Le nouvel ordre insolite de la bigoterie

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On a eu droit, la semaine passée, à une fetwa prononcée par un ancien recteur de l’université cairote d’El Azhar. Ce décret religieux autorise les voisins d’un couple à aller demander au juge de faire prononcer le divorce de ce couple pour d’éventuelles chamailleries au sein du foyer dont ces voisins auraient prix connaissance. L’avant-dernière fetwa prononcée en 2007 par deux ‘’éminences’’ de cette université islamique, Ezzat Attia et Abdelmahdi Abdelkader, ne cesse de faire de vagues en Égypte et de bénéficier de moult commentaires et analyses dans la plupart des pays musulmans, y compris en Algérie. Aucune qualification ne lui sied mieux que le mot ‘’ridicule’’. En effet, les deux théologiens sunnites autorisent deux personnes de sexes différents à se retrouver seules dans un bureau fermé à condition que la femme ait allaité son compagnon fût-ce à l’âge adulte, c’est-à-dire y compris dans le bureau où les deux personnes travaillent. Un journal égyptien a pu verser d’une façon jouissive dans cette ironie :  » En vous rendant dans une administration publique, vous ne devriez pas être surpris si vous tombez un jour sur un fonctionnaire de 50 ans en train de téter sa collègue « . De telles visions saugrenues de la société ne nous auraient pas intéressés- elles seraient sans doute classées dans la rubrique ‘’insolites’’- si notre jeunesse ne se montrait pas si vulnérable face à toutes les hérésies que les vertus de la parabole et de l’Internet ont mises à portée de main. Ayant perdu les repères culturels qui font l’authenticité algérienne, la nouvelle génération se trouve, à son corps défendant, coincée entre une modernité mal assumée- où seuls les ersatz du développement lui sont accessibles- et une tradition qui s’effiloche à vue d’œil et qui, par une dérive sémantique, prend le nom de ‘’salafia’’.

A.N.M.

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