utopique. Berbère Télévision a fait un pas de géant. D’un côté, on n’a pas d’héritage visuel. Ni film, ni documentaire, avec BRTV, le démarrage s’est fait du point zéro. Elle a connu une grande évolution. Elle a commencé à diffuser seulement quatre heures de temps, puis douze heures et maintenant elle diffuse h / 24. En France, lorsqu’on demandait aux acteurs politiques d’intervenir sur notre écran, ils nous demandaient “qui sont les Berbères” ? Ils ne nous connaissaient même pas ! Aujourd’hui, des ministres sollicitent Berbère Télévision pour des interviews. C’est une expérience exceptionnelle. Avec Berbère Télévision, on a créé un lien entre la France et la Berbérie, en même temps avec toute la diaspora berbère par le monde, puisqu’il y a des milliers de gens qui nous suivent sur le Net. En huit ans et étape par étape, BRTV est devenue une chaîne respectable. A BRTV on essaye de donner la parole à tout le monde, sans exception, et en même temps, les gens doivent comprendre qu’une chaîne de télévision ne vit que de ses propres ressources, notamment par les abonnement et la publicité. Notre télévision n’a ni subventions, ni autres ressources. Un problème relatif aux cartes d’abonnement et qui est le piratage de cartes et les décodeurs flashés.
En Algérie, beaucoup de Berbères ont les moyens financiers et c’est la même chose pour les autres Berbères des pays voisins. C’est pour cela que Berbère Télévision propose ses services en publicité. L’audimat de la chaîne est composé de millions de téléspectateurs donc sur le plan économique, elle offre de grandes opportunités pour les annonceurs.
Le jour où il y aura beaucoup d’annonceurs, elle passera de fait à la diffusion en clair. C’est une manière de donner la chance à tout le monde de la regarder. Avec les annonceurs, même les programmes subiront des changements dans le sens de la modernisation et du développement.
Vous devez l’avoir remarqué, BRTV avance bien dans ses émissions et son programme et bientôt, soit à la rentrée, il y aura des feuilletons en kabyle. Je profite de cette occasion pour lancer un appel à tous les annonceurs pour leur dire que les portes de Berbère Télévision leur sont ouvertes à des prix vraiment concurentiels.
Comment est accueillie Berbère Télévision au Maroc et dans les autres régions berbérophones en dehors de la Kabylie ?
Au début, je disais que seuls les Kabyles allaient regarder cette chaîne, mais j’ai constaté que les choses sont différentes de ce que je pensais. J’ai été au Nador,( Maroc), les gens m’ont accueilli comme une star. Tout le monde m’a reconnu. Et c’est la même chose avec les Berbères de Libye. Même ici à l’aéroport d’Alger, à chaque fois que je descend d’avion, les gens viennent me voir, ce qui me touche, c’est que ce sont des personnes qui ne parlent pas le kabyle. Lorsqu’on entend ces choses, on se rend compte de l’impact de Berbère Télévision. Même ailleurs, beaucoup de Français nous regardent.
Quelle est donc la place de Berbère Télévision et quelle est sa mission sur les plans civilisationnel et culturel ?
C’est une chaîne qui aspire à avoir sa place parmi les grandes télévisions. Sa mission est de promouvoir et sauvegarder la culture berbère. Actuellement, une culture qui n’a pas de supports médiatiques est vouée à la disparition. Je pense que Berbère Télévision a un rôle très important. Elle est là aussi pour diffuser notre culture pour qu’elle soit connue dans le monde. Pour ce faire, BRTV a un esprit d’ouverture pour permettre l’interaction des cultures, surtout entre la nôtre et les autres cultures dans un esprit de respect et d’échange. Berbère Télévision donne la chance à nos artistes, personnalités, écrivains… de s’exprimer en toute liberté et de contribuer.
Un dernier mot Kamel…
Je lance un appel à tout le monde, aujourd’hui, il ne suffit pas de dire que je suis Amazigh. Ce qu’il nous faut c’est produire. Nous devons aider toutes les productions, qu’elles soient artistiques, intellectuelles ou autres. C’est vrai qu’on peut critiquer, mais nous souhaitons que ces critiques soient objectives et constructives. Il ne faut pas critiquer pour le seul plaisir de critiquer. Les Kabyles doivent se reconnaître entre eux. Nous devons nous identifier à nous-mêmes, et surtout savoir ce que nous voulons et où nous allons. Si nous restons cloîtrés au stade de la non production, je ne vois pas d’issue à notre démarche. Heureusement qu’aujourd’hui on a Berbère Télévision, La Dépêche de Kabylie, la JSK, nos artistes, nos écrivains…il ne nous reste qu’une seule chose, trouver un terrain d’entente pour rassembler toutes nos potentialités. D’un autre côté, les industriels, les hommes d’affaires doivent s’impliquer dans la production. Chacun de son côté et les choses évolueront positivement pour nos langue et culture.
Propos recueillis par Mohamed Mouloudj