Comme beaucoup d’autres métiers celui celui de maréchal ferrant commence à se faire rare. C’est durant cette saison où les paysans éprouvent le besoin de ferrer leurs montures qu’ils vont à la recherche de celui qui continue à chausser ânes et mulets comme au bon vieux temps. Mardi dernier, jour de marché à Aïn El Hammam, notre attention a été attiré par un attroupement hors du commun. Une bousculade et des vociférations, mêlées au braiement des ânes, n’ont pas manqué de regrouper de nombreux curieux, sous le tunnel du marché. Une dizaine d’équidés, tenus par la bride, attendaient leur tour pour s’approcher du maréchal ferrant. Ce dernier, forgeron de son état, profite de sa venue à Aïn El Hammam pour écouler le produit de sa fabrication (haches, pioches), tout en faisant profiter de ses services les fellahs, en ferrant les ânes. Pour “chausser” chaque bête, il se fait aider de son propriétaire, prié de tenir la patte dont il taille le sabot, avant d’installer le fer à l’aide de long clous “qui viennent d’Italie”, nous dit-il, fièrement en nous montrant l’emballage.
Une quinzaine de minutes suffisent pour ferrer un baudet qui change d’allure, moyennant cinq cents (500) dinars. Bien que les paysans trouvent élevé le prix du travail, ils se gardent d’en parler, sachant que leur monture en a grandement besoin, pour le transport des olives du fond de la vallée jusqu’au village. Les fers leur permettant de mieux adhérer au terrain accidenté et boueux, les bêtes peinent moins. Le forgeron, originaire de la commune d’Ait Khelili, à une trentaine de kilomètres de Michelet, ne vient au marché qu’une fois par semaine. Ce qui explique le nombre important de paysans qui faisaient la chaîne. A dix heures, il avait déjà ferré douze ânes alors que de nombreux autres attendaient leur tour. Signalons que ce métier de “aheddad” n’attire plus les jeunes en quête de formation. Pourtant, les rares forgerons qui le pratiquent ne s’en plaignent pas. Les produits de la forge sont constamment étalés au marché à des prix défiant toute concurrence. Tant qu’il y aura des montagnards qui auront des oliveraies ou qui éprouveront le besoin de nettoyer leurs champs, ils auront toujours recours au forgeron dont les services seront de plus en plus chers.
A. O. T.
