Plutôt que de se lancer dans une polémique idéologique, ce qui n’est pas la vocation d’une entreprise de production, les dirigeants de la Nouvelle conserverie algérienne a plutôt fait valoir le sens pratique et l’efficacité économique pour expliquer- ou justifier- son passage au week-end du vendredi- samedi. Le directeur de cette entreprise argumente donc par ce que tout le monde sait déjà, c’est-à-dire par l’évidence. Mais comme il est toujours préférable de se répéter que de se renier, ce responsable nous rappelle que les banques ne travaillent pas samedi et que ses principaux fournisseurs et autres partenaires sont au week-end universel (entier). Nous savons depuis toujours la propension, toute culturelle, à couper la poire en deux à l’heure de décisions embarrassantes parce qu’elle suppose un minimum de courage et quelque engagement. Mais nous avons aussi appris, c’est tout aussi culturel, à jubiler pour peu de choses et répéter à l’envi qu’un peu, “c’est tout de même mieux que rien.” Il faudra tout de même rappeler que l’adoption du “week-end musulman” est le résultat d’une décision politique prise dans la foulée de la Constitution de 1976. Trente-deux ans après, ce choix qui nous coûte les yeux de la tête- on parle d’un million de dollars par an- a eu le temps de convaincre tout le monde de son caractère aberrant. Aux pertes sèches qui en résultent, s’ajoutent divers désagréments tout aussi coûteux. L’accentuation de l’isolement du pays sur la scène internationale n’en est pas des moindres. Les dirigeants politiques sont les premiers à en mesurer les conséquences. Ils savent aussi qu’une décision politique ne peut être annulée que par une autre décision politique, surtout quand l’ampleur de ses retombées ne peut être atténuée par “des actes isolés,” ou des demi-mesures prises à une échelle microscopique. Et le pouvoir ne l’a pas prise, la décision, en dépit de récurrents ballons de sonde dont les motivations restent mystérieuses. Paradoxalement, si l’argumentaire des partisans du retour au week-end universel est exclusivement d’ordre économique, le refus du pouvoir- mais il ne le dit pas- est politique. Faute d’assumer- d’accepter ou non- leurs responsabilités, nos dirigeants ferment les yeux sur quelques initiatives éparses faisant de l’aberration une règle et du changement salutaire une déviation de brebis galeuses. ça aussi, il y a des gens qui le savent mieux que les autres. Ce sont quelques opérateurs économiques qui “récupèrent” ce qu’ils peuvent en maintenant une activité normale le jeudi qui ne fait pas partie du “sacré”. Ils ont compris qu’il ne faut pas “toucher” au vendredi et les banques ont donné le la sur la question. C’est le directeur de la Nouvelle conserverie algérienne qui en donne l’illustration parfaite, en expliquant pourquoi il n’a pas carrément adopté le week-end universel : “Je ne veux pas jeter mon personnel à la vindicte populaire. Nous ne voulons pas aller en confrontation avec la société. Il faut d’abord qu’il y ait un consensus national. Une entreprise, à elle seule, ne peut changer le cours des choses !” (In El Watana d’hier). Quand la “vindicte populaire” et les errements d’Etat se rejoignent, on comprend qu’une entreprise ne puisse pas changer le cours des choses. Le consensus national est un autre débat.
S. L.