Dans cet entretien, Samir Choubane, en connaisseur, nous parle aussi, avec amertume, du niveau lamentable des chanteurs kabyles actuels. Tout en rendant hommage à une minorité d’entre-eux qui font du bon travail.
La Dépêche de Kabylie : Pouvez-vous retracer votre parcours à nos lecteurs ?
Samir Choubane : Juste après ma formation de deux années à l’ITE de Bouira comme PEF de musique, j’ai continué mes études dans le même domaine à l’institut Ghassiri de Sétif. A la fin de mes études, je suis revenu travailler à Béjaïa tout en étant membre du groupe “Les 4 Vitesses” avec le regretté Salim Berkani, Mamou Benzaïd et aussi Karim Amokrane avec lequel j’ai passé une année à l’ITE de Bouira. J’ai beaucoup appris avec ce groupe : J’y jouait du saxophone. Après cela, j’ai été pris par mon métier d’enseignant. Toutefois, en parallèle, j’ai voulu former ma propre équipe. Mais, cela n’a pas duré longtemps à cause du manque de temps. Sinon, je continue à jouer des saxophones ténor, alto et soprano, et aussi des flûtes à bec et traversière. Inutile de vous dire que j’ai mes propres morceaux de musique. J’ai également donné des cours de solfège et de flûtes à la Maison de la culture de Béjaïa du temps où Mme Iaïche en était la directrice.
D’ailleurs, j’en garde de très bons souvenirs, car, les élèves étaient des enfants qui avaient appris très rapidement tellement ils avaient la musique dans le sang. A ce jour, leurs parents me demandent de reprendre.
Parlons maintenant de l’enseignement de la musique, peut-on espérer avoir des résultats concrets avec des classes de plus de 40 élèves à raison d’une heure par semaine ?
C’est possible. Cela dépend des compétences de l’enseignant et de l’amour qu’il porte à la musique et à ses élèves. Je l’ai moi-même vérifié puisque j’ai enseigné dans ces conditions et j’ai pu avoir des résultats plus que satisfaisants. Par contre, lorsque l’on se retrouve avec 17 classes de plus de 40 élèves chacune, je ne pense pas que cela soit possible.
Nous avons entendu parler de la prochaine création d’une école de musique dans la capitale des Hammadites. Qu’en est-il exactement ?
C’est vrai. Et c’est grâce à Hamid Merouani, responsable du Comité des fêtes de la ville de Béjaïa.
Mais, sera-t-elle accessible pour tout le monde ?
Nous ne ferons pas de sélection, encore moins de discrimination. Cette école sera ouverte à tout le monde et plusieurs instruments de musique y seront enseignés.
Est-ce que ce projet sera la création d’une école, au sens propre du terme ou simplement une section “musique” au niveau du Comité des fêtes, comme ce qui existe dans les centres culturels et les maisons de jeunes ?
Ce sera une véritable école où il y aura différents niveaux. Nous pensons même à sanctionner les formation par des attestations qui pourront servir aux musiciens formés.
Etant un professeur de musique, et donc, un connaisseur, parlez-nous de la musique kabyle actuelle.
Franchement, je pense que c’est désolant d’en arriver là. Mis à part quelques artistes, les jeunes ne font pas de recherches. Une boîte à rythmes, un texte écrit n’importe comment et le tour est joué : On “produit” quelque chose.
Ce n’est pas le cas pour la musique chaouie qui a beaucoup évolué.
D’après vous, quelles en sont les raisons ?
L’argent. Surtout l’argent. Le seul souci des jeunes artistes actuels est d’en gagner énormément et facilement. Je vous assure qu’il y a de quoi avoir honte.
Pensez-vous que cette école de musique qui sera créée à Béjaïa, changera les choses ?
Je l’espère. Ne serait-ce que pour changer un minimum de choses. En tout cas, ce sera l’un de nos objectifs.
Le mot de la fin ?
Je souhaite, avec la création de cette école, que la musique kabyle retrouve ses valeurs d’antan.
Propos recueillis par Tarik Amirouchen