Le lièvre et le cheval

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Liamine Zeroual ne sera donc pas candidat à la prochaine élection présidentielle, mais ce n’est pas le plus important parce qu’on s’en doutait un peu. Ce qui est intéressant par contre c’est de se demander, sans attendre de réponse peut-être, s’il était attendu de lui de “sauver l’Algérie” en se présentant au starting-bloc ou en refusant la course. A moins que ce ne soit une grossière manipulation, ce qui est peu probable parce qu’on ne voit pas où est son intérêt, la rumeur, qui prenait à un moment des allures de certitude, a été happée par deux “courants” d’opinion. S’ils ne se sont à aucun moment déclinés sur le terrain des idées, ils se sont quand même affrontés dans de sourdes bagarres dont il était néanmoins aisé de percevoir les enjeux. Le premier a la mérite de la clarté. Aigris par l’épisode Benflis, ses animateurs se sont installés dans une logique de revanche avec un mot d’ordre qui manque terriblement d’épaisseur politique, mais permet tout de même de sauver la face après la déconfiture qu’on connaît : tout sauf Bouteflika. Avant avril 2004, ils étaient pour Benflis en criant sur tous les toits qu’il était le candidat de l’armée. Dans la perspective d’avril 2009, ils ne trouvent toujours pas d’inconvénient à ce qu’il y ait un autre candidat de l’armée à condition que ce ne soit pas Bouteflika.

Et avec quels arguments ? L’alternance démocratique ! Avec la révision de la Constitution qui n’est sûrement pas un modèle de vertu politique, ils auront ainsi bu le calice jusqu’à la lie. Les voilà donc en train de sauver les meubles une fois de plus. En décrédibilisant à l’extrême une élection qui n’en a pourtant plus besoin, la cause étant déjà entendue. Et décrébiliser à l’extrême l’élection consiste à leurs yeux à empêcher des candidatures “sérieuses”, ce qui suppose qu’il pourrait donc y en avoir, hormis Bouteflika ! Le deuxième “courant” d’opinion, plus discret et ça se comprend, est composé, à tout seigneur tout honneur, du premier cercle de ceux qui se sont démenés comme de beaux diables pour susciter la candidature de M. Zeroual. Ils l’ont déjà fait en 2004 quand Abdelaziz Bouteflika n’avait pas besoin de “lièvre” parce qu’il tenait déjà un cheval en la personne de… Benflis.

Ce qui érode un peu plus la thèse de la manipulation. Clients à l’affût de l’opportunité, courtisans laissés sur le carreau, ils pensaient trouver en Liamine Zeroual l’homme par qui ils reviendraient dans la cour. Leur “culture” politique ne leur permettant pas d’aller chercher plus loin, ils se sont donné l’espoir en tirant des plans sur la comète. Zeroual aurait ainsi juré de faire la peau à Bouteflika, l’armée est furieuse après la révision constitutionnelle, ne veut plus entendre parler de la réconciliation nationale et “chercherait quelqu’un” pour prendre les clés de la maison Algérie. Les uns comme les autres se rejoignent peut-être sur l’essentiel. Même si les premiers vont crier victoire et les seconds n’ont rien dit puisqu’il sont restés dans l’ombre.

S.L.

slimanlaouari@gmail.com

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