Un chanteur désenchanté

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“La chanson kabyle est aujourd’hui globalement dominée par le spécial-fête, le spécial DJ, le style sandwich… enfin, un art où s’entremêlent généralement du réchauffé et du saisonnier”. Allaoua Berbère, ce chanteur, natif de Tizamourine (Akfadou), porte un regard chargé de réprobation sur la chanson kabyle d’aujourd’hui. Les paroles, les musiques, les thèmes, les auteurs, les compositeurs, les interprètes, les éditeurs, les promoteurs, les médias, le background où elle évolue… Tous les aspects de cet art sont disséqués et broyés dans la “moulinette artistique” de Allaoua Berbère. “A part quelques chanteurs qui sortent du lot, insiste-t-il, qui donnent une certaine dimension et une certaine continuité à la vraie chanson kabyle, à l’exemple des Zedek Mouloud, Hassen Ahres, Ali Amrane et quelques autres, on nage en plein dans le monde de la “Star’Ac” !

Au constat admis actuellement par beaucoup de gens, que la chanson kabyle vit une certaine “Nahda” avec la percée des Oul Lahlou, Brahim Tayeb, Lani Rabeh, Yasmina et autres Mohamed Allaoua, Saïd Youcef, Aït Hamid… qui ont, en dépit de tout, réussi à lui donne une certaine vigueur allant jusqu’à concurrencer le “tsunami Raï” qui déferle sur la Kabylie depuis le début des années quatre vingt-six, l’artiste laisse apparaître sa méfiance et se met en porte-à-faux par rapport à ce genre d’analyse.

“Je crois qu’au contraire, ce genre de style encourage le Rai. Car, ses chansons destinées le plus souvent aux disc-jockeys sont le meilleur véhicule pour le Raï. Mais attention, quand je dis “Raï”, je fais référence surtout à ce type de chansons qui font fi de toute moralité, une chanson qui use de mots qu’on ne peut pas écouter en famille. J’irai encore plus loin, si dans les années quatre-vingt dix on écoutait le Raï en arabe maintenant on l’écoute en kabyle, s’il vous plaît !”

Les éditeurs et les médias sont à ses yeux les responsables de cette situation peu glorieuse pour la chanson kabyle : une production surabondante et point ou peu de bonne qualité. “Les médias, notamment, peuvent faire d’un chat, un lion et d’un lion un quelconque insecte !” argue-t-il.

Son expérience artistique l’a rendu amer. De sa première émission radiophonique à la Chaîne II avec Hamid Mdjahed dans “Ichenayen u zekka”, jusqu’à son premier album “Abrid n’ccna” (le chemin de la chanson) édité à compte d’auteur, il n’a, selon lui, rencontré que des choses qui fâchent. “Les jeunes artistes qui veulent produire de la chanson “respectable” ne sont ni aidés ni encouragés. On veut quelque part réduire la chanson kabyle à du tapage nocturne, c’est regrettable !” déclare-t-il.

Son vœu est que la chance soit donnée à la chanson à texte, à la chanson d’auteur. car pour lui, l’air ne fait pas la chanson.

Boualem B.

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