“Il y a des “lobbies” qui encouragent un genre musical particulier car servant mieux leurs intérêts”

Partager

La Dépêche de Kabylie : Pourquoi Jubasin (Yuba II) ?

Yubasin : En 1980, lors des événements du Printemps berbère, j’avais 16 ans, c’est tout le monde qui allait manifester à Ighil Ali les événements.

Ces événements je les ai vécus comme un grand bouleversement, une secousse qui allait déterminer l’homme que je suis aujourd’hui ! Je me rappelle avoir confectionné avec un bout de drap et une olive le signe (z) pour aller l’aborder partout.

Me nommer Jubasin est une façon pour moi d’affirmer mon attachement à mon histoire, identité et culture.

J’aimais beaucoup Takfarinas. Je voulais en quelque sorte être son parallèle et une réplique de lui comme le furent nos ancêtres Takfarinas et Yuba !

Revenons à l’artiste…

En 1986, je suis retourné à Oran, J’avais l’inouïe chance de m’insérer au milieu d’une pléiade d’artistes du cercle poétique “agharabu n tamadyazt d issefra” (voilier poétique issefra) qui animait des mercredis poétiques dans l’Ouest du pays notamment à Oran et Tiaret avec l’aide de l’Association Afaq que Lamine Zaoui – qui était alors directeur de la maison de la culture Oran – exhortait à nous aider tout comme Belhdj Salem de l’Association ACVO (Association culturelle de la ville d’Oran) et Amou Abderrahmane, chercheur en linguistique amazigh).

Etait une aubaine pour moi : avec une guitare et mon âme meurtrier et rebelle, je ne pouvais qu’être créateur !

C’est donc à cette époque que remonte votre premier enregistrement ?

J’ai enregistré mon premier album en 1989, c’est un mélange de moderne et du folklore kabyle intitulé : “Imeti ugudjil” (les pleurs de l’orphelin).

A l’époque, j’ai eu même droit à un passage à l’ENTV par le biais de la station régionale Oran. Je me rappelle avoir joué dans une salle pleine où il n’y avait que quelques Kabyles ; n’empêche que c’est toute la salle qui m’applaudissait ! L’Algérien d’alors était prometteur de paix, de tolérance, de fraternité et de joie…

Et depuis “vous êtes porté disparu” ?

J’ai fondé un foyer, les problèmes sociaux m’ont rattrapé et j’ai pris le temps de voir ma famille grandir mais je n’ai jamais cessé de composer des mélodies et d’écrire de la poésie.

Votre retour sur la scène artistique ?

Etait à l’occasion des événements du Printemps noir. Je me trouvais à Oran, et être si loin de la Kabyle lors de ces événements est pénible, étouffant, je n’avais que ma guitare et ma plume pour me consoler.

J’ai composé un album que j’ai intitulé “Telleli” (liberté) où j’ai dénoncé ceux qui assassinaient nos jeunes et où j’appelais à la paix et à plus de démocratie ; lors de l’enregistrement, le hasard a fait que je rencontre dans le studio l’illustre Brahi Tayeb qui m’a accompagné avec sa guitare. Malheureusement, l’éditeur n’a pas fait convenablement son travail et mon album n’a pas été convenablement distribué.

Beaucoup de gens estiment que la chanson kabyle enregistre un net recul aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?

Non, c’est faux. La chanson kabyle avance sereinement et elle progresse, tout ce qu’il y a est que certains artistes sont soutenus mieux que d’autres. Il y a des “lobbies” qui encouragent un genre musical particulier car servant mieux leurs intérêts et qui détruisant les repères de la société. Ajoutez à cela, le manque d’organisateurs et d’infrastructures pour les spectacles, la misère sociale qui ne laisse pas aux gens assez de temps pour apprécier les œuvres d’art et suffisamment d’argent pour se les procurer.

Votre dernier album “J’aime l’Algérien” est fin prêt pour la distribution ?

Effectivement, cet album compte huit chansons du genre moderne. J’ai chanté l’amour, la société et la patrie, j’ai travaillé dessus près de trois ans.

Malheureusement lors de sa diffusion sur adio Soummam le 10 novembre dernier, la chanson intitulée J’aime l’Algérie n’a pas été diffusée contrairement aux sept autres et aucune explication ne m’a été donnée.

C’est une chanson dans laquelle je loue la beauté, le soleil, les villes et régions d’Algérie. Je suis abasourdi !

Entretien réalisé par B. Sadi

Partager