La Dépêche de Kabylie : Qui est Merzouk Mazari ?
Merzouk Mazari : Je suis un chanteur qui a débuté dans les années 1960. Je suis originaire de Larbaâ Nath Irathen, né le 24 mai 1951 au village Aït Yacoub, commune d’Irdjen que j’ai quitté à l’âge de cinq ans. J’ai fait ma scolarité à l’école “Esplanade” à Tizi-Ouzou puis à Boukhalfa avant de rejoindre Alger en 1964.
Votre carrière de chanteur remonte à quand ?
J’ai commencé à chanter comme tous les jeunes de mon âge à 16 ans, uniquement dans des fêtes familiales. Jusqu’à 1976 où j’ai réussi à enregistrer mon premier 45 T Ayen ayen. Le hasard a voulu que ce jour-là, je rencontre El Hasnaoui amechtouh et Hamid Ougrani à la même édition, ils étaient venus enregistrer leurs chansons.
Vous avez combien d’albums ? Et lequel parmi eux a bien marché ?
J’ai huit cassettes disponibles sur le marché. Grâce si j’ose dire comme ça, à Saïd Bouthlava, ma première K7 a vu le jour chez l’édition Ouaziz, en 1977/1978. Par contre, celui qui a eu du succès, je crois que c’est celui Dhirith errayin enregistré chez “Art d’aujourd’hui” en 1985. Actuellement, il est diffusé sur BRTV et la Chaîne II.
A travers les succès enregistrés, vous vous êtes éclipsé durant dix huit longues années. Pourquoi ?
Cette absence est motivée par des raisons personnelles que je ne peux étaler dans la presse, mais n’empêche que j’ai toujours continué à travailler, puisque j’ai à mon actif plus de 200 chansons, sans compter celles que j’ai données à d’autres chanteurs.
Composez-vous pour d’autres ?
Oui. Depuis mes débuts, je l’ai toujours fait. La chanson Aldjiya chantée, par Mouloud Habib en 1970 m’appartient. Il y a aussi Yehkem essad akmetsugh que j’ai écrit pour Kaci Abdjaoui. La liste des chanteurs pour lesquels j’ai composé des chansons est longue. Dommage qu’aujourd’hui, c’est pas le cas pour nos jeunes chanteurs. Ils ne nous sollicitent pas pour les aider.
Justement, que pensez-vous de la chanson kabyle actuellement ?
Sur le plan technique, la chanson en général a progressé. Sur le plan thématique, poétique et musical, elle a régressé, notamment depuis l’avènement du raï en Kabylie. “On chasse le naturel, il revient au galop”, dit l’adage. Mais, je constate ces deux dernières années, heureusement d’ailleurs, qu’il y a une prise de conscience chez nos jeunes chanteurs. Et c’est tant mieux pour notre chanson.
Et votre avis sur les reprises ?
C’est l’anarchie. Cette situation ne rend pas service à notre chanson. La culture en général a besoin de création. Sinon “qui n’avance pas recule”, dit-on. J’admet que le phénomène des reprises est mondial, mais la différence chez nous, ils ne demandent pas l’autorisation du propriétaire de l’œuvre reprise. Je souhaite que la chanson kabyle reprenne ses droits et sa place.
Vous chantez dans quel genre au fait ?
Je m’inspire beaucoup plus du genre “Heddi” marocain, mais un peu cadencé où on trouve des ingrédients de chant populaire, à l’exemple de Dirith errayiw.
Ton idole ?
Lounis Aït Menguellet, incontestablement, même si nous sommes de la même génération. Il y en a aussi d’autres parmi les anciens ?
Des projets ?
Oui, des projets, il y en a. Pour commencer, je vais me remettre incessamment avec la compilation de mes anciennes chansons, mais je n’ai pas encore trouvé un éditeur digne de ce nom. Il y aurait aussi un nouvel album qui sortira en début d’année en France, puisque j’y suis installé depuis 1992. Voilà tout.
Avant de terminer, une question qui me tient à cœur. Pourquoi les chanteurs de LNI n’arrivent pas à percer dans le domaine ?
(lire)… Peut-être, une malédiction… les raisons sont multiples et simples. Prenons le cas de Hacène Ahrès, s’il était resté à LNI, il n’aurait jamais un tel succès. Donc, pour réussir, et cela dans tous les domaines de la vie, il faut sortir de son village. Ifegh arverra thimghured (sort de ton patelin et grandit), dit-on dans le jargon kabyle.
Un dernier mot ?
Je souhaite à la chanson kabyle qu’elle retrouve son lustre d’autan, c’est mon souhait le plus cher. Je remercie ici Mustapha Moussi, Kamel Tarwihth et Nacer Abassi de BRTV qui m’ont beaucoup motivé pour revenir à la chanson, sans oublier Taleb Tahar et votre journal bien sûr, qui m’a permis de m’exprimer.
Entretien réalisé par S. K. S.