Les avisés et les simplets (Ouh’d’iqen d’ibahloulen)

Partager

Le sot dépose le rocher et prend la souche de l’olivier. Quelques instants plus tard, il se plaint de nouveau à son frère de la lourdeur de son fardeau.“Décidément tu n’as rien compris, pose-moi cette souche, et prends ce pot de miel !”De peur d’être rattrapés par Teriel dans l’obscurité, les jumeaux pressent le pas. Comme Ouh’D’iq avait donné presque toute sa part de viande à Abahloul, il commence à avoir faim.Tout en marchant, il demande à Abahloul de lui donner un peu de miel. Celui-ci refuse pour l’obliger à lui en donner, Ouh’d’iq lui dit : “Si je ne mange pas de ce miel à l’instant, je vais mourir devant toi, fais ton choix ! Craignant pour la vie de son frère, Abahloul revient enfin à de meilleurs sentiments. La jarre est vidée sur le champ.N’ayant plus rien à manger, les deux jumeaux se séparent pour essayer de trouver du travail chacun de son côté. Lors de la séparation Ouh’D’iq conformément à une superstition, demande à Abahloul de ne jamais travailler chez les gens qui ont les yeux bleus (Izrarqen b-allen).Abahloul demande pourquoi ?Parce que ces gens-là portent malheur.Une fois séparés Abahloul se rend au hasard dans une contrée et rencontre un homme aux yeux bleus. L’homme le toise du regard, réfléchit, s’avance vers lui, et lui dit : “Moqredh Thdjahd’edhMa thevghidh ats Khed’medh!Tu es grand, tu es fort, si tu cherches du travail, j’en ai pour toi”. En voyant ses yeux bleus Abahloul refuse. Il se rappelle les recommandations de son frère. Il s’éloigne de l’homme, mais celui-ci conquis par la stature de Abahloul, ne le lâche pas d’une semelle.Il le trouve toujours devant lui. Abahloul ne comprend rien. Il se gratte les cheveux et se dit : “Thamourth agi hetchour d’-israraqen ala nithni ig sekhd’amen !”Ce pays n’est peuplé que d’hommes aux yeux bleus. Ceux sont les seuls, qui offrent du travail. Je n’ai pas le choix, si je ne veux pas mourir de faim, je n’ai qu’à faire fi des paroles de mon frère et de me mettre au service de l’un d’eux.C’est ainsi, que Abahloul accepte d’être berger de l’homme aux yeux bleus, à la seule condition, qu’il porte sur ses épaules aux champs, la mère de son employeur, et que le soir, il revienne avec des oiseaux capturés pour ses enfants.Après avoir visité plusieurs contrées. Ouh’d’iq est amené à accepter d’être berger dans un hameau mitoyen de celui où est employé son frère. Un jour, occupé à piéger des oiseaux, la vieille mère toujours sur son dos, les moutons dont il a la garde se dispersent et se mêlent à ceux gardés par son frère.Cela ne plaît pas à Ouh’D’iq, il court derrière le berger, dès qu’il le rattrape, il lui fait un croche-pieds et le fait tomber avec son fardeau sur le dos. Il lève sa cane pour le frapper, au moment de l’abattre, il reconnaît Abahloul son frère jumeau et lui dit : “Ayghar Theboubedh thamgharth agi!Thetsazaledh d’effir ifrakh ig’enni-Pourquoi portes-tu cette vieille sur ton dos, en même temps tu chasses les oiseaux !-Ce sont des conditions qui m’ont été imposées, et pour travailler je les ai acceptées !”Ouh’D’iq est dépité. Pour venger son frère, il ordonne méchamment à la vieille, qui était en excellente santé, de le porter à son tour sur son dos. Elle s’exécute sans broncher. Faisant semblant d’aller attraper des oiseaux, Ouh’D’iq se rend dans un champ et à l’aide d’une herbe ayant la terminaison en touffe, il l’introduit dans des nids de scorpions.Pour parer à l’intrusion, les scorpions s’accrochent. Il les capture et remplit sa gibecière. De retour vers son frère, il lui recommande de mener son propre troupeau vers sa destination, en suivant le bélier dominant. Quant à lui, accompagné de la vieille portée sur son dos, dès qu’il rentre à la maison, les enfants de l’homme aux yeux bleus se précipitent comme à l’accoutumée sur la gibecière, mais au lieu de trouver des oiseaux, ce sont des scorpions hideux qui le piquent aux mains. Ils crient de douleur. Le père et la mère accourent. En constatant que les scorpions sortent de la gibecière du berger, le père furieux dit à Ouh’D’iq : “-Je vais te tuer comme du gibier espèce de berger ! “Comme Ouh’d’iq est sur ses gardes, le père remet l’exécution à plus tard. Ce soir-là, l’homme aux yeux bleus ordonne dessein à Ouh’D’iq de dormir près du puits, qui se trouve à l’intérieur de la cour de sa demeure.Il fait très chaud, tout le monde dort à la belle étoile. L’homme aux yeux bleus a ourdi un plan. Dès que Ouh’D’iq sera tombé dans les bras de Morphée, il va le jeter au fond du puits, pour s’en débarrasser à tout jamais. Mais Ouh’D’iq qui n’était pas dupe, reste éveillé. Dès que tout le monde dort, il prend délicatement sans bruit la mère de l’homme aux yeux bleus et la met à sa place près du puits, et fait semblant de s’endormir sur la couche de la vieille.La substitution opérée Ouh’D’iq attend. Soudain, l’homme aux yeux bleus se lève, s’approche du corps supposé de Ouh’D’iq. Sans hésiter il le pousse dans le puits. Sûr de l’avoir tué, l’homme aux yeux bleus jubile et réveille sa femme et ses enfants, auxquels il annonce fièrement : “J’ai tué le maudit berger, qui a ramené des scorpions à la place des oiseaux !”Alors, se levant de sa couche Ouh’D’iq dit : “Ce n’est pas moi que tu as tué, mais ta mère que tu as jetée au fond du puits !Se rendant compte de sa bévue, l’homme aux yeux bleus tente de descendre au fond du puits. Toute sa famille se met à pleurer et à se lamenter.Profitant de l’occasion Ouh’D’iq enferme tout le monde puis, va dans la bergerie, ouvre l’enclos et s’empare en guise de compensation du troupeau, qu’il mène vers son frère.En voyant le troupeau, Abahloul est étonné, il dit à son frère : Ce sont tes animaux frérot !Non répond Ouh’D’iq, ce sont nos animaux ! Ils appartiennent autant à toi qu’à moi ! Ils sont à nous deux !«Our kefount eth h’oudjay inou our kefoun ir den ts emz’ine as n-elaid an en etch ak’ soum ts h’emz’ ine ama n g’a thiouenz’ iz’ ine.»(Mes contes ne se terminent comme ne se terminent l’orge et le blé. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).”

Benrejdel Lounes

Partager