Des outils pour la modernisation de la gestion publique

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Après plusieurs rencontres et journées d’études consacrées à la vulgarisation et à l’assimilation des nouvelles techniques comptables basées sur des normes universelles de la gestion financière de l’économie nationale, l’échéance initiale pour leur application était fixée au 1er janvier 2009. Néanmoins, au vu de la complexité de la tâche et de l’impréparation de l’administration, le ministère des Finances a renvoyé la mise en application du nouveau plan comptable au 1er janvier 2010. Le Comité de suivi de la mise en œuvre qui vient d’être installé est une instance regroupant des représentants d’organismes de formation, d’utilisateurs de différents secteurs et de professionnels de la comptabilité. Il sera chargé de “conforter la mise en œuvre du système comptable financier à travers notamment la mise en place des programmes de formation aux nouvelles normes comptables et des programmes de formation en comptabilité en collaboration avec les ministères de l’enseignement”, selon le ministère des Finances.

Pour un pays comme la France, dont la tradition administrative et de gestion publique remonte à plusieurs siècles, ce n’est qu’en 2006 qu’une nouvelle technique de comptabilité a été mise en œuvre ; cette comptabilité à “partie double” aboutit, comme dans les entreprises privées, au bilan et au compte résultat. Ce qui a amené les autorités économiques à apporter des modifications à la loi de finances et à y faire intervenir le contrôle par le commissaire au compte.

Dans l’ouvrage intitulé Gestion publique de R. Le Duff et J.-C.Papillon, il est observé que “la dualité traditionnelle comptabilité privée/comptabilité publique cède progressivement la place à des comptabilités intermédiaires qui tiennent compte, dans le cadre des dotations budgétaires, de la nécessité de calculer des coûts et des prix de vente alors même que le profit l’objet de l’organisation. Cette gradation comptabilité privée/comptabilités intermédiaires/comptabilité privée se retrouve en économie politique”.

En Algérie, comme le note M. Labidi dans sa Comptabilité nationale, “il semble que les premiers comptes nationaux assez complets furent élaborés vers 1958-59 au moment du Plan de Constantine élaboré par les autorités coloniales. Le système comptable utilisé était le système français de comptabilité nationale. Après l’indépendance, les premiers comptes dressés concernaient l’année 1963 et furent élaborés en 1964-65. Le système français de comptabilité nationale fut alors utilisé pour plusieurs raisons. Ce système était relativement en avance à cette époque par rapport au système principal recommandé par les Nations unies et utilisait des cadres et des concepts relativement intéressants ; les équipes de comptables nationaux algériens étaient naturellement encore en cours de constitution puisque aucun comptable national algérien n’avait été formé par la colonisation”.

Analyse des agrégats économiques

En tant qu’instrument de synthèse d’information statistique, la comptabilité nationale permet de tester la cohérence d’un système de statistiques économiques. La comptabilité nationale se prête particulièrement à l’analyse économique et aux études aboutissant aux décisions de politique économique dans les domaines de l’analyse de la production, de l’analyse des revenus, de l’analyse financière et de l’analyse du comportement des agents. La comptabilité nationale est aussi un instrument utile à la planification à court et moyen terme, car ses cadres se prêtent aux projections économiques et aux analyses de base nécessaires.

Les pouvoirs publics ont, afin de moderniser et de hisser aux standards internationaux le système comptable national, fourni des efforts considérables qui ont abouti, en 2007, à l’adoption par l’Assemblée populaire nationale d’un nouveau système comptable offrant plus de transparence et de lisibilité malgré les efforts d’apprentissage et de mise à niveau qu’un tel système exige des entreprises et des personnels appelées à l’utiliser. Ce système “hissera la comptabilité nationale aux normes de fonctionnement de l’économie moderne et permettra de produire une information détaillée reflétant une image fidèle de la situation financière des entreprises”, soutenait devant l’APN, en septembre 2008, Karim Djoudi, ministre des Finances. C’est au début de l’année en cours qu’un travail de vulgarisation a été entamé à l’intention des futurs utilisateurs de ce nouveau système. Des experts comptables estiment que “le travail de vulgarisation fait jusqu’ici par le Conseil national de la comptabilité n’est pas à même de rendre les comptables algériens prêts à l’application du nouveau plan”. Lors d’un séminaire organisé en février dernier à Alger sur les modalités d’application du nouveau système comptable et des normes IFRS (International Financial Reporting Standards), M. Abci, consultant formateur, juge qu’“il est aujourd’hui nécessaire que les structures ayant été à l’origine de la conception du nouveau plan expliquent aux professionnels ses modalités d’application. Cette importante démarche constitue un instrument essentiel pour l’accompagnement du processus de passage de l’ancien au nouveau système”. Le nouveau système remplacera, à partir de janvier 2009, le plan comptable national datant de 1975. Ce dernier ne répond plus aux exigences de la nouvelle économie ouverte sur le monde et sur l’investissement privé. Le système comptable adopté par l’Assemblée nationale en octobre 2007 est censé “permettre la production d’informations détaillées, fiables et comparables reflétant notamment une image transparente et plus précise de la situation financière des entreprises (…) Comme il donne à la gestion de la comptabilité une nouvelle conception dominée par l’aspect économique qui intéresse les investisseurs, au lieu du juridique et fiscal qui intéresse beaucoup plus l’administration fiscale”. Le nouveau plan comptable national, pour lequel des séminaires et journées d’études sont régulièrement organisés pour être au rendez-vous de janvier 2009, sera l’instrument comptable légal des grandes entreprises nationales, de quelque

200 000 PME privées et 711 PME publiques ; mais son application est finalement différée à 2010 pour permettre aux entreprises de se préparer convenablement.

Outre la maîtrise et la modernisation des informations comptables et statistiques propres à l’administration, aux entreprises et aux autres services, l’Algérie est attendue sur le terrain de la mise en circulation des ces informations de façon à mieux en démocratiser l’usage. À bien y réfléchir, la mise à la disposition du large public (journalistes, bureaux d’études, écoles spécialisées,…) des informations statistiques fiables et exploitables participe inévitablement des efforts de démocratisation de la société.

La LFC et le recensement économique

La loi de finances complémentaire 2009 prévoit la modernisation des outils statistiques et de gestion des outils concourrant à l’information économique par le moyen d’un recensement économique dont la colonne vertébrale et le réceptacle final seront l’Office national des statistiques. Ce projet compte fonder sa stratégie sur l’interconnexion entre les différents services producteurs de chiffres, de bilans, de ratios, d’indices et d’autres formes d’informations chiffrées relatives à la production, à la consommation, aux flux et échanges commerciaux, à la création de nouvelles entreprises (données centralisées au Centre national du registre de commerce, CNRC), aux dépenses de santé via la Caisse nationale des assurés sociaux (CNAS), à la fiscalité par l’intermédiaire de la Direction générale des impôts et de la direction des Douanes nationales, aux investissements au travers les organes chargés de la validation des projets (ANDI) ou de leurs financements (banques, caisses de garantie, caisse nationale des investissements), aux modèles et tendances de consommation des ménages, à la démographie et au marché publicitaire.

La nouvelle configuration de l’économie nationale où le secteur privé prend chaque jour un peu plus d’importance par ses investissements et par la création d’emploi commande d’orienter les efforts de la collecte des données particulièrement vers ce créneau de façon à étoffer davantage la base des données statistiques nationales.

Plus que jamais, l’outil statistique est considéré par les pouvoirs publics et les chercheurs en économie et sciences sociales comme un instrument pour la connaissance exacte de l’état général d’un pays, un moyen précieux d’anticipation et de prospective et un atout dans le processus d’aide à la décision.

Le ministre des Finances, Karim Djoudi, dira à propos du recensement économique prévu dans la LFC 2009 : “Ce recensement économique, par ses enquêtes, va permettre de fournir et d’alimenter notre capacité d’analyse. Par la suite, nous allons pouvoir tracer un comportement de ces agents économiques et le comportement des ménages, du revenu,…, etc. C’est un point de liaison qui va apparaître et va clarifier notre politique économique”. Dans l’esprit de mieux encadrer l’activité des entreprises économiques et de disposer de toutes les données statistiques y afférentes, la loi de finances complémentaire 2009 a aussi établi une disposition qui fait obligation à toutes les entreprises constituées en société (SARL, SPA, SA, EURL,…), juridiquement considérées comme personnes morales, de déposer chaque année leurs comptes sociaux au Centre national du registre de commerce (CNRC). Dans tous les domaines de l’activité économique, la méthodologie et la régularité de la collecte des données statistiques, leur traitement par des spécialistes afin de leur donner une signification et d’en tirer le meilleur parti pour les prévisions et la planification économiques s’avèrent des instruments précieux qui participent du principe de la bonne gouvernance.

Le ministre des Finances jugea en juillet dernier que c’était là un “élément fondamental” pour l’économie nationale. “A partir de ce moment-là, nous disposerons d’un outil performant en matière de production statistique pour pouvoir évaluer notre politique économique”, ajoutera-t-il.

Amar Naït Messaoud

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