L’amoureux de la paix et de la justice

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La maison de la culture portant son nom à Boumerdès lui a rendu hommage, ce week-end, en commémorant le 10e anniversaire de sa mort avec l’organisation d’un séminaire sur le roman algérien d’expression francophone. Prévue pour trois jours, cette manifestation scientifique n’a donné pratiquement qu’une seule journée. L’allocution d’ouverture de cette journée est prononcée par la ministre de la Culture, Khalida Toumi, rendant aussi un vibrant hommage à Djamel Amrani, poète et intellectuel algérien engagé qui s’est éteint la veille du week-end. Etaient présents aussi, le wali, d’autres hommes de lettres, les membres de la famille du défunt Mimouni et d’autres responsables locaux. Le séminaire s’est pratiquement articulé..; sur la biographie de Rachid Mimouni, mort à l’âge de 50 ans, son parcours et son œuvre littéraire.L’assistance a eu droit à un avant-goût de la pièce de théâtre conçue par Omar Fetmouche en hommage à l’écrivain émérite. D’autant qu’elle est puisée d’une de ses œuvres intitulée Le Manifestant. Fetmouche garde le titre mais illustre sur les planches la pensée mimouniène toujours en quête de rationnalité et de justice.Séquence : Sortant seul dans la rue, brandissant une banderole, le manifestant sera mis dans l’obligation d’expliquer à un officier le sens de son action en tant que minorité. Et au final, celui-ci rappelle ceux qui ont payé cher de leur vie pour le salut de l’Algérie, en proie au désordre. Projetée sur vidéo, le documentaire réalisé en 1993 par la chaîne française TV5, a permis ensuite au public de connaître une importante partie de la vie et l’œuvre de Rachid Mimouni. Dans ce documentaire, il y’a surtout l’entretien avec des journalistes de TV5 qui s’intéressait de près à l’attitude de l’écrivain face aux menaces intégristes qui se faisaient, chaque jour, plus dangereuses. Mimouni refusa de céder à l’affolement. Pour l’auteur de Tombeza, Une peine à vivre, Le fleuve détourné, La malédiction et d’autres œuvres encore, la terre algérienne était sa seule source d’inspiration : la montagne, la plaine, la mer, le douar, les cafés, la rue, tout pouvait l’inspirer, ici. Et il pressentait quelque part que l’exil signifierait pour lui un non-retour définitif. “Si je quitte l’Algérie, je perds mes sources de vie et je ne pourrai plus écrire”, confiait-il.Mais lorsque le danger commençait à menacer les siens, il se sent ainsi coupable d’exposer les siens à la mort. Et il se résout donc à partir, le 27 décembre 1993. Il n’y retournera que le 12 février 1995, pour y être enterré au cimetière de Sidi M’hamed à Boudouaou, son village natal.Survenue suite à la maladie, sa mort surprit même ses proches. Matoub Lounès, le barde kabyle s’interroge à juste titre avec stupeur sur “cette tragique fatalité” qui colle aux talons de l’Algérie.En moins de 13 ans, l’intellectuel Rachid Mimouni, originaire de l’ex-Alma, a produit presque une dizaine d’œuvres. On prétendait qu’il perçait un peu le trait. Lui, répondait sagement que toute œuvre signée par lui et d’autres écrivains algériens de renom, demeurent en deçà de la réalité algérienne. Son obstination à écrire, en dépit des entraves bureaucratiques, de la censure auxquelles il fut exposé, n’a d’égal que son courage. Il se fera éditer à l’étranger y reçoit plusieurs prix littéraires dont l’un en Suisse. Après 1989, on sentait l’espoir de pouvoir s’engager dans la voie de la modernité avec l’avènement du multipartisme. Et croire “Surtout que le printemps n’en sera que plus beau”, pour reprendre l’intitulé d’une de ses œuvres. Mais le répit fut de courte durée. “Un terrible monstre venait de sortir des abysses. Et il allait tout dévaster”, écrivait-il. L’auteur de La malédiction va alors se répandre partout pour sensibiliser l’opinion contre les dangers de l’intégrisme en général et du terrorisme en particulier. Combattre l’hydre islamiste par la plume aux côtés d’autres intellectuels engagés, même s’ils ne sont pas nombreux, à l’instar de Tahar Djaout, premier écrivain-journaliste victime du GIA. Mort un soir d’hiver, Rachid Mimouni ne peut être oublié. Car, ce serait cruel de détourner notre regard de la paix, de l’amour et du printemps qu’il recherchait. Localement, sa famille, ses enfants dont l’aîné Mourad et d’autres amis vont créer une fondation baptisée au nom de Rachid Mimouni. Dans la même perspective, un prix littéraire du même nom sera décerné, chaque année, aux auteurs des meilleurs romans.

Salim Haddou

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