Les deux médecins acquittés contre toute attente !

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« La justice n’est pas juste, c’est comme si on avait tué mon mari une deuxième fois ! », explose littéralement la veuve prise d’une crise de sanglots au milieu de policiers qui la guidaient vers le hall des pas perdus.

Hier, la veuve Boutache venait de perdre le dernier espoir de voir le concours de l’Etat se manifester à l’égard de sa fillette, ce qui, confiait-elle bien avant l’énoncé du jugement, a fondé son appel: « Qui va élever ma fille de trois ans ?  » L’arrêt de la Cour d’appel semble effectivement évacuer du même coup la responsabilité civile du secteur sanitaire.

Reprenant quelque peu ses esprits, elle proclame qu’elle va poursuivre la bataille en se pourvoyant en cassation. « Je suis choquée ! », nous dit Me Hamida Ibrahim, avocate de la veuve.

Pire, elle explique que sa mandante avait déjà raté l’occasion d’introduire une opposition et que le pourvoi demeure tributaire du bon vouloir du parquet général.

Pourtant rien ne présageait d’une telle issue dans cette affaire qui a défrayé la chronique.

Le 27 février 2008, une commission d’enquête interne constituée à l’initiative de la direction de l’EPH Khellil-Amrane concluait à une « négligence médico-chirurgicale avérée » dans la mort d’Azzedine Boutache.

Le 21 septembre suivant, la commission de discipline du Conseil de l’Ordre régional des médecins propose une année d’interdiction d’exercice de la médecine contre le Dr. T. Zaidi (chirurgie générale) et un avertissement avec inscription au dossier à l’encontre du Dr. R. Lalmi (médecine générale).

Conséquemment, le tribunal de Béjaïa condamne, en son audience du 17 décembre dernier, les deux médecins, chacune à une année de prison avec sursis et 20 000 DA d’amendes pour négligence et faute médicale ayant provoqué la mort.

Que s’est-il passé ? Une véritable descente aux enfers minutieusement relatée par le rapport de la commission d’enquête initié par la direction de l’hôpital de Béjaïa.

Le 20 janvier 2008, Azzedine Boutache se présente au pavillon des urgences « avec un syndrome occlusif (….) où l’indication chirurgicale ne souffre aucune ambigüité ».

Moins d’un mois plus tard, soit le 2 février, il rendra l’âme après des souffrances qui évoquent tant une mauvaise prise en charge médicale qu’un mépris absolu de la vie humaine.

Un mot d’orientation d’urgence du médecin du service d’hémodialyse révèle, selon le rapport de la commission, la présence de « selles émises par voie orale ». Pour ceux de nos lecteurs qui ont l’oreille un peu lourde, cela veut dire que l’occlusion intestinale n’a pas été soignée au point que le patient en était arrivé à « chier » par la bouche.

On ne sait plus très bien ce qui s’est passé dans l’intervalle. L’enquête révèle un entrelacs de manquements qui confinent à une véritable déréliction tant humaine qu’organisationnelle.

La commission ne retrouve « aucune traçabilité d’avis de chirurgie » dans le dossier du défunt patient. Le Dr. Zaidi a-t-elle « vu et examiné » le patient, a-t-elle « pris connaissance du dossier » ? Ce sont les questions que se posent, sans pouvoir y répondre, les membres de la commission d’enquête. Des questions, il y en a d’autres aussi. D’ordre non médical. A-t-elle suggéré, comme l’accuse la plaignante, le transfèrement du patient vers une clinique privée ? A-t-elle temporisé pour parvenir à cette fin « sonnante et trébuchante » ?

Si ces questions ne trouvent pas de réponses, une certitude demeure qui hantera les consciences de tous ceux qui ont peu ou prou de responsabilités dans cette affaire.

Azzedine Boutache, un jeune homme de 37 ans qui, de l’avis même des enquêteurs, présentait « une forte corpulence » a été tué parce qu’on ne lui a pas prodigué les soins nécessaires à l’hôpital Khellil -Amrane. Il laisse une veuve et une fillette de trois ans. Elle s’appelle Baya.

M. Bessa

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