Sida, la thérapie du mensonge

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C’est quand même troublant qu’une maladie aussi redoutable que le sida ne soit l’objet d’attention dans notre pays qu’en de rares occasions comme les séminaires, les agitations de quelque association ou le passage d’une éminence internationale dans la spécialité. Tout le monde connaît la portée et l’efficacité de telles actions. Elles sont nulles, mais peuvent se situer en deçà. Quand on « fait semblant » de faire quelque chose, non seulement on ne fait rien, mais on empêche les autres de faire. Et puis cette journée internationale qui, miraculeusement, est « célébrée » chaque année avec le même rituel: on nous jette un chiffre à la face comme Benbella a jeté en 1962 le million et demi de martyrs, on nous rassure sur l’ampleur du fléau et la prise en charge de ceux qui en sont atteints et c’est parti. Pour cette année, le chiffre est de 3 416 séropositifs et 878 cas de sida. Nous sommes d’emblée appelés à apprécier la précision des chiffres. Mais nous savons depuis longtemps que le zèle dans la précision cache toujours le mensonge des statistiques. Moins on a de moyens et de volonté de quantifier les problèmes, plus on donne l’impression de maîtriser les données et le dispositif à mobiliser pour en venir à bout. On peut toujours nous rétorquer que ce ne sont là que des « cas répertoriés. »

Pourquoi s’emploie-t-on alors à nous rassurer avec autant d’enthousiasme ? Il faut bien admettre que si les pouvoirs politique et sanitaire mettaient l’énergie investie à nous convaincre que nous sommes loin du péril, à combattre réellement la maladie, les choses auraient sûrement connu une considérable amélioration. Mais sans doute la lutte contre le sida dans notre pays ne nécessite pas l’effort particulier que déploient d’autres pays parce que les Algériens seraient les champions de « la fidélité conjugale » et de l’abstinence avant mariage ! Quand on aura entendu ce genre de discours de la bouche d’un médecin, nous aurons définitivement compris notre douleur et pris conscience du danger qui nous guête : il n’y a pas pire rapport à la maladie que celui de ne pas la prendre comme… Une maladie. Et donc de délayes tous les sentiers qui peuvent mener à sa guérison ou sa prévention. En l’occurrence, il faut bien admettre que très peu de choses ont été faites. Dans un pays où on évite déjà l’hôpital pour des maux manifestes, il est difficile de demander à des femmes et des hommes d’aller s’assurer qu’ils ne couvent pas une maladie dont ils ignorent tout. Dans un pays où il faut faire preuve de témérité pour demander normalement un préservatif dans une pharmacie, où des étudiantes pensent se protéger de la maladie avec la pilule contraceptive, où la prostitution est 100 % clandestine et le drogué livré à lui-même, les chiffres du sida ne rassurent pas, tellement ils sont miraculeux.

S.L.

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