Les vents de la “solution finale’’

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Après avoir rapporté avec grand fracas, au milieu de l’année 2008, l’histoire peu ordinaire d’un jeune Algérien qui, pour raison de chômage persistant, s’est auto-mutilé en sectionnant son membre viril, la presse algérienne a pu faire, dans le domaine de la violence sociale et des comportements relavant de la pathologie, dans l’enquête et l’investigation au point de constituer une anthologie de la ‘’solution finale’’ à laquelle sont réduits des jeunes et même des gens d’un certain âge en Algérie. Ayant répondu à l’absurde situation sociale d’abord par la patience, puis par une moue dubitative et enfin par la casse, le jeune algérien ne paraît pas bénéficier de l’attention voulue de la part des siens et des pouvoirs publics. De quelque côté où il tourne la tête, le mur de l’incompréhension et de la répression- pas nécessairement policière- se dresse face à lui. Avec le mot ‘’hogra’’, il a exporté un ‘’algérianisme’’ au-delà des frontières ; des médias étrangers l’ont ajouté à leur lexique. Ce concept dit pour nous les déboires, les impasses et la déréliction humaine d’un pays dont le destin aurait pu être mille fois plus florissant si le gouvernail de l’Algérie n’avait pas souffert de tant d’aléas et de forts vents contraires. Outre la formation au rabais, la déscolarisation précoce et le chômage qui pointe à l’horizon, les autres frustrations d’ordre culturel, matériel et sexuel ne sont pas à négliger dans la formation de cette ‘’mixture explosive’’ dans la tête de notre jeunesse. Une forme pernicieuse d’aliénation induite, entre autres, par une industrie culturelle allogène laquelle, ne rencontrant en face d’elle aucune espèce de résistance ou de préparation intelligente, nourrit, irrigue et enivre fortement les segments les plus fragiles de la jeunesse algérienne. Aliénation, schizophrénie et complexe de l’étranger sont le moteur psychologique pour des esprits déjà éreintés par le chômage chronique, la bureaucratie et l’école inutile. Il n’y a peut-être pas meilleure manière de ‘’fabriquer’’ des ‘’harragas’’, des pègres et des candidats au suicide.

L’actualité de ces dernières semaines, après la fin des grandes houles marines, est riche en aventures ‘’harragas’’ malgré la récession économique qui touche actuellement l’Andalousie et qui a fait retourner chez eux quelques harragas vendangeurs et cueilleurs d’oranges mis en situation de chômage.

Dans un esprit de vengeance sociale et de protestation mal canalisée, les jeunes Algériens ont aussi recours de plus en plus à l’émeute. Au cours des cinq dernières années, des villes et villages ont été assiégés, saccagés et brûlés parfois pour des raisons fort banales. La culture de l’émeute est à ce point ancrée dans l’esprit de notre jeunesse qu’elle vient remplir le vide sidéral frappant cette frange importante de notre population en matière d’emploi, de loisirs et de divertissement. La suicide vient malheureusement compléter, par l’installation de la ‘’solution finale’’, cette funeste liste des violences vécues au sein de la société.

Pire que toutes les autres, cette réaction de l’être qui cherche un ‘’remède’’ dans le néant emporte également avec elle le secret de la motivation du geste fatal. L’impasse socioéconomique, l’échec flagrant de l’école et de ses valeurs culturelles et éducatives et la vacuité des instances sensées servir de régulation sociale ne peuvent que nourrir et faire remonter en surface de vieux conflits tribaux ou claniques et pousser les jeunes dans leurs derniers retranchements.

Le ressaisissement ne peut être que global, impliquant pouvoirs publics, médecins, chercheurs et associations.

Amar Naït Messaoud

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