Le jeune homme et le génie

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Décontenancé par les paroles de la jeune fille, le vizir tente de l’amadouer. Il essaye de l’approcher, espérant parvenir au but qu’il s’est fixé. Voyant qu’elle ne pouvait échapper à l’homme menaçant et excité, elle lui dit :- Jure-moi que tu ne me feras pas de mal, et je discuterai avec toi !Pour la rassurer, le vizir réfrène ses désirs, et lui débite un tas de boniments. N’étant pas dupe la jeune fille fait mine de le croire et lui dit en lui désignant une pièce :- Enlève tes vêtements de vizir dans celle-ci, puis rentre dans celle d’à côté, pour mettre les vêtements de mon père, comme cela, si quelqu’un nous voyait, il te prendrait pour mon père et ne trouverait rien à redire !Le vizir ne voyant aucun inconvénient tombe dans le piège qui lui est tendu. Dès qu’il se trouve dans la deuxième chambre nu comme un ver, la jeune fille l’enferme à double tours, et sort dans la rue en emportant ses vêtements comme preuve de ce qu’elle dit et commence à crier :- A bouh a meddenIaou ats ez’remvava a oulach ith d’aAthayen d’eg oukhamD’aâryan d’aâryam !(Oyé bonnes gens, venez constatez par vous mêmes, le vizir s’est introduit chez moi, sans que mon père ne soit là, il se trouve dans la chambre de mon père, nu comme un ver !)Les curieux se précipitent de partout, et constatent de visu que le vizir était complètement nu. Humilié, il croule sous les quolibets.La jeune fille cache ses vêtements dans un coffre fermant à clef, afin de parer à toute éventualité.Une fois rentré chez lui par une porte dérobée et habillé d’un simple morceau de tissu, le vizir est inquiet. Ce n’est que maintenant qu’il réalise le risque encouru. Si l’ag’ellid’ n’avait pas perdu la raison, il l’aurait châtié en le faisant monter sur l’échafaud. Mais même si ce danger est pour le moment écarté, il reste un autre danger qui lui taraude l’esprit. Tôt ou tard, le père et le frère reviendraient. Dès qu’ils sauraient la tentative dont a fait l’objet la jeune fille, ils voudraient se venger ou se plaindre au roi du pays. Pour mettre toutes les chances de son côté, le vizir décide de réagir. Il envoie au père un message ainsi libellé porté par un homme à lui :- Illi-k’ d’illis lah’ramOur thets h’esis i ouiraKoul thamedith d’eg oukhamLa thegar thamaghraThag’iç ats neh’chamI medden our ikhfi k’ra(Ta fille est une dévergondée, elle n’écoute pas ce que je lui dis. Dans ta maison tous les soirs il y a fête à voir tout le monde le sait. Elle te porte préjudice, elle est portée sur le vice !)En recevant le message venu d’un personnage aussi important, le père décide d’interrompre son voyage et de retourner à la maison.Il envoie en éclaireur son fils pour s’enquérir de la situation en lui recommandant ceci :- Va vérifier par toi-même si le vizir dit vrai. Si ta sœur a commis des choses impensables tue-là, par contre, s’il s’agit de rumeurs infondées, colportées par des gens malintentionnés, tue-les !Le jeune homme enfourche son fidèle coursier et rentre chez lui à bride abattue. Il arrive à la maison paternelle au lever du soleil. Dès qu’il frappe à la porte et qu’il s’annonce, sa sœur lui ouvre, se blottit dans ses bras et se met à pleurer comme un enfant.Etonné, il le serre contre lui et lui dit à brûle pourpoint :- Achou ikem youghen a outmzIlli-s b-ava d’yemma(Que t’arrive-t’il ma sœur !)- Our i yough ouiraOur iyizgil ouira !(Tout m’est arrivé, rien ne m’a raté, ô mon frère bien-aimé !)- Explique-toi, je t’en prie, mon père et moi avons reçu un message alarmant à ton sujet. Je suis venu envoyé par lui pour entendre de ta bouche la vérité. Parle et dis-moi ce qui s’est passé.

Benrejdal Lounes (A suivre)

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