La fin d’un affligeant paradoxe

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Quelle étrange paradoxe que la Kabylie a vécu pendant plus de quarante ans après l’Indépendance du fait de la rareté de l’eau et d’un potentiel hydrique sans commune mesure à l’échelle du pays. C’est à une véritable “révolution hydraulique” que l’on assiste au vu du nombre de villages et de foyers qui seront desservis par le barrage de Taksebt d’abord, et au vu aussi des ouvrages de grande envergure qui ceinturent la Kabylie par le Sud (barrages de Tilesdit :170 millions de m3, et barrage de Koudiat Acerdoune : 640 millions de m3) et par l’Est (barrage de Tichy-Haf, dans la daïra de Seddouk : 75 millions de m3).

Il y a lieu peut-être de rappeler que la géographie physique de la Kabylie nous apprend que ce territoire est un véritable château d’eau. Située dans un étage bioclimatique majoritairement humide et sub-humide, la Kabylie possède un bassin de réception des eaux qui va du majestueux Assif Agrioun(Kherrata-Souk El Tenine) jusqu’à Tagdempt( embouchure du Sebaou à Dellys) en passant par le volumineux Isser ; soit une moyenne annuelle de 900 à 1200 mm de pluies.

Ses potentialités hydriques, longtemps sous-exploitées, commencent à peine à être dévoilées depuis les derniers programmes de développement du secteur. A elles seules, les eaux superficielles susceptibles d’être mobilisées sur les cours d’eau sous forme de barrages et de retenues dépassent largement le volume de 2 milliards de m3. Cependant, la vérité est que jusqu’à ces dernières années, le spectacle des enfants et des femmes portant des jerricans ou les faisant transporter par des bêtes de somme n’est pas rare sur les pitons de nos villages et hameaux. Pour le développement de l’agriculture en irrigué, c’est un luxe qui ne pouvait même pas se concevoir. Le “mystère” de l’échec en matière de planification et de gestion de l’économie de l’eau est un secret de Polichinelle fait d’incompétence, d’un étrange déficit du sens de la prospective et d’un esprit stupidement rentier. On a eu même à vivre, pendant l’été 2002 une déplaisante ironie qui a voulu que l’Algérie ait envisagé d’importer de l’eau à partir de Marseille par le moyen de bateaux-citernes avant que le ministère des Ressources en eau n’établisse un programme de dessalement de l’eau de mer par unités monoblocs éparpillées sur les principales villes côtières du pays. On a quelque peu tendance à oublier ces mesures extrêmes prises par les pouvoirs publics dans un moment de panique causée par l’une des plus grandes sécheresses de l’époque contemporaine.

En tous cas, les premiers barrages initiés dans la région- et qui, certes, ont tardé à voir le jour- constituent une première réponse au défi d’une économie qui ambitionne d’être à la hauteur d’une population attachée à sa terre et vivant du labeur quotidien devenu sa seconde nature.

Au seul barrage hérité de la colonisation (Ighil Temda, à Kherrata), sont venus s’ajouter trois autres ouvrages qui totalisent une capacité de rétention de 885 millions de m3. Des études sont engagées pour des ouvrages de moindre envergure aussi bien dans la wilaya de Tizi Ouzou que dans la wilaya de Béjaïa. Quant à la wilaya de Bouira, et avec le nouveau barrage de Koudiat Acerdoune qui desservira également Boumerdès, Alger, Médéa et Tizi Ouzou, elle aura d’ici quelques mois la plus grande capacité de rétention de tout le centre du pays. Dans moins de 10 ans, les capacités mobilisées dans les barrages de Kabylie dépasseront un milliard et demi de M3. A ce potentiel se greffent, bien sûr, les captages de sources et l’exploitation des nappes souterraines.

Vivre dans le stress de la pénurie d’eau n’est pas une fatalité. La gestion moderne de l’eau- dont doivent bénéficier les foyers, l’industrie et l’agriculture- permet de ‘’domestiquer’’ une sécheresse sporadique ou cyclique pour peu que le sens des responsabilités, le souci de l’aménagement du territoire, l’innovation technologique -qui suppose le recyclage des eaux-, et le réflexe prospectif l’emportent sur la navigation à vue et la gestion à vau-l’eau pratiquées jusqu’à un passé récent.

A.N.M.

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