Le grand chantier des petits métiers

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Un homme d’affaires algérien installé au Canada se demandait, il y a trois ou quatre ans, à l’occasion d’un séminaire tenu à l’hôtel El.Aurassi “ comment on peut parler de chômage dans un pays ou tout reste à faire.” Le constat, dont la pertinence est renforcée par l”évidence, est valable aussi bien pour les nouveaux créneaux restés vierges ou investis sans imagination. Mais c’est à un niveau bien plus modeste que l’interrogation de l’homme d’affaires algérien semble avoir orienté sa réflexion. Pour illustrer sa remarque, il avait sorti de sa poche une brosse à cheveux dont la forme circulaire, avait-il révélé, n’existe qu’en Algérie. D’aspect grossier mais original, cette brosse a pourtant inspiré un canadien qui en a fait fortune en lançant sa fabrication au Canada. Plus récemment, un ami nous racontait comment un opérateur avait retardé de plusieurs mois l’ouverture de son hôtel cinq étoiles sur la côte oranaise tout simplement parce qu’il n’avait pas trouvé de… femmes de ménage qualifiés pour ce standing, ce l’a l’obligé à en former lui-même. On ne sait pas ce que forme aujourd’hui le centre de formation professionnelle du Val d’Hydra, mais on devine que sa reconversion n’est pas une opération heureuse. C’était “ l’école des métiers domestiques” qui date de la période coloniale. Il n’y a donc pas de femmes de ménage, mais des millions de femmes qui ne demandent qu’à travailler et pour beaucoup moins que le salaire d’un palace. Il n’y a pas de plombiers, mais une armée de flibustiers vivent de ce métier. Le procédé est simple. Ils vont chez les gens qui les appellent après avoir été recommandés, constatent les défaillances, demandent “l’avance” et la somme nécessaire à “ l’achat des pièces” et disparaissent dans la nature. D’autres, moins indélicats mais tout aussi incompétents vous laissent la maison en un horrible chantier et deviennent indisponibles ou injoignables. Il n’y a pas de maçons, mais il y a des carte de visite. Ceux parmi eux qui sont capables de faire un travail à peu près correct sont tellement “ surbookés” qu’ils en tirent un maximum. Y compris en laissant en rade des clients obligés de les attendre parce qu’il ont entamé le travail. Cela donne des maisons qui ne se terminent jamais, des familles vivant entre briques et sable ou le recours, l’âme en peine, au premier bricoleur qui passe. Il faudra bien un jour qu’il y ait des plombiers qui réparent des fuites et installent un lavabo, des maçons qui construisent des murs et des mécaniciens qui dépannent des voitures. Une évidence ? Ce n’est pas sûr. Sinon il n’y aurait pas autant de chômeurs, alors que, comme le disait notre homme d’affaires, exilé, tout reste à faire dans ce pays.

S.L.

laouarisliman@gmail.com

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