Le tourisme de montagne : un atout pour les populations rurales

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L’Organisation mondiale du tourisme définit ainsi le touriste : “Toute personne en déplacement, hors de son environnement habituel, pour une durée d’au moins une nuitée et d’un an, au plus.” Ce qui sous-entend que des infrastructures d’accompagnement doivent obligatoirement être mises à la disposition du visiteur. Il ne s’agit pas seulement d’attirer le touriste à coups de spots publicitaires vantant les charmes de nos contrées, mais encore faut-il mettre à sa disposition les conditions d’accueil, suivant ses attentes. Même si le tourisme reste réservé aux classes aisées, on assiste, ces dernières années, à l’émergence d’un tourisme des classes moyennes. Bien que les moyens des uns soient sans commune mesure avec ceux des autres, l’objectif recherché (détente ou découverte) demeure le même. Leurs exigences se situent au niveau de la restauration et des moyens de déplacement. Certains optent pour des infrastructures (hôtels, restaurants) de luxe alors que les autres se contentent d’un toit et d’un lit, comme en témoignent les nombreux vacanciers qui investissent les camps de toile, sur les plages.

Conscientes de l’attrait exercé par la côte sur les différentes couches sociales, les régions côtières en ont fait une source de recette non négligeable. En revanche, les communes rurales, pourtant pauvres et isolées, n’ont jamais cru en la possibilité d’exploiter le tourisme de montagne qui, à terme, pourrait s’avérer un atout majeur pour sortir les populations locales du sous-développement. La seule époque où le terme de “touriste” était fréquemment utilisé remonte à la fin des années soixante où la région attirait des coopérants techniques, très nombreux en Algérie à cette période post-indépendance. Les villages recevaient alors des visiteurs attirés par l’architecture et les produits de l’artisanat local. Les samedis et dimanches, jours de repos, des tentes étaient dressées pour des piques-niques, le long de la rivière jusqu’à Takhoukht. Sur les berges colorées de oued El Djemaâ ou de oued Aïssi, on assistait à des parties de foot et de rugby qu’on avait découverts alors. Après une longue absence due à l’insécurité, nous assistons au retour, bien que timide, des “promeneurs” de chez nous qui nous surprennent par leur présence en ces lieux. D’autres préfèrent s’installer le long des routes menant à la montagne, mais sans s’y enfoncer franchement. Par prudence, sécurité oblige, ils choisissent la proximité des lieux habités. Les plus hardis, des jeunes en groupes, généralement adeptes du tourisme sportif, tentent l’aventure jusque sur les hauteurs, au col de Tirourda et au-delà. Là, on n’est qu’à 1850 mètres d’altitude. Ce n’est pas encore la pleine montagne et on est déjà subjugués par le superbe paysage qui s’offre à nous. Le plus beau est à venir, avant d’atteindre les sommets de Lalla Khedidja. La beauté du site, la pureté de l’air invitent les randonneurs à pénétrer, plus profondément dans la montagne. Au détour de chaque rocher, ils découvrent de nouveaux paysages, toujours plus beaux les uns que les autres. Un lac par-ci, un animal par-là, une plante ou une pierre et tant d’images fascinantes à immortaliser sur les appareils des chasseurs de photos. Plus bas, vers Tizi Oumalou, l’attraction est indéniablement la grotte du macchabée, incontournable pour qui découvre le Djurdjura. On ne peut faire l’impasse sur la visite de cette excavation naturelle, dès que l’on évoque une sortie dans la montagne.

Dommage que de tels lieux restent inexploités

Le site peu connu, même pour de nombreux habitants de la région, mérite qu’on y fasse un détour. Situé à quelques kilomètres du chef-lieu de la commune d’Ath Bouyoucef, ce trou béant, creusé naturellement sur la falaise, est visible de loin, telle une tâche noire, sur le flanc Nord du Djurdjura. Au fond d’un couloir, on découvre la dépouille d’un homme, mort dans les années quarante, suite à une chute dans une cheminée d’une dizaine de mètres. Il y restera, conservé grâce à la température très basse de la grotte. L’intérieur de la cavité consiste en un labyrinthe formé d’un dédale de galeries noires, au sol glissant et de précipices insondables que des spéléologues se feraient un plaisir d’explorer pour mettre à jour les secrets qui y sont enfouis depuis la nuit des temps. Un éboulement a failli enterrer le macchabée pour toujours. Des jeunes volontaires auraient réussi à le dégager. Le site situé entre les communes d’Akbil et Ath Bouyoucef demande à être protégé et surtout sécurisé. Le visiteur ne peut redescendre de la montagne, sans avoir auparavant fait un détour vers Azrou n’Thour. Ce pic à 1 850 mètres d’altitude domine toute la région d’Iferhounène. La vue imprenable s’étend, au loin, sur de superbes paysages vers Larbaâ Nath, Azazga ou Akbou dans la wilaya de Béjaïa et enfin sur une partie de la wilaya de Bouira. Les plus chanceux coïncideront leur visite avec “Assensou b’Azrou n’Thour”, une fête organisée au mois d’août, alternativement par les villages d’Ath Atsou, Zoubga et Ath Adella pour honorer le Saint d’Azrou N’ Thour. Les visiteurs y viennent de partout, qui par croyances, qui pour se ressourcer et se distraire dans cet endroit magique. Des hauteurs du Djurdjura d’aucuns redescendent ravis du site fascinant qu’ils avaient admiré à satiété. Ils n’oublieront pas de vanter la qualité de l’eau de “Aïn Billy” ou la pureté de l’air ambiant. Cependant, une pointe de regret est toujours perceptible chez les touristes qui se retournent pour admirer une dernière fois “sa majesté” le Djurdjura. “Dommage que de tels lieux demeurent inexploités”. Des sports tels la randonnée, la spéléologie et l’alpinisme et surtout le trekking (un sport à mi-chemin entre la randonnée et l’alpinisme) peuvent y être pratiqués durant neuf mois sur douze. Or, les richesses de ces régions ne se limitent pas aux massifs montagneux. Tout autant que les us et coutumes pouvant donner motif à la découverte, l’artisanat local nous a déjà donné une idée de l’engouement qu’il peut susciter tant en Algérie qu’en dehors de nos frontières. Le bijou de Béni Yenni, le tapis de Ouaghzen ou d’Aït Hichem peuvent représenter un prétexte au développement du tourisme local. De nombreux étrangers attendent les événements que représentent les Fêtes du tapis et du bijou, pour s’approvisionner en produits de l’artisanat local très prisés. Les salons organisés, de manière sporadique, pour faire connaître le tapis sont loin d’atteindre le but qui devait être le leur. Ces événements sans lendemains ne reçoivent la visite que des habitants de la région. Ils n’attirent que rarement quelques étrangers, de passage. D’ailleurs, une fois la manifestation close, les visiteurs ayant fait leurs emplettes ne reviennent qu’au prochain rendez-vous. Quand bien même ils le voudraient, ils en seraient dissuadés par l’inexistence de conditions d’accueil ou de lieux de rencontres avec les artisans. La maison du tapis qui devait être un “coin” de rencontre des artisanes et par conséquent de promotion du produit artisanal local demeure désespérément fermée, pour des problèmes administratifs. Les tapissières à domicile peinent alors, à écouler leurs produits, faute de touristes, particulièrement européens qu’on dit fascinés par le tapis d’Aït Hichem. L’attrait exercé pourrait être exploité pour appâter les touristes à qui on pourrait proposer un large éventail de visites dans tous ces sites préalablement aménagés.

Absence criante d’infrastructures

Plus que la Fête du tapis, des événements à caractère religieux drainent des foules de visiteurs qui viennent des quatre coins du pays, pour un pèlerinage à Djeddi Menguellet ou d’autres mausolées, tel celui de Chikh Mohand. Les visiteurs y viennent chercher la bénédiction de ces saints auxquels les croyances populaires attribuent des pouvoirs surnaturels. S’il se donne la peine de s’approcher des villages, le voyageur sera comblé de découvrir des pans, rescapés de l’architecture ancienne ou des curiosités dont les autochtones se feront un plaisir de lui livrer le secret. Thala Melloulen à Aït Saâda, les vestiges du fort du royaume de Koukou, la maison de Lalla Fadhma N’Soumer et bien d’autres sites, en friche, ne demandent qu’à être valorisés pour donner une nouvelle dynamique pour la région. Ce qui ne pourrait se faire sans l’existence des activités économiques auxquelles le tourisme fait appel (moyens de transport, restaurants et hôtel…). Ce qui est loin d’être le cas, actuellement, dans la région. Un simple tour, au chef-lieu de la commune d’Aït Yahia ou même de Aïn El Hammam, vous donnera un aperçu de l’absence criante d’infrastructures, de restauration ou d’hôtellerie. Les gargotes d’un autre âge sont plutôt destinées aux locaux, toutes les classes confondues. De passage, un étranger ne peut se contenter d’un hamburger avalé, debout, adossé au comptoir. L’hôtel Djurdjura, un joyau des années soixante-dix est devenu un restaurant-hôtel tout à fait banal. Un projet pour en faire une auberge de jeunesse serait à l’étude, actuellement. Dans une région aussi isolée et démunie du point de vue industriel, qu’est AÏn El Hammam, les opportunités devant servir de base au tourisme ne manquent pas. Elles pourront servir de rampe de lancement au développement et à la création d’emplois, unique façon de mettre un frein à l’exode rural. La solution, même partielle pour fixer ces jeunes qui s’exilent massivement viendra du tourisme, un palliatif à l’absence de l’industrie. Les pouvoirs publics se doivent de s’y pencher et d’entamer des études sur les possibilités offertes en la matière par la région. Le sujet est souvent évoqué à l’échelle locale, bien que du bout des lèvres, sans plus. Pourtant, si l’on veut donner un “coup de fouet” aux régions rurales, il va falloir penser à exploiter leur richesse essentielle : le tourisme montagnard. D’aucuns pensent aux stations de sports d’hiver. Il est évident qu’à l’heure actuelle, il serait utopique de parler de stations de ski et autres sports de glisse. Ce qui ne doit pas exclure des activités ne demandant pas de gros investissements qui peuvent tout de même être projetées, dans le cadre de la promotion du tourisme qui semble tenir à cœur aux responsables, au niveau de la wilaya. L’expérience d’une agence de voyages privée qui a “osé” organiser, avec succès des “randonnées blanches” (sur la neige) en hiver et des “randonnées vertes” au printemps est à méditer.

A. O. T.

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