Une synergie qui tarde à donner ses fruits

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Les derniers amendements apportés par le gouvernement aux missions et attributions de l’Agence nationale du développement de l’investissement font réellement partie d’une volonté de booster les investissements et de leur donner un cadre institutionnel et juridique qui leur permettra de se placer dans la dynamique de la relance économique telle qu’elle est conçue par les pouvoirs publics. En effet, l’ANDI, qui est issue de l’ancienne APSI (Agence de promotion et de soutien à l’investissement), a vu son rôle s’amenuiser un peu plus chaque jour au moins pour deux raisons : les bureaux d’études (généralement de comptabilité) chargés de présenter l’ossature des investissements projetés par un candidat au soutien de l’État se limitent à adapter les “desiderata’’ de ce dernier aux différentes brèches de soutien permises par le code des investissements (dégrèvements fiscaux, douaniers, exonération de la TVA…) ; ensuite, du fait que l’agence n’était pas habilitée à suivre le “destin’’ que prendra cette intention d’investissement. De dernier problème, découlent deux handicaps : l’impossibilité d’accompagner le candidat dans le fouillis bureaucratique qui l’attend au niveau des banques, du foncier ou des autres équipements publics que requiert son action d’investissement, ainsi que le non-suivi de la concrétisation au nom dudit investissement. Combien de faux investisseurs ont utilisé juste l’exonération de la TVA appliquée à certains véhicules utilitaires importés pour verser dans un mercantilisme de bas étage en revendant le matériel ainsi acheté à un prix fort, du moins qui lui permettra de “bouffer’’ la TVA.

Donc, le gouvernement a vu juste en octroyant à l’ANDI, par le truchement d’un arrêté interministériel publié dans le Journal officiel du début mai 2009, plus de prérogatives et en élargissant son champ d’action jusqu’à pouvoir suivre et contrôler les projets d’investissement qui ont bénéficié, via l’agence, des soutiens de l’État. Dorénavant, un état des lieux annuel de l’avancement du projet devra être présenté à l’ANDI. L’investisseur est tenu de déposer un document –établi préalablement par l’Agence sur la base de renseignements fournis par le porteur de projet- dans la limite des délais fixés dans le cadre du dépôt des déclarations fiscales annuelles au titre de l’IRG (impôt sur le revenu global) et de l’IBS (impôts sur le bénéfice des sociétés). Tout changement dans la conduite ou le contenu du projet doit être signalé à l’agence. Ainsi, entre celle-ci et le service des impôts, une relation étroite s’établit du fait que les moyens de coercition et de sanction en cas de défaillance (non-respect de la formule initiale du projet) relèvent précisément des services fiscaux lesquels, une fois avertis par l’ANDI, actionneront leur machine répressive pour annuler les avantages fiscaux dont avait bénéficié l’investisseur.

Un fonds d’investissement à la rescousse

Cette nouvelle étape institutionnelle rejoint et accompagne également une autre mesure importante prise par le président de la République le 28 février dernier, à Biskra, lors des assises sur l’agriculture. Il s’agit de la mise en place d’un Fonds national d’investissement (FNI). Ce fonds est officiellement mis en place à partir du 1er mars dernier. Ce nouvel instrument d’accompagnement financier des entreprises est issu de la restructuration de la Banque algérienne de développement (BEA), structure chargée traditionnellement de la gestion des prêts extérieurs destinés au développement des infrastructures et équipements publics. En s’inscrivant dans “la dynamique de soutien financier à l’investissement”, comme le souligne le ministre des Finances, Karim Djoudi, ce fonds doté de 150 milliards de dinars est chargé, “d’apporter les ressources financières supplémentaires et de répondre aux attentes des investisseurs par une approche nouvelle”. A ce jour, les crédits bancaires mobilisés pour financer l’économie s’elève à 2 600 milliards de dinars, soit une croissance annuelle de 15%. C’est en complémentarité de ces crédits que le FNI sera mobilisé avec, il est vrai, quelques avantages comme la possibilité de prêts consensuels à des taux réduits, mais aussi une possibilité de garantie par l’État. Le ministre des Finances précise que ce sont des financements à long terme destinés à encourager les investissements directs étrangers (IDE) ainsi que les investissements nationaux. À moyen terme, le FNI pourra intervenir pour un seuil minimal de 1 000 milliards de dinars.

Pour un partenariat loyal

En tout cas, le souci des autorités algériennes en matière d’investissements, surtout étrangers, trouve sa justification dans la conjoncture mondiale de crise qui réclame plus d’imagination et moins d’approximation dans le développement d’une politique attractive. Après qu’on eût décidé d’une mesure d’association entre partenaires étranger et algérien à hauteur de 30%, et qui toucherait l’ensemble des partenaires de l’Algérie installés depuis des années, les remous qu’elle suscita sur la scène économique et dans le monde des affaires a été tel qu’il a fallu au ministre des Finances de corriger le tir à partir de Washington, à la fin du mois d’avril dernier. Cette formule de “société mixte’’ obligatoire est entrée en vigueur le 1er mars 2009. L’instruction de la Chefferie du gouvernement ordonnait aux “sociétés étrangères déjà immatriculées et exerçant dans l’activité des importations à se mettre en conformité avec la disposition sus-évoquée dans un délai qui ne saurait excéder le 30 septembre 2009”. Il y a lieu de préciser que 1 665 sociétés étrangères- soit 52 nationalités- exercent en Algérie l’activité d’import-export.

Par ailleurs, la politique nationale d’investissement, particulièrement son côté partenariat avec l’étranger, a fait l’objet de sévères critiques de la part du président de la République à la rentrée sociale passée. Ces observations ont été exprimées publiquement en 2008, face aux maires regroupés à Alger. Quelques semaines après, une mesure- insinuée par Bouteflika dans le sillage de la nouvelle conception de l’investissement étranger en Algérie- a été prise par le Chef du gouvernement ; elle concerne l’établissement d’une taxe qui grèvera les dividendes réalisés par les entreprises étrangères exerçant en Algérie. Les transferts d’argent- exonérés de toute imposition- effectués par ces entreprises vers leurs pays d’origine ont été qualifiés, bien tardivement, de “fuite de capitaux’’. Des analystes ont, depuis quelques années déjà, tiré la sonnette d’alarme quant à cette fuite considérable de capitaux qui pénalise l’Algérie. C’est l’Assemblée nationale populaire qui a ainsi pris en charge la promulgation de cette mesure dans le cadre de la loi de finances 2009. L’article de la loi de finance considère les bénéfices transférables des succursales et autres installations aux sociétés-mères établies à l’étranger comme dividendes qui doivent être soumises à une taxe de 15%. Les sociétés étrangères exerçant en Algérie sont censées, d’après la nouvelle loi, créer une filiale ou une succursale, ou bien une autre entité professionnelle au sens fiscal.

Une attractivité qui manque de punch

La moyenne du rythme des investissements directs étrangers (IDE) en Algérie est de 1 milliard de dollars par an, selon le ministre des Finances. Cette donnée, tout en révélant l’ampleur des investissements d’un pays et son degré d’attractivité, ne constituent pas, aux yeux de certains partenaires économiques nationaux, à l’image d’Issad Rabrab, patron de Cevital, une condition sine qua non pour se lancer dans des opérations d’investissement dans leur propre pays. Plus que le milliard de dollars dont a fait état le ministre des Finances, dans des conditions idéales du climat d’investissement (où les banques, les dispositifs et règlements fonciers, l’accompagnement en infrastructures publiques…etc, joueraient le jeu), l’Algérie pourrait accueillir des IDE de l’ordre de 5 à 6 milliards de dollars d’après les spécialistes. Le fossé entre les potentialités d’investissement et la réalité du terrain est illustré dans un rapport que la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) a établi sur l’investissement dans le monde en 2008. L’Algérie se retrouve dans la position de huitième en Afrique en matière d’attractivité pour les investissements étrangers. Ces derniers étaient de 1,6 milliard de dollars en 2007 en direction de l’Algérie, selon l’institution onusienne. L’Algérie vient bien après le Nigeria (12,5 mds de $), l’Égypte (11,6 mds de $), l’Afrique du Sud (5,2 mds de $), le Maroc (2,6 mds de $), la Libye (2,5 de $) et le Soudan (2,4 de $). Pour toute l’Afrique, les IDE représentaient 53 milliards de dollars en 2007. Pour l’année 2008, l’Observatoire international des investissements étrangers (ANIMA) fait état d’une chute des investissements étrangers en Algérie de l’ordre de 40%. Certaines défections sont celles enregistrées pour les intentions d’investissement émanant des pays du Golfe. On parle même de 5 projets complètement abandonnés. En présentant le 3 mai dernier son guide intitulé “Investir en Algérie”, et mis à jour à janvier 2009, Jean-Marie Pinel, PDG du cabinet d’audit et de conseil KPMG-Algérie estime que la baisse du nombre des intentions d’investissement confiées à son cabinet par des candidats étrangers a une relation avec la crise mondiale, comme elle peut aussi s’expliquer par les nouvelles réglementations algériennes afférentes aux investissements étrangers (obligation de participation à hauteur de 30% d’une partie algérienne aux capitaux à investir dans le cadre des sociétés d’importation, fiscalisation des dividendes rapatriés,…). Signalons enfin que, au cours des cinq dernières années, les IDE ont pu créer en Algérie quelque 250 000 emplois.

Accroissement exponentiel des importations

40 milliards de dollars d’importation pour l’année 2008. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, dit : “halte au scandale”. Au vu de cours aléatoire du pétrole, la menace semble sérieuse sur l’économie nationale et la stabilité sociale du pays. En avril dernier, de nouvelles données de l’actualité économiques étaient venues secouer l’assurance des Algériens quant à l’impact de la crise mondiale sur le système économique du pays. En effet, le Centre national de l’informatique et des statistiques (CNIS) dépendant de l’administration des Douanes a donné les chiffres des transactions commerciales de l’Algérie avec l’extérieur pour la période du premier trimestre 2009. La baisse des recettes d’exportation par rapport à la même période de 2008 est de 42,07%. En chiffres absolus, les recettes sont passées de 18,55 milliards de dollars à 10,74. Cette perte de presque 10 milliards de dollars en l’espace de trois mois est due directement à la baisse de la consommation mondiale en hydrocarbures, situation qui a ramené le baril de pétrole de 140 dollars en juillet 2008 et à moins de 50 dollars en avril 2009. Cette nouvelle donne, en se répercutant directement sur les finances algériennes du fait d’une dépendance directe de l’Algérie de ses exportations pétrolières, installe une nouvelle configuration des possibilités de financement des importations. En effet, le ratio importations/ exportation passe ainsi de 217% à 114% en l’espace d’une année. De même, le taux d’inflation du premier trimestre 2009 tel qu’estimé par l’Office national des statistiques (ONS) s’établit à 6,1%. Ce taux résulte de la hausse des prix de plusieurs produits : les biens alimentaires (+8,9 %), avec +17,6% pour les produits agricoles frais, 5,9% pour les services et 1,9% pour les biens manufacturés. Les prix des produits alimentaires industriels, quant à eux, ont connu une stagnation, au cours des trois premiers mois de l’année en cours. A l’exception de la baisse des prix des huiles et graisses (-11,20%), tous les autres produits du groupe alimentation s’étaient inscrits en hausse au cours de cette période dont essentiellement le poisson frais (+38,9%), viandes de mouton (22,4%), volaille, lapin et œufs (+22%), légumes (+17,4%), café et thé (+12,1%), viandes de bœuf (+11,90%). Depuis la fin de l’année 2007, les populations algériennes ont bien ressenti cette courbe ascendant de l’inflation dans les marchés de fruits et légumes, dans le superettes, au niveau de l’habillement et dans les dépenses de santé. Au cours de l’année 2008, les statistiques officielles ont évalué cette inflation à 4,9%. Des économistes n’ont pas tardé à faire la relation entre, d’une part, la hausse des salaires des travailleurs décidée par la tripartite en 2006, les lourds investissements publics générateurs de nouveaux salaires mais qui tarderont à être rentabilisés (autoroute, grands barrages hydrauliques, chemins de fer…) et, d’autre part, la hausse vertigineuse des prix des produits de consommation. A cela, il y a lieu d’ajouter les transferts sociaux destinées, aux subventions, aux pensions et autres bonifications qui mettent en circulation une masse monétaire toujours plus importante. C’est, en quelque sorte, la demande qui est fouettée au détriment de l’offre. Cette dernière a souffert des aléas liés à la politique nationale de l’investissement au point où son évolution demeure négligeable. A cela, se greffe le déficit de productivité qui fait que, avec plus de ressources financières et plus de ressources humaines, on obtient les mêmes résultats à l’unité de temps qu’avant la mobilisation des moyens.

Amar Naït Messaou

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