“La poussière s’échappe de la boue !”

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Le quotidien est des plus chaotiques à Béjaïa après les dernières pluies qui auront produit un décor de cloaque. « La poussière s’échappe de la boue ! » On est dans la bonne vieille formule de la première génération des reporters sportifs de la Chaîne II. Ce n’est pas là une simple figure de style mais un état de fait constatable dans cette ville où la réalité ressemble à sa propre caricature.

Exemple paradoxale : on gare sur des accotements boueux tandis que la circulation en milieu de chaussée soulève de gros nuages de poussière. Les bas de caisses sont ainsi maculés de boue quand la vitrerie est couverte de poussière. Paradoxe toujours : on avait espéré que les pluies ne feraient pas trop de dégâts, on espère désormais qu’il pleuvra encore, mais en petite quantité, juste de quoi nettoyer la ville.

Car, il ne faut pas rêver, nous ne sommes pas dans ces cités où les camions de la municipalité procèdent au lavage des routes ! A peine si cela est fait pour les devantures de la wilaya et de l’APC, symboles s’il en est, d’un Etat en grande décrépitude. Ce n’est pourtant pas les moyens qui manquent. Certains évènements, comme la venue du candidat Bouteflika, ou encore les supputations sur une visite du chef de l’Etat, l’été dernier, prouvent que des moyens colossaux peuvent être éventuellement mobilisés en un rien de temps.

Le problème semble au contraire être purement politique, c’est-à-dire relevant du bon vouloir des décideurs locaux qui préfèrent prendre par-dessus la jambe la gestion des retombées des grandes bourrasques comme de tous les problèmes d’ailleurs.

Après un certain affairement bureaucratico-médiatique (cellule de crise, numéro vert et tutti-quanti), les choses retombent dans la facilité. La ville est laissée à l’abandon et les citoyens, dont les ressorts d’indignation semblent complètement cassés, n’ont que le choix de la résignation.

La fatalité semble même atteindre jusques et y compris les sphères décisionnelles. Après avoir envisagé sa mission avec un immense enthousiasme, le wali lui-même montre des signes de lassitude devant l’étendue des tâches à accomplir. Ses toutes dernières interventions conseillent la résignation à des citoyens furieux d’un quotidien douloureux et qui s’expriment comme ils peuvent en fermant les axes routiers où les sièges de mairies. Les retards se sont tellement accumulés que face à la montée des contestations, l’Etat, en attendant peut-être le Plan spécial promis par Bouteflika, n’a plus que la trique à opposer aux revendications des citoyens comme cela est arrivé récemment avec les habitants de Tadergount qui ont eu la lubie de fermer le route de Sétif pendant deux journées successives.

Le FLN, qui sur deux élections consécutives, a réussi à enlever les commandes de l’APC de Béjaïa avec seulement cinq sièges sur vingt-trois, se complaît dans une gestion des plus molles alors que la ville étouffe sous le poids des retards. Ceux-ci sont tels que des formes de revendications propres aux zones rurales ont fini par faire leur entrée dans la ville, à l’image de la fermeture de routes organisée récemment par les habitants d’Ighil-Ouazzoug.

L’APC caracole au hit de non-consommation des crédits tandis que sur plusieurs projets, à l’exemple de l’aménagement de la Route des Aurès, ce sont les directions de wilaya qui lui sont substituées en raison d’une carence opérationnelle avérée. L’image de la cité s’est tellement détériorée qu’une chanson pastiche de la fameuse Bgayet Telha de Chérif Kheddam circule sur le Web et les cellulaires. La ville est décrite non plus comme « l’âme des Kabyles » mais celle des… rats. La cité donne ainsi sur une situation de « dépôt de bilan » et c’est, bien entendu, l’intérêt et le bien-être du citoyen qui sont passés par « pertes et profits ».

M. Bessa

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