La grande salle des spectacles, le petit joyau de la nouvelle Maison de la culture, a été exceptionnellement ouverte à l’artiste. Le mektoub aura voulu que l’auteur de la sublimissime et éternelle » Ya el menfi » sera le premier à s’y produire. Il fallait attendre les environs de 22h pour que sur scène fassent leur apparition l’artiste et son orchestre. En fait, il fallait attendre l’arrivée des autorités locales, à leur tête Bouguerra Ali, le wali, “sollicités’’ par d’autres évènements retenus sur la feuille de route du 1er Novembre 2008.
Pendant ce temps, la salle continue d’accueillir les Bouiris toutes générations et les deux sexes confondus.
La salle est déjà presque pleine. L’ambiance y est bon enfant. Le public est agréablement surpris par l’immensité et la beauté de la salle qu’il découvre pour la première fois.
Cela le change de l’étroite salle Errich qui jusque-là était le seul réceptacle de l’activité artistique et même politique. Emettons le vœu que le politique lâchera la nouvelle Maison de la culture au profit de la culture, rien que la culture, toujours la culture…Amen !
Applaudissements : le wali arrive enfin. Et dans son sillage, élus et autres anciens moudjahidine. Il est déjà tard. Plus une minute à perdre : la levée des couleurs est prévue dans deux petites heures. Précédé de son orchestre, Akli Yahiatène fait son apparition. Youyous et un tonnerre de bruit dans la salle. Du haut de ses soixante-quinze ans et debout comme un chêne vert impassible aux souffles des vents, l’artiste entame de go un chant patriotique en kabyle.
La salle a la chair de poule. Le souvenir du premier baroud libérateur était sincèrement, sans démagogie et autres dépôts de gerbes de fleurs, ravivé par Da Akli (nous nous permettons ce ‘’da’’ parce que la carrure de l’artiste-résistant l’impose).
Fin du chant. L’artiste salue son public, avant de s’adresser au wali dans un arabe spontané et approximatif : » M’rehba bel wali wa rbaatou ! J’apprends que vous êtes nouveau à la tête de la wilaya. Alors construisez Bouira ! « . Il est vrai qu’on retrouve du péjoratif dans “lwali wa rbaatu’’ qui littéralement veut dire “le wali et sa clique’’. Mais n’y voyez aucune péjoration ou autre lapsus : l’artiste ne maîtrise pas l’arabe châtié. Tout simplement.
Akli Yahiatène enchaînera avec » Ya saknin ledjbal « , très belle chanson en arabe dialectal que l’on pourrait intituler » les résistants « . Dans la chanson, l’artiste interpelle les habitants des monts et montagnes d’Algérie et les exhorte à camper sur leur nif. » Ay axxam » la chanson-complainte, toujours d’actualité, “(re)exhorte’’ à prendre soin de maison Algérie.
Dans le même ordre de la métaphore, “Tamurt idurar’’ rappellera la beauté du pays. Elle était belle l’Algérie dans la bouche de Da Akli. Entracte. L’artiste cédera pour un bon quart d’heure le micro au jeune Ahcène At Zaim qui, au grand bonheur du public, ressuscitera Farid Ali et son immortel “A yemma sebr ur ttru « .
Akli Yahiatène revient avec “Ya nekkart lmel wa taam’’ de Dahmane El Harrachi, une autre chanson qui fera voyager la salle à travers les territoires du pays. Et vint “Ya el menfi’’. » Pour les anciens ! « , dédie-t-il le tube. Le refrain sera repris en chœur par un public définitivement tombé sous les charmes. Un peu avant minuit, la levée des couleurs oblige, l’artiste déposera le ‘’micro’’.
Le wali sera invité sur scène pour remercier l’artiste et le Moudjahid. Un burnous lui sera remis. Da Akli semblait ému. Cette même émotion était partagée par la salle qui, deux heures durant, et loin des considérations officielles, a redécouvert l’Algérie battante. Merci Akli Yahiatène et bravo pour les responsables de la culture qui ont rendu cela possible.
T.Ould Amar
