La céramique, le parent pauvre de l’art

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Par ses formes, son esthétique, son usage et le répertoire de ses motifs décoratifs, la poterie kabyle est réputée pour être l’une des plus riches qui soient. L’histoire de la céramique est aussi ancienne que l’histoire de l’homme, étant donné que les premiers objets d’argile cuite remontent à 30 000 ans. Toutes les civilisations ont laissé leurs marques sur l’argile, exprimant leurs goûts, leurs croyances, leurs styles de vie et leurs habitudes alimentaires. Des traces qui peuvent aisément déterminer le niveau de vie économique, l’expression artistique et le degré du raffinement technique en examinant les articles de céramique d’une période et d’une région données. Les périodes de paix et de liberté intellectuelle ont produit, comme pour toute autre activité humaine, de magnifiques pièces de céramique, alors que les périodes de guerre et de tyrannie n’ont produit que des articles pauvres et utilitaires. Dans l’histoire de la Méditerranée, certains points de référence des civilisations correspondent également à des points de référence dans le développement de la céramique : par exemple, la période crétoise et grecque, la civilisation islamique, l’influence de la Renaissance à partir du XVe siècle en Italie, le Siècle des Lumières au XVIIIe, lorsqu’une nouvelle approche scientifique mit un terme à la longue recherche du secret de la porcelaine. L’argile, matière première utilisée dans tous les produits, resta la même tout au long des siècles, mais l’intelligence des hommes lui conféra une variété presque infinie de formes, de couleurs et de textures. Dans la région de M’chedallah à Ouahven, ancien village d’Ath Ivrahim ou encore à Ahl El Ksar, d’immenses gisements d’argiles à ciel ouvert, sont encore exploités par des femmes et des hommes de tous âges qui viennent régulièrement s’approvisionner en cette matière. Des artisans potiers qui exercent, pour une grande majorité, chez eux et sans cartes d’artisan. Selon une estimation de la directrice de la PME et de l’artisanat de la wilaya de Bouira, environ 400 potiers exerceraient à travers la wilaya. Lors des journées de formation sur la céramique d’art, organisées justement par la DPMEA, en collaboration avec l’association nationale des céramistes “Ayadi”, qui se sont déroulées les 24 et 25 juin derniers au niveau de l’ODEJ de Bouira, le constat était flagrant. Seulement 37 participants, entre potiers, stagiaires en poterie, professeurs de poterie et différents animateurs des dispositifs CNAC, ANSEJ et ANGEM ont pris part à cette formation de deux jours. C’est-à-dire que sur l’ensemble des potiers ayant été formés par les CFPA, seulement une dizaine d’entre eux ont choisi d’exercer leur art. Un état de fait qui ne s’explique pas pour Mme Baya Herriouk, directrice de la PME et de l’artisanat de Bouira. “La poterie ne nourrit pas” nous expliquera-t-elle en regrettant ce manque d’engouement. Toutefois, en sillonnant la RN 5 ou encore d’autres grands axes routiers, les étals de poteries et de céramique sont omniprésents. Rien que dans la région d’Ighrem jusqu’à Ahnif, des objets en céramique où des poterie multicolores diverses attirent l’œil des automobilistes. Pourtant, les objets proposés à la vente, paradoxalement ne proviennent pas du terroir comme on pourrait le croire. Des objets plutôt médiocres et de piètres qualités qui sont importés de Tunisie et même de Chine ! Le terroir a du souci à se faire si la poterie Kabyle, unique en son genre, dans ses formes géométriques et ses couleurs chatoyantes est remplacée par de vulgaires produits en terre cuite. C’est donc, à juste titre que la DPMEA de Bouira a organisé ces journées de formation pour promouvoir et développer le métier de céramiste au niveau de la wilaya. Une formation qui aura eu le mérite de faire connaître la céramique à des potiers qui jusque-là se limitaient à créer des formes et à dessiner des motifs purement traditionnels sur leurs œuvres. Reste à ce que les stagiaires en poterie formés actuellement par les CFPA, soient motivés pour qu’ils puissent pleinement exercer leur passion en la faisant partager au grand public.

Hafidh B.

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