Quand le cinéma fait mouche

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Dans le sillage de la célébration du 55e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, le septième art s’est invité à la Maison de la culture Ali-Zamoum. “Le cinéma de Bouira !”, s’émerveille toute une génération de Bouiris que l’islamisme intégriste avait empêché de connaître le grand écran et l’émerveillement qu’il procure. “Et c’est en ce sens que la projection du film (et quel film !) de A. Rachedi, la veille du 1er Novembre, s’apparente à un événement dépassant la banalité d’une séance cinématographique. L’événement a fait vibrer le public venu nombreux voir Mestafa Ben Boulaïd”. Le public adulte, celui qui a le souvenir de la grande toile blanche, attendait le générique non sans nostalgie. Les plus jeunes, ceux à qui l’inertie moyenâgeuse interdisait la beauté, découvrait pour la première fois le… cinéma. Vers 21 heures, on éteint les lumières. Le générique se met en branle. Première scène du long métrage : Seconde Guerre mondiale, quelque part en Italie. Mestafa Ben Boulaïd prend part à la bataille opposant les alliés aux nazis. La ressemblance est frappante entre l’acteur et le héros de la guerre de Libération. Casting réussi ! Hitler est battu. Ben Boulaïd et un de ses compagnons, Kaci, rentrent à Alger. Scène chargée de connotations, Ben Boulaïd, le chaoui, invite Kaci le kabyle à se rendre avec lui dans les Aurès. La caméra suivra le héros dans les mechtas. Nous nous attendions à un flash-back qui nous plongera dans l’enfance de Ben Boulaïd. Il n’en sera rien. Après un rapide et non moins condensé jet de lumière sur la personnalité, la véritable personnalité, de Messali, le film enchaînera avec la fameuse “Rencontre des vingt-deux” et le rendez-vous qu’elle générera. Ce fragment du film est, nous semble-t-il, des plus émouvants. Tous les acteurs avaient un trait de ressemblance avec les personnages qu’ils incarnaient. Celui de Mohamed Boudiaf était des plus troublants. Le public, lui, est subjugué. Une charge émotionnelle submerge la salle. Le cinéma était en train de réconcilier, sans verbiages démagogiques, une poignée d’Algériens avec leur histoire. Chose qu’aucun livre d’histoire, autorisé ou pas et aucune manifestation circonstacielle ne réussiront. Ben Boulaïd est arrêté. Les caméras le suivront dans sa cellule à Constantine et y resteront jusqu’à son évasion.

A. Rachedi accordera plus de temps à ce fragment du parcours du héros des Aurès. Un temps, nous semble-t-il, qui serait mieux apprécié s’il était mis à la “disposition” de l’Histoire. L’envergure de l’homme dépasse de loin, de très loin, un espace-temps carcéral que A. Rachedi, et c’est le seul regret, a revisité à la Hollywood. Après son évasion, le héros rejoint son humus. Il y trouvera ses compagnons d’armes préoccupés par la “cheferrie”. Et c’est l’un des rares moments où le film tourne légèrement le dos aux thèses officielles oubliant le moudjahid, en le présentant comme un surhomme, la perfection, l’aboutissement des valeurs…. Cela étant, Mestafa Ben Boulaïd, et après un long silence cinéma, marquera le septième art algérien tout comme l’ont fait L’Opium et le bâton et la Bataille d’Alger.

Salas O. A.

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