Happy-end pour un week-end ?

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On vient de passer un long week-end de trois jours par lequel est inauguré le nouvel réaménagement du repos hebdomadaire tel qu’il est établi depuis 33 ans. Cependant, cette mesure n’est pas accueillie avec la même ferveur par tous les acteurs de la vie nationale (administrations, entreprises, citoyens, partis…), d’autant qu’une certaine presse – qui n’a de certaine que le règne de la bêtise et de la médiocrité en son sein – a préparé le terrain psychologique à une forme de “rébellion” qui allait gagner certains secteurs idéologiquement bien marqués. C’est ainsi que le ministre de l’Éducation nationale, en insistant un peu trop, dans sa déclaration à Echourouk de mercredi dernier, sur le caractère sacré de la journée du vendredi, décide d’annuler les cours censés âtre assurés la matinée de cette journée. Cela se fera au détriment des élèves, comme de bien entendu, puisque le volume horaire hebdomadaire devra rester le même. C’est le rythme des cours qui sera accéléré, et c’est l’assimilation et la performance qui en prendront nécessairement un coup. L’institution d’un nouveau week-end dit semi-universel mérite-t-elle une si frénétique levée de boucliers et tant d’anathèmes ?

Ces lignes écrites au pied de la zaouïa alawiya de Mostaganem sont inspirées par la sérénité et la forte spiritualité de ce haut lieu de théologie maghrébine. Le cheikh de la zaouïa, Khaled Bentounès, rejette d’un revers de la main les arguties religieuses que certains ont voulu attacher au repos hebdomadaire. Il privilégie puissamment l’argument économique en posant la question : « Combien de milliards on perdait chaque année ? Il suffit d’aller consulter les statistiques du ministère des Finances pour savoir les pertes subies ». Il va plus loin en soutenant légitimement une thèse de poids : il n’y a réellement d’universalité que celle qu’impose le poids économique d’un pays, d’un peuple ou d’une civilisation. « Nous faisons valoir nos idées quand nous sommes véritablement productifs et que nous avons notre poids dans la balance des décisions mondiales. Mais le monde musulman compte pour combien dans la balance aujourd’hui ? » ajoute-t-il dans une déclaration à El Watan. Le pragmatisme d’un chef d’une tariqa religieuse symbolisant l’islam maghrébin tolérant contraste manifestement trop avec certains cercles de l’administration qui se prennent pour les dépositaires de la foi des Algériens. En effet, nous assistons depuis quelques années à des phénomènes inquiétants dans les sphères sociale, culturelle et politique dans notre pays et qui, incontestablement, constituent des signes irréfragables d’un sous-développement général qu’il est irréaliste de vouloir endiguer par la simple magie du verbe ou par une quelconque prestidigitation politicienne. Une société qui jure par le symbolisme des formes, qui en fait une liturgie bien alimentée et prolongée par les cercles les plus rétrogrades et les plus rentiers du pouvoir ne se donne certainement pas d’horizons prometteurs qui la feraient insérer dans la modernité et l’universalité. Les exemples ne manquent sur cette prégnance et cette hégémonie exercées par tout ce qui relève de l’idéologie, du symbolique et même du sentimental au détriment de la raison, de la rationalité et de l’esprit pragmatique. Lorsqu’une administration d’un pays fortement dépendant de l’étranger en matière d’approvisionnement reste sourde aux pertes générées – et qui se calculent en dizaines de millions de dollars – par la mise à l’arrêt des bateaux en rade en raison de deux week-ends cumulés dans une semaine, c’est qu’il y a quelque part une raison fêlée qui continue à présider à nos destinées. Par rapport à nos partenaires étrangers qui deviennent de plus en plus nombreux, l’Algérie n’a travaillé, depuis 1976, que trois jours dans la semaine, et cela au nom d’un “impératif” religieux : la prière du vendredi. Pourtant, il ne faut pas être grand clerc pour pouvoir aménager une plage horaire pour permettre aux fidèles d’accomplir leur prière hebdomadaire. Une “mini-révolution” vient d’être accomplie nonobstant la cacophonie qui tend à en remettre en cause le mouvement.

Amar Naït Messaoud

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