Sortir du lit de Procuste

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Les populations de Kablylie, principale partie concernée — on l’oublie souvent — par les élections partielles que les pouvoirs publics veulent organiser dans la région, ne semblent pas particulièrement emballées par cette mécanique infernale générée par une importante décision politique du gouvernement. Si des états-majors de partis se réunissent dans les salons pour peaufiner une stratégie électorale pour un mandat amputé de 60% de sa longévité et que d’autres s’organisent en université d’été ou en conclave d’urgence pour crier au scandale, la société, quant à elle, paraît demeurer loin de ces arènes, et pour cause ! Echaudée par une administration tatillonne et froide, voire frigide, et par une classe politique réduite à la gestion caricaturale des fauteuils et carrières de leurs chefs, la population kabyle vit cette “double rupture” comme le châtiment que le légendaire Procuste infligeait à ses victimes : trop longues, selon le lit qu’il leur propose, elles doivent être amputées ; trop courtes, selon les mesures d’un autre lit qu’il met à leur à leur disposition, elle doivent être étirées jusqu’à ce que mort s’ensuive.Face à ce dilemme, aggravé par un “bicaméralisme” partisan, engoncé dans un nombrilisme ravageur source de discorde, d’invective et de haine, les administrés, les contribuables et les électeurs — que l’on regroupe sous le nom de citoyens — ont appris à vivre seuls, à s’organiser selon les possibilités permises par le legs d’une culture ancestrale ; en tout cas, il ont désappris à faire confiance à des coquilles vides qui les ont menés en bateau pendant plus d’une décennie après la longue nuit du règne du parti unique.Convenons que si l’acte électoral résumait ou couronnait la vie démocratique d’un pays l’Algérie serait l’un des bastions imprenables de la démocratie dans le monde au vu du nombre et de la fréquence des votes dans notre pays.Malheureusement, l’acte électoral est souvent réduit chez nous à une manœuvre de légitimation de faits accomplis. La démocratie, c’est connu, ne se réduit pas à une élection. Elle peut même s’en passer temporairement dans une période de transition qui annonce de grands changements comme ce fut le cas avec le CNT sous le trop court règne de Boudiaf. En bref, la solution électorale est l’un des instruments les plus pratiques et les plus efficaces dans une démocratie, mais elle ne peut jamais être une fin en soi.C’est pourquoi, l’engagement de l’Etat avec les délégués des archs gagnerait à éviter de faire une fixation sur les élus ou les “indus élus” de Kabylie, pour consacrer le temps et l’énergie des uns et des autres aux grandes questions et interrogations charriées par les événements de Kabylie dont une bonne partie est consignée dans la Plate-forme d’El Kseur. La question des assemblées locales ne doit pas — à moins de deux années de la fin de leur mandat — constituer une étincelle d’une nouvelle discorde dont la Kabylie peut allègrement se passer.

Amar Naït Messaoud

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