Rencontrée à la maison de la culture de T.O à l’occasion du gala organisé au profit de l’association Tagmat en compagnie d’autres vedettes de la chanson kabyle c’est une chanteuse pleine de charme, douce et toujours souriante même quand elle relate les pires moments de sa vie que nous avons écoutée.Dire que Djamila a commencé à chanter en 2000 est une sinécure car toute petite déjà, elle se regardait dans la glace et mimait la chanteuse. Elle a fréquenté l’école primaire de Taka Nath Yahia jusqu’en 1978 pour se retrouver finalement entre les 4 murs de la maison paternelle.“Je regardais la télévision. A l’époque la parabole n’existait pas encore. Je voyais beaucoup les films égyptiens et j’aimais particulièrement les films hindous”,. Avait-elle un autre choix ? Non ! Djamila par ailleurs, ne sortait que pour aller chercher de l’eau à la fontaine Tala Bouzrou située à 400 mètres de la maison. “On allait chercher de l’eau fraîche, les consignes des parents étaient strictes : ne pas tarder” De quoi peut discuter une jeune fille dans une fontaine ? Djamila nous livre ces secrets de femmes. “Nos sujets de prédilection sont les demandes en mariage. Le sentiment et tout ce qui touche à l’amour sont jalousement gardés. On ne racontait nos espoirs et rêves qu’aux plus intimes de nos amies”.Il arrive souvent que les discussions se prolongent, 2 heures et plus… “on restait exprès les dernières à rejoindre la fontaine, pour pouvoir rester le plus longtemps possible”.Revenons au foyer, : “La télévision était vue avec parcimonie, de peur “de chauffer la télévision”. Djamila écoutait par conséquent beaucoup plus la radio qu’elle ne voyait la télé. Elle sera marquée à jamais par des chansons telles que Wellah Our Iminegh Lfraq d’Arezki N Ali, Ay Asarou de Domrane et Al waldin Anftiy, de Lounis Aït Mengullet, qui demandait à l’époque à ses parents de ne pas “se presser pour son mariage”.A 14 ans, donc adolescente elle connaissait à fond beaucoup de chansons. Son rêve était de devenir un jour Warda El Djazairia, désir noble que collera à la peau comme sa belle voix douce miel.Elle n’hésitait pas à assister aux fêtes familiales et les fameux “Ourar” constituées de chorale d’hommes et de femmes. C’était, évidemment, pour Djamila les véritables moments de bonheur.Mais le rêve de l’adolescente qu’elle était tourne vit au cauchemar. En 1982 alors qu’elle n’avait que 15 ans, on marie Djamila avec un homme qu’elle n’a jamais connu auparavant et que comble de malheur habite très loin de son village natal, à l’est du pays. C’était un homme de parents riches, et il a été imposé alors qu’elle aimait quelqu’un de son village.“Mais” nous dira Djamila “qui pouvait défier ses parents et refuser un mariage comme cela se pratique de nos jours” ?Le mariage a été vous le devinerez raté. Il a duré 3 années, sanctionné ou récompensé !!? par une fille qui a aujourd’hui 20 ans.C’était les pires moments de la vie de Djamila. Dans cette grande ville de l’est du pays, il n’y avait même pas prétexte à rassemblement de femmes, pour la simple et unique raison que la fontaine publique n’existe pas. A plus de 200 km de chez elle, très jeune, loin des parents Djamila s’est sentie dépaysée.En 1986, donc elle retourne à Michlet avec une fille sur les bras et un dur statut de femme divorcée.“La situation est devenue pire qu’avant. Je ne peux pas faire un pas sans être désignée du doigt”.Comme dirait l’autre c’est bonjour tristesse, ou plutôt rebonjour tristesse, Djamila se retrouvant “prisonnière avec interdiction de sortir non accompagnée».Ses malheurs ne s’arrêtent pas là. La justice lui a confié la garde de l’enfant mais c’était pour moi une véritable charge. Le père n’ayant jamais versé un sou de pension alimentaire elle ne pouvait demander à ses parents de l’argent pour soigner, entretenir et scolariser sa fille. Mais Djamila comme l’arbre qui s’est plié sous ses fruits a résisté jusqu’au bout.Le salut lui viendra d’une autre demande en mariage d’un homme natif de Bouzeguene âgé de 42 ans et père de 8 enfants, qu’elle ne connaît pas non plus.“Après 7 ans de mariage, bien qu’il ait accepté la prise en charge de ma fille on se sépare”.Le retour à Michelet fut dur. En 2000 Djamila décide de tout plaquer pour venir vivre à Tizi Ouzou après avoir fait son bilan. Elle sait qu’un énième remariage est désormais impossible et décide finalement d’épouser… la chanson.Le rêve, alors resurgit comme un vieux démon. En 2001 elle décide d’affronter le maestro Mjahed Hamid, dans son émission “Ifenanen Uzekka”. Elle a participé avec une chanson de Matoub, Zohra et une autre de Yasmina. La voie de la chanson lyrique semble désormais inévitable pour la jeune chanteuse, mais les éditeurs décideront autrement et lui imposent le “non stop” et le “spécial fêtes”. Aucun autre choix n’est possible…Parallèlement elle devient l’invitée des stations radio, El Bahdja, chaîne II et le public découvre de plus e plus les capacités réelles de Djamila.Encouragée par ses passages épisodiques à la radio elle enregistre 3 chansons au studio d’Azazga qui sont des reprises de Zohra (encore elle!), de Matoub Yetsegikh wul iw t une 3e chanson de son cru Anwa wigi”. La consécration finale viendra de la télévision nationale (émission Mesk Elil) qui lui ouvrira grandes ses portes. A l’occasion elle tient à remercier Amina Zairi qui l’a beaucoup aidée.Djamila ayant aujourd’hui accompli un bon bout de chemin, beaucoup d’eau à coulé sous les ponts depuis 200 a décidé de s’investir corps et âme dans le genre de chanson qui est le lyrisme “j’ai envie de chanter ma vie, ma misère et à travers moi beaucoup de femmes se reconnaîtront. J’ai envie de suivre la voie de Hnifa, Zohra qui ont été de véritables porte paroles de femmes que nous sommes”. Elle continue “le style non stop m’a été imposé par les éditeurs, même si je choisis toujours des chansons que j’interprète, je ne reprends jamais les chansons qui ne m’inspirent pas”.Dans l’immédiat, Djamila enregistre 8 chansons à l’orchestre de la Radio, sous la direction de Bouteldja, avec beaucoup d’acoustique et de chansons lyriques.Dans toute ses tournées et galas Djamila a su subjuguer son public qui attend d’elle beaucoup de succès. Entourée d’une équipe de jeunes musiciens et d’un animateur tonitruant à l’image de Youcef Ouanouche ses fêtes ont toujours été réussies.
M. Ouaneche