“ Je défends des causes humanitaires”

Partager

La Dépêche de Kabylie : Le fait que vous reveniez à Béjaïa pour deux autres soirées veut dire que celles du 30 et 31 juillet ont été un succès. N’est-ce-pas?

Akli D : Effectivement. Le public bougiote est formidable. Mais, cela est aussi dû au fait que Béjaïa n’est pas contaminée par cette angoisse qui règne a un peu partout en Algérie. Lorsque l’on voit que dans certaines villes de Kabylie, les rues sont désertes à partir de 18 h et qu’à Béjaïa, les gens sont dehors jusqu’à 22 h, c’est cette énergie que je cherche à comprendre. Le public bougiote est merveilleux et puis, en Kabylie, c’est chez moi.

A travers vos deux albums, on voit que vous chantez l’immigration et ses problèmes. Ce thème était beaucoup plus chanté durant les années 80… Pensez-vous, qu’aujourd’hui, les problèmes sont les mêmes… ou différents puisque la société européenne a évolué… et que même les raisons de l’immigration diffèrent?

Dans la forme, les problèmes ne sont pas les mêmes. Avant, on parlait de l’étranger qui venait prendre le travail. Par contre, aujourd’hui, on évoque beaucoup plus l’islam. On nous met à la première page de tous les problèmes liés au terrorisme. Voilà, c’est donc l’étranger, l’immigré, le Maghrébin que l’on montre du doigt. Comme pour les Noirs, à un moment donné, c’était le Sida, le terrorisme “ vient des pays musulmans”. Chaque jour, il n’y a pas une revue qui ne parle pas du terrorisme et qui remet en cause les cinq millions d’immigrés qui sont en France. Donc, vous voyez, ce ne sont pas les mêmes problèmes. C’est pour cela qu’aujourd’hui, moi aussi, je continue ma part de combat. Il ya une nouvelle génération d’immigrés qui s’intègre facilement. Il y a un dicton français qui dit : “ Les étrangers qu’on préfère sont ceux que l’on reconnait de loin”. Aujourd’hui, on ne peut pas reconnaître, à part physiquement, les immigrés, parce qu’ils parlent bien et sont intégrés. Donc, on essaye de trouver autre chose : l’islam. La religion quoi. Ce n’est plus le bruit et l’odeur mais aujourd’hui, c’est l’islam et le terrorisme.

Peut-on dire que vous êtes un chanteur engagé de l’immigration?

Non. Moi, je défends les causes humanitaires. D’ailleurs, je ne me sens pas immigré. De plus, je ne regarde jamais le drapeau d’un pays.

Je n’ai jamais vécu comme un immigré en France. Dans tous les pays du monde, il y a l’extrémisme dans la politique et la religion. Me concernant, j’ai toujours été troubadour dans la musique, j’ai voyagé, donc je ne suis jamais concerné par les problèmes de l’immigration. Moi, je ne veux pas subir ce qu’a déjà subi mon père En tout cas, c’est vrai qu’aujourd’hui en France, on a fait une image de l’immigré : “Qui dit islam dit terroriste”, voilà ce que l’on nous avance.

Venons-en maintenant à votre tournée… Vous venez de vous produire à Alger puis à Tizi-Ouzou et vous revenez encore une fois à Béjaïa? Parlez-nous des musiciens qui vous accompagnent?

En vérité, c’est par pur hasard des choses, la dernière fois, je n’étais pas venu pour des concerts mais parce que j’avais affaire. Mais, cela fait longtemps que je voulais travailler avec un groupe d’ici, spécialement à Béjaïa. J’ai déjà joué avec les frères Djemaï et Boualem (le bassiste) en France. Ce sont des gens de Béjaïa. Je sais qu’il y a d’excellents musiciens à Béjaïa et il y a même une grande école de musique, ce qui manque en Kabylie. C’est vrai qu’il y en a aussi à Tizi-Ouzou mais ce sont ceux d’ici que je connais le plus et j’ai eu l’envie de tenter l’expérience.

J’ai donc appelé Bazou que j’ai connu en France. C’est un excellent musicien et un excellent arrangeur aussi. J’ai senti que c’était le moment ou jamais. Donc, au bout de deux jours, nous avons monté le répertoire. C’est vrai qu’au début, c’était moyen et c’est normal. Mais, depuis Alger et Tizi-Ouzou, l’expérience a été formidable. Je ne m’attendais même pas à ça.

En fait, j’avais peur du manque de temps, mais finalement, je n’ai pas été déçu puisque le travail est là.

Donc, vous nous promettez mieux que les soirées des 30 et 31 juillet dernier…

Techniquement, oui. Mais, maintenant, c’est l’émotion qui est importante dans un concert.

C’est vrai que les promesses ne sont pas bonnes mais, pourquoi pas ? En général, cela se passe toujours bien mais, bon, je ne suis pas là pour faire de la publicité aux groupes mais je dois vous dire que je suis très content d’avoir travaillé avec d’excellents musiciens qu’il y a à Béjaïa en plus du flûtiste et du derboukiste de Tizi-Ouzou. C’est formidable ! Les musiciens de Béjaïa sont Bazoou, Kheireddine, Bihik.

Il y a qu’un seul élément du groupe qui vient de Annaba. En tout cas, depuis Alger, nous sommes très contents et même fièrs car le travail est là.

Avec ce succès, vous devez certainement avoir un projet de troisième album…

Celui qui écrit des chansons ou des livres a toujours quelque chose à “accrocher” dans sa mémoire. Donc, effectivement, j’ai commencé à travailler sur le prochain album.

Pour conclure?

Je souhaite bonne chance à tout le monde dans ses aventures culturelles car je sais que ce n’est pas évident en Algérie. Je sais que les moyens et l’entente manquent mais j’ai beaucoup d’espoir car je sais que cela va venir en Algérie spécialement en Kabylie.

C’est vrai que ses montagnes sont pleines de rochers mais on dit qu’autour des rochers, il y a des plantes qui poussent. D’ailleurs, j’ai remarqué la montée d’une nouvelle génération qui a une bonne conscience professionnelle. La musique peut faire aussi partie de la vie sociale et dans certains pays, elle est même admise dans les hôpitaux comme thérapie.

Propos recueillis par Tarik Amirouchen

Partager