Vases non communicants

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Même si les textes fondamentaux du pays réservent la place qui leur sied à la commune-première cellule de la pyramide institutionnelle et unité minimale de la gestion territoriale- et à l’APC en tant que première structure élue la plus proche des citoyens, la réalité de la gestion de ces entités est autrement plus problématique et l’arsenal des textes les régissant demeure souvent un fouillis de vœux pieux. Confrontés à la gestion quotidienne de la cité, les édiles municipaux et les services techniques qui leur sont rattachés se trouvent souvent désarmés face au manque de ressources financières, au déficit en logements sociaux, à la problématique inextricable du foncier et aux pratiques bureaucratiques élisant domicile dans les services de la wilaya et dans d’autres structures connexes censées servir le citoyen et la commune. Sur le versant de la Kabylie maritime de la wilaya de Tizi Ouzou, des efforts méritoires ont été déployés par des citoyens honnêtes et conscients à la veille des élections locales de novembre 2007 pour fédérer les énergies citoyennes dans ce qui a pris le nom de Charte intercommunale. En se proposant d’établir ainsi un pacte pour asseoir une gestion rationnelle des territoires, une démocratie de proximité-qui porte dans ses présupposés les esquisses de la bonne gouvernance- et une solidarité constructive qui sache mobiliser contre l’infortune d’un jour et les problème de chaque jour, les huit communes des régions des Iflissen, Ath Djennad et Ouaguenoun ont donné l’exemple le plus probant des possibilités réelles de notre société à s’organiser loin des carcans bureaucratiques des appareils centralisés, voire même contre eux. Les dernières réactions des populations, s’exprimant parfois dans la violence, et tendant à remettre en cause la gestion des municipalités nous apprennent que les choses sont un plus complexes. On se rend compte que, au vue de l’hypercentralisation de la gestion du pays, la marge de manœuvre des maires et de leurs conseils exécutifs est des plus limitées. Il s’ensuit qu’un malaise patent s’installe inévitablement dans les relations entre administrés et responsables locaux sur des questions qui, en définitive, dépassent les deux parties. Fermer une mairie est une action que ne peut dicter qu’une situation d’impasse et de désespoir. Lorsque les ressorts de dialogue et de la communication civilisée cassent au sein de la communauté, il est nécessairement fait fi des valeurs du civisme et de la culture. Les élus et les populations se trouvent réellement prisonniers d’un système qui les dresse face à face dans la presque totalité de la gestion quotidienne. Qu’il s’agisse de l’itinéraire des conduites de gaz, du sort des décharges sauvages, du transport scolaire ou de la liste des logements sociaux, l’exaspération et la colère des populations ne rencontrent devant elles que le sentiment d’impuissance des exécutifs communaux. Ayant visé trop haut et s’étant machiavéliquement accommodé d’un jeu d’appareils au détriment de la société, le processus démocratique enclenché en 1989 n’avait visiblement pas pour vocation de toucher le citoyen dans sa quotidienneté la plus terre à terre. La preuve, beaucoup de textes de loi ont changé depuis cette date, depuis la vignette automobile jusqu’à la Constitution en passant par les holdings et les participations de l’État, mais les codes de la commune et de la wilaya sont devenus cette Arlésienne dont on parle souvent mais que l’on ne voit jamais. Zerhouni vient de promettre, une fois de plus, que ces textes vont être soumis à la révision par les nouveaux députés.

N’ayant pas attendu les nouveaux codes, les édiles des communes qui ont souscrit aux clauses de la Charte intercommunale en Kabylie ont montré- malgré les limites visibles d’une telle entreprise- que l’organisation du pays (territoire et institutions) a atteint ses… limites. Le jacobinisme, doublé de l’esprit de la rente, a fait d’immenses dégâts moraux, culturels, écologiques et économiques.

Amar Naït Messaoud

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