Apparemment, le fisc ne badine pas quand il s’agit de recouvrer son dû ! Comment est-ce possible ? Par quelle alchimie ?
C’est simple, d’après N. H. frère du défunt, le commerce de Z. H. est toujours là, car son frère a plongé secrètement la main dans la poche du mort et a hérité de la clé du commerce que tenait le désormais défunt avant qu’il n’ait été mis en terre. Cela s’est passé au moment où les yeux des autres membres de la famille étaient dans le vague. En un mot, en deuil. Astucieux ! Le jour même de l’enterrement de Z. H., soit le 22 octobre 1997, son frère T. H., deuxième descendant de la famille H., s’offre un bail de location en son nom. Le document délivré par le vice-président de la DEC de l’époque à T. H. a été établi suivant la formule bien de chez nous, le gré à gré, car le demandeur, il est vrai, est une personne influente et connue dans la commune, voire dans d’autres régions, comme étant un multimillionnaire. Le vice-président de la DEC, signataire du bail, estime N. H., aurait, semble-t-il, succombé aux offres alléchantes de son futur pourvoyeur de fonds.
Hors du circuit de l’imposition
Autre tour de passe-passe de T. H, selon le plaignant, il s’inscrit en date du 1er mars 1998 au Centre national du registre de commerce. Le détenteur du document du CNRC, inscrit sous l’immatriculation : 98.A.911996, enfile ainsi l’habit de la légalité pour exercer “le commerce de détail des boissons alcoolisées à emporter”. Très preste à hériter des deux locaux qu’exploitait son défunt frère, mais demeurant sciemment, cependant, hors du circuit de l’imposition, c’est-à-dire T. H. n’a pas établi, selon l’accusateur, une déclaration d’existence pour que l’Inspection des impôts puisse radier le mort pour le remplacer par le nouvel occupant des lieux. C’est pour cette raison que le mort est toujours redevable. Aujourd’hui même, en 2009, il doit 270 000 DA. Très ingénieux, non ! Et encore une autre astuce. La machine de la bureaucratie a été mise encore une autre fois à contribution par T. H. à l’effet de se faire délivrer des reçus de loyer en son nom, alors que les fameux coupons ne sont délivrés qu’aux personnes ayant un extrait de rôle apuré comme le stipule la loi en vigueur. Soit dit, une mise à jour indiquant clairement que le locataire des lieux n’est pas redevable. Pour les deux locaux en question, ce n’est pas le cas. Cette situation a suscité le courroux de l’un des frères du défunt qui crie à l’injustice. S’estimant “lésé” par son frère T. H. et convaincu de la justesse de sa cause, N. H. s’engouffre dans les dédales de la justice en 2000. Du coup, il dépose une plainte contre X, Y et Z qu’il accuse, pour résumer de “fraude et faux usage de faux”. Et l’appareil judiciaire se met aussitôt en branle. Trois accusés seront ainsi convoqués et auditionnés par la police judiciaire de la sûreté de daïra de Sidi Aïch. Outre les mis en cause, la police a aussi auditionné les membres de la famille H. pour les besoins, bien évidemment, de l’affaire qui a été inscrite sous le n°186/2000 au tribunal correctionnel de Sidi Aïch, section civile.
“Tous les documents au nom du mort”
Le 14 novembre 2000, M. M.S, receveur de la recette communale de Sidi Aïch, est convoqué pour être entendu dans l’affaire l’opposant à N. H. Il révèle à l’officier chargé de l’affaire : “Je porte à votre connaissance que ni l’APC de Sidi Aïch ni aucune autre personne ne s’est manifestée par écrit pour nous signaler que les deux locaux ont changé de propriétaire…” Un peu plus loin, il précise que “le nommé T. H. s’est présenté à nous pour nous déclarer qu’il est le nouveau propriétaire (locataire) et ce depuis le 22 octobre 1997, mais sans pour autant nous remettre à ce jour une justification (…)”. Il révèle également aux enquêteurs qu’“à ce jour, les dettes citées plus haut n’ont pas été réglées, d’ailleurs c’est pour cela qu’une opposition (ATD) a été formulée auprès de la banque où était domicilié feu Z. H. (…) Il fait comprendre que tant que la recette communale n’a pas reçu un écrit pour le nouveau locataire, tous les documents sont établis au nom de Z. H.”.
“Succession, un problème des héritiers”
Poursuivant l’audition des accusés, les services de sécurité, chargés de l’affaire, convoquent le lendemain, soit le 15 novembre 2000 B.A.I., chef d’inspection des impôts de Sidi-Aïch. Celui-ci explique aux enquêteurs que “l’extrait de rôle établi en date du 18 avril 2000 au nom de feu Z. H. est délivré par l’inspection des impôts de Sidi Aïch”. Il précise dans le même contexte qu’“il s’agit de l’exercice de l’année 1997 qui est mis en application l’année suivante, soit en 1998”, en mettant en relief que “pour le droit de succession 1998/1999 ce sont les héritiers qui sont concernés pour régler ce problème”. Il explique au sujet du recouvrement des arriérés de Z. H. que “l’inspection des impôts a transmis un dossier auprès du receveur des contributions de Sidi Aïch (…)”. Il avoue en outre que “l’inspection est informée du décès de Z. H.”, en précisant que “son dossier est clos” au niveau de l’inspection des impôts. “C’est T. H. qui occupe les lieux de Z. H. suivant le bail de location délivré le 22 octobre 1997 par l’APC de Sidi Aïch”, conclut-il sa déposition.
De son côté, le vice-président de la DEC de Sidi Aïch, auditionné le même jour, soit le 15 novembre 2000, déclare aux enquêteurs qu’“il avait bien signé le bail de location (…) concernant le local à usage commercial sis au marché de Sidi Aïch en date du 22/10/1999 en tant que, précise-t-il, vice-président de la DEC”. Il explique, par ailleurs, aux enquêteurs que “le bail de location a été établi au nom de T. H, suite au décès de son frère Z. H.” en se défendant au passage qu’“un désistement officiel a été légalisé auprès de l’APC de Sidi Aïch par tous les membres de la famille H. au profit de T.H.”. Il ajoute comme pour appuyer ses propos qu’“il n’y a aucun mal à cela étant donné qu’un désistement a été donné au profit de T. H. par tous les membres de sa famille”.
“Il nous a induits en erreur”
Pour N. H., auteur de la plainte, “le bail de location et le désistement ont été établis avant même l’établissement de la fridha”. Ce qui est, du point de vue juridique, estime-t-il, “une entorse à la loi”. Selon lui, “sa signature et celle d’un autre héritier ont été tout simplement imitées”. Paradoxe ! Contrairement à ce que déclare le requérant N. H. et selon les termes d’un autre procès-verbal d’audition, R. H., frère du défunt, indique aux enquêteurs qu“”effectivement et suite à un commun accord, tous les membres de la famille du défunt Z. H., se sont désistés au profit de notre frère T. H. le bien commercial sis au marché de Sidi Aïch”. Aussi, ajoute-t-il, “une délégation de pouvoir a été établie (…) ainsi qu’un désistement cité plus haut donnant plein pouvoir à notre frère T. H. en vue de régler les dettes et la récupération des créances de notre frère Z.” Cependant, regrette-t-il, “il s’est avéré qu’il s’agit de deux locaux et non d’un seul, je pense que notre frère T. nous a induits en erreur en signant le désistement (…)” Aussi, dit-il, “j’ignore si T. a établi un bail de location”. D’ailleurs, enchaîne-t-il, “j’ai établi une opposition par l’intermédiaire d’un huissier de justice sur le compte de N. H.”, tout en faisant part aux enquêteurs que l’affaire de l’héritage a été portée à la connaissance de la justice qui n’a pas encore tranché.
Après l’audition des différentes parties, l’officier de police chargé de l’affaire remet son rapport au procureur de la République près le tribunal de Sidi Aïch le 4 octobre 2000. Trois mois plus tard, le 30 janvier 2001, le tribunal se prononce : un non-lieu.
C’est pourquoi le requérant fait appel. La cour de Béjaïa confirme le premier verdict.
Dalil Saiche