La Déclaration universelle des droits de l’Homme a soixante ans. Sa célébration dans les grandes démocraties auraient pu connaître une plus grande solennité au regard de la noblesse historique de l’évènement, mais cela fait un temps que ces pays ont renoncé au faste des commémorations pour se consacrer à l’action efficace. Les droits de l’Homme, c’est un combat de tous les jours et c’est de l’avoir compris qu’une partie du monde a réalisé les progrès qu’on connaît en la matière. Les professions de foi et les flonflons d’un jour sont laissés pour les autres. L’occident n’est pourtant pas irréprochable dans le retard ( universel ! ) de la promotion des droits de l’Homme. Mais c’est le niveau de ses propres progrès qui le situe dans cette embarrassante responsabilité : il ne fait pas grand-chose, en tout cas pas assez pour que la question avance au même rythme que son modèle économique dans le reste du monde. Pigées par la “real politik” qui prend de plus en plus les contours de grossier euphémisme, les grandes démocraties deviennent impuissantes devant les dérapages et les abus de petits et grands despotes. Parce qu’ils sont incapables de concilier leurs intérêts avec une défense intransigeante des droits de l’Homme, les pouvoirs occidentaux multiplient les compromis quand ils ne ferment pas carrément les yeux. Et quant ils en arrivent à être véhémentement interpellés par leurs ONG ou par leurs oppositions, les dirigeants se défendent avec des arguments peu convaincants. Comme par exemple l’argument du temps qu’il faut laisser aux pays coupables d’exactions pour progresser vers le respect des droits de l’Homme. Remarquez qu’ils parlent toujours de “pays” et jamais des systèmes qui les gouvernent, ce qui en sois veut tout dire! Et puis ce débat du moment lancé par quelques organismes internationaux qui dénoncent la “ culturalisation des droits de l’Homme” qu’on entend parfois des bouches les plus inattendues pour expliquer, voire justifier quelques petites horreurs. Et s’ils ne le disent pas avec clarté, l’opinion doit quand même comprendre que battre les femmes et les empêcher de travailler, emprisonner les opposants politiques et les syndicalistes, criminaliser le choix d’une religion et réprimer des manifestations pacifiques peuvent être des “pratiques culturelles” et des manifestations de la différence susceptibles d’être comprises, voire dignes de respect. Alors au nom de ces arguments et pleins d’autres, comme celui de l’existence de “ dictatures modernes” on traite avec complaisance avec la Chine, on tergiverse avec la Corée du Nord, on se fait ami du Maroc, on se complaît avec la Tunisie, on comprend l’Algérie, on change de regard sur la Libye, on redécouvre la Syrie et tout se passe bien dans les monarchies du Golfe. Les Droits de l’Homme ça peut attendre dans ces contrées. C’est quoi soixante ans après tout ?
S.L.