Programme de modernisation et de densification du réseau ferroviaire

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n Par Amar Naït Messaoud

Ce plus vieux moyen motorisé de transport de marchandises et de voyageurs a vu ses performances techniques se développer et son confort s’affirmer un peu plus chaque jour à tel point qu’il est devenu le moyen de transport le plus prisé dans les pays européens qui ont mis en place les trains à grande vitesse (TGV) et d’autres formules adaptées aux banlieues et aux agglomérations urbaines.

Dans la foulée des nouveaux projets initiés par le ministère des Transports, l’établissement d’une nouvelle ligne Thénia-Tizi Ouzou devra entrer en fonction à partir de 2011. Ce sera une ligne électrifiée qui permettra de rallier la capitale à partir de Tizi en l’espace de 70 minutes.

Dans le cadre de la programmation du quinquennat 2009-13, le département de Amar Tou compte créer aussi une ligne de chemin de fer devant relier Djelfa à Laghouat. Le tracé de cette ligne- censée prolonger la ligne déjà existante Blida-Djelfa mais mise en sommeil depuis les années 1990- est à la phase d’étude, tâche confiée à l’Anesrif (Agence nationale d’étude et de réalisations ferroviaires) et à la société canadienne Dessau-Soprim.

En inaugurant de nouveaux équipements de transport ferroviaire à la fin du mois de juillet dernier, le président de la République a voulu mettre symboliquement en exergue la nouvelle politique de l’Etat en matière de redynamisation d’un des secteurs les plus sensibles dans la vie économique et sociale du pays. Une nouvelle nomenclature voit déjà le jour en Algérie où il est question, par exemple, d’autorail, de LNA (Ligne à grande vitesse), de boucle du Sud et de bretelles. Quant au TGV (Train à grande vitesse), le président Bouteflika juge que l’on ne peut investir dans cet équipement de pointe s’il n’est pas soutenu par un projet touristique d’envergure. Un argument qui tient la route et qui invite le gouvernement à une politique de coordination intersectorielle où tous les projets de développement sont supposés trouver leur complémentarité.

Les deux grands accidents de la route survenus en octobre dernier- le premier à Mascara (24 morts et des plusieurs blessés), le second à Tiaret (un renversement de bus s’est soldé par 23 blessés)-, ainsi que toute la pression que subit la route algérienne du fait d’une croissance inconsidérée du parc automobile, interpellent les décideurs (hommes politiques, économistes, aménagistes,) sur la presque exclusivité de l’usage de la route comme mode de transport public. Le désintérêt pour la voie ferrée a trop duré. Presque un demi-siècle après l’Indépendance, le réseau ferroviaire national s’est réduit comme peau de chagrin.

La route surchargée

L’accident ferroviaire, survenu au début de l’année en cours et ayant eu pour théâtre un tunnel à voie unique dans les gorges de Lakhdaria nous jette à la figure les retards du développement des chemins de fer dans notre pays. Quelle que fût la cause de l’accident (humaine ou mécanique), les citernes de carburant, calcinées et restées à l’intérieur du tunnel, ont bloqué totalement le trafic sur cette voie, ce qui suppose que toutes liaison ferroviaire entre la capitale et l’est du pays était impossible avant le dégagement total de ces carcasses. Si d’autres voies alternatives existaient, la situation ne serait pas aussi dramatique et, en attendant la réparation de la voie endommagée, les trains circuleraient sur des voies parallèles.

De même, quelles que soient l’ampleur des désagréments et les autres perturbations qui ont affecté à la fin de l’année 2007 les usagers des chemins de fer, elles ne pourront jamais être comparées à ce qui se passe par exemple dans les pays européens lorsque les cheminots décident d’arrêter le travail.

Cette relativisation des problèmes générés par la grève des transports ferroviaires en Algérie est principalement due à la place fort modeste qu’occupe ce secteur d’activité dans le transport des personnes et des marchandises. Un chiffre suffit, à lui seul, pour illustrer cet état de fait.

Dans le cadre de l’application du Schéma directeur routier et autoroutier (SDRA), il a été relevé que la voie terrestre demeure le moyen privilégié des échanges dans notre pays, soit 90% de l’ensemble du volume de marchandises faisant l’objet de transit. Pour le transport de voyageurs, même si l’on ne dispose pas de statistiques pointues, la situation n’est pas très différente. Le transport par bus, trolley, taxis collectifs,…demeure clairement prédominant.

Au lendemain de l’Indépendance, le réseau ferroviaire algérien était long de 3 900 km. Au vu de la croissance démographique et des besoins économiques et sociaux, ce volume a rapidement perdu de son efficacité.

La politique générale du pays, pour des raisons que l’histoire économique et sociale pourra élucider un jour, n’était pas orientée vers les grandes infrastructures, qu’elles soient routières, ferroviaires ou hydrauliques.

Ce n’est qu’à la faveur des grands projets initiés depuis 2000 que les chemins de fer sont sortis d’un long et dommageable anonymat.

Des fonds pour un nouveau démarrage

En effet, ce secteur vital de l’économie national a bénéficié, au premier semestre de l’année dernière, d’une enveloppe budgétaire de 500 milliards de dinars (7 milliards de dollars), en sus de l’enveloppe de même montant débloquée dans le cadre du Plan de soutien à la croissance économique (PSCE) couvrant la période 2005-09. Selon l’ancien ministre des Transports, Mohamed Maghlaoui, 500 km de voie sont en cours de réalisation dans le cadre du PSCE.

La nouvelle cagnotte permettra de prolonger le réseau sur un linéaire de 700 km.

Au vu des limites objectives du réseau routier touché par la vétusté des infrastructures, la surexploitation de certains axes techniquement inadaptés et l’inadéquation entre le volume de marchandises transportées et la densité du réseau, d’autres voies ont été explorées en même temps que le développement du réseau routier lequel, d’ici 2025, aura reçu un investissement de l’ordre de 40 milliards de dollars. Parmi les autres voies sollicitées, le chemin de fer demeure la direction privilégiée eu égard aux retards de développement qui grèvent ce secteur et aux potentialités dont dispose le pays en la matière entendu qu’il a hérité de la colonisation d’une ligne traversant l’Atlas tellien d’Est en Ouest et reliant entre elles trois capitales maghrébines avec quelques bretelles en direction des Hauts-Plateaux. Le développement économique du pays, la croissance démographique et la nouvelle carte géographique des échanges et de bassins de production ont inexorablement induit de nouveaux besoins en matière de transport de marchandises et de voyageurs.

Si le moyen de transport ferroviaire bénéficie d’une attention particulière des acteurs économiques et des pouvoirs publics au cours des deux dernières années, c’est principalement pour les grandes capacités dont il peut disposer et le côté pratique et fluide de la voie qu’il emprunte. En effet, il n’échappe à personne que le transport a toujours constitué un segment majeur de l’économie dans les étapes de la fourniture des équipements, de la matière première, des produits finis ou semi-finis ainsi que de leur transbordement des/ou vers les ports. Le point de chute peut même être un aéroport dans le cas ou la suite de la prestation de transport doit être assurée par un avion cargo.

Dans la comptabilité des entreprises, la rubrique transport occupe parfois des postes importants, surtout lorsque les bassins de production (usines, fermes, ateliers) sont situés à des distances éloignées. Pour un pays aussi vaste que l’Algérie, l’enjeu du transport de marchandises et de voyageurs se trouve naturellement décuplé. Cependant, jusqu’à présent, les activités liées au transport sont concentrées sur le déplacement par voie de route. La majorité de la population algérienne étant positionnée au Nord, particulièrement sur la côte, les voies terrestres se trouvent ainsi étranglées par l’intensité du trafic et la nature du relief caractérisant la bande Nord. C’est pourquoi, l’alternative du rail a fini par s’imposer d’elle-même après des retards considérables enregistrés dans ce secteur.

Un réseau vétuste et peu performant

Le réseau ferroviaire algérien a été réalisé par l’administration française à la fin du 19e siècle. Jusqu’au début des années 60, le réseau exploité était de 3 900 kilomètres. L’intérêt prépondérant des pouvoirs publics pour le transport routier a non seulement fait stagner le développement du rail, mais, pire, il a conduit à la suppression pure et simple de certaines dessertes. Élément structurant au même titre que les autres infrastructures lourdes (ports, aéroports, routes, autoroutes, barrages hydrauliques,…), le chemin de fer a bénéficié à la fin des années 80 d’une profonde réflexion qui a voulu exploiter des idées anciennes dont certaines remontent à la période coloniale.

Ainsi, il a été question d’étoffer le voie du Nord en la doublant sur 1 300 km (de la frontière marocaine à la frontière tunisienne), ceci, indépendamment des bifurcations qui vont sur Skikda, Annaba, Oran et Arzew. Dans le sillage du développement de la voie du Nord, une voie parallèle sur les Hauts-Plateaux était également envisagée. Mieux, des travaux ont commencé à partir de Batna pour faire aboutir la ligne sur la voie du Sud-ouest (Mechria-Aïn Sefra). Les jeunes soldats de l’ANP regroupés en GTVF (Groupements de travaux de la voie fer) ont pu relier Batna à M’sila. Après la dissolution de ces groupements à la fin des années 80, les travaux se sont arrêtés. Avec le nouvel intérêt porté à cette zone dans le cadre des investissements rentrant dans l’ ’’Option Hauts-Plateaux’’, la réhabilitation de ce vieux projet s’avère impérative. Logiquement, doivent suivre les bretelles qui vont relier la voie du Nord à la ligne des Hauts-Plateaux (Blida-Djelfa, Constantine-Batna) qu’il s’agit plutôt de réhabiliter puisqu’elles existent depuis longtemps.

La stratégie de développement du rail sur les Hauts-Plateaux rejoint la conception des pouvoirs publics de remettre au goût du jour le plan appelé ‘’Option Hauts-Plateaux’’ discuté en Conseil des ministres en février 2006. Un programme de développement intégré tendant à améliorer les conditions de vie des populations locales et à revitaliser les espaces steppiques a été adopté par le gouvernement.

Cette vision remontant aux années 80 prévoyait des facilitations en matière d’investissement sur ces territoires vastes mais faiblement développées et où le site pour une nouvelle capitale du pays fut choisi (nouvelle ville de Boughezoul).

Être au diapason des nouveaux besoins de l’économie

Cette option est basée sur le constat d’un déséquilibre démographique entre la côte et l’intérieur du pays, la mauvaise gestion des ressources naturelles, l’impasse de la politique de l’emploi et la menace de désertification qui pèse sur le nord de l’Algérie, sachant que des villes et des territoires entiers ont pratiquement rejoint le domaine aride (Sougueur, Ksar El Boukhari, Aflou, Barika, El Aricha,…). Le vieux projet des Hauts-Plateaux fut abandonné sans ‘’préavis’’ lorsque le baril commençait à connaître les abysses de la bourse.

Un autre projet de plus grande envergure était aussi dans l’air à cette époque. C’était le plan connu sous le nom de ‘’Boucle du Sud’’ Il s’agissait de raccorder le sud du pays au Tell par l’extension des voies ferrées qui arriveraient à Touggourt (Est) et à Béchar (Ouest). L’itinéraire tracé pour cette voie étant Touggourt-Hassi Messaoud-Ouargla-Ghardaïa-Adrar-Béchar. Certes, c’est un mégaprojet coûteux qui prend l’allure du Transsibérien, lequel fut réalisé par des prisonniers. Néanmoins, les activités existantes au niveau des zones pétrolières et gazières, l’ébauche d’une agriculture saharienne à Adrar et dans la vallée de Zousfana (Taghit, Igli, Beni Abbès) militeraient sans doute pour un tel projet, et cela indépendamment des futures et éventuelles zones d’exploitation qui pourront concerner les gisements de minerais dans le Sud (à l’exemple du fer de Ghar Djebilet, dans la région de Tindouf).

De nouvelles perspectives pourraient aussi s’ouvrir pour le réseau ferroviaire du Nord du pays. Ainsi, des pays du Sahel (Niger, Mali) ont montré un intérêt certain au cours des dernières années pour un éventuel acheminement de leurs marchandises importées d’Europe via les ports algériens.

Au début des années 2000, une délégation de l’un des pays de cette zone a exploré avec les autorités algériennes cette possibilité au niveau du port de Djendjen, dans la wilaya de Jijel. Les marchandises pourraient être expédiées sur la ligne de Ramdhan Djamal jusqu’à…Adrar, si le chemin de fer venait à rallier cette ville. De là, elles seraient transportées par route sur Niamey ou Bamako. Un autre projet structurant est en train de voir le jour en Kabylie. Outre la modernisation de la ligne Alger-Tizi Ouzou, le chemin de fer s’étendra jusqu’à Oued Aïssi, au niveau de la zone industrielle Aïssat Idir. Cette voie serait, à terme, extensible jusqu’à Azazga. La SNTF prévoit la réalisation de trois lignes à grande vitesse (LGV) : Bordj Bou Arréridj-Khemis Méliana sur 320 km (avec un itinéraire indépendant de l’actuel mais qui passera par Bouira et Beni Mansour), Boumedfaâ-Djelfa sur 260 km Touggourt-Hassi Messaoud sur 240 km. Cette entreprise publique compte également procéder à l’électrification de la ligne du Nord (de la frontière Est à la frontière Ouest) et à l’acquisition de 64 rames automotrices en plus de 30 locomotives diesel (Général Motors). La vitesse développée par les LGV va de 160 à 200 km/h. Un segment important de l’économie nationale est ainsi promis à un développement fulgurant de façon à ce qu’il puisse rattraper les retards accumulés pendant quatre décennies et servir en même temps de veines irriguant, en complémentarité avec le réseau routier, les économies maghrébines tendues vers une future intégration.

A. N. M.

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