La lucide traversée du miroir !

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Sur les étals foisonnants de la littérature, les bonnes surprises arrivent là d’où on ne les attendait guère ; c’est dire qu’un bon roman n’est pas forcément l’apanage d’un nom illustre ! Et si quelques esprits chagrins désespèrent de la qualité de la plume algérienne, ils n’ont qu’à guetter « Traduire un silence » : premier roman d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, qui paraîtra bientôt en France à la Société des Éditions Franco-Berbère (Sefraber). Quelle écriture, quelle prose ! Un style à l’image de son œuvre, de cette œuvre virtuose des tensions et des émotions fortes nous plongeant dans un monde secret, exclusif, implosif, sournois voire inquiétant, avec un « Je » qui mène sur plusieurs voies et affleure en vrac des vérités violentes mais réelles.

Ainsi, le niais comme l’incomplet et l’ennuyeux ne se reconnaissent pas dans l’enchaînement torrentiel des mots, plutôt on peut parler de l’originalité et de la fluidité ponctuées par une présence intrinsèque de l’auteur dans chacun de ses maux, ce qui permet au lecteur de s’inviter implicitement, parfois malgré lui, pour chercher en soi ce qui est annoncé par la bouche et sur la peau d’autrui. Une narration qui se veut lyrique dans un réalisme à la fois angoissant, passionnant et… touchant.

«Traduire un silence» n’est pas une sinécure !

Ce roman est l’histoire impossible de deux êtres… voire trois (Kahina, Tiziri et Yuba) où la conjuration ne porte que son nom factice. Semés d’embûches, la quotidienneté et les aléas de la vie sont confrontés à de multiples interdits dont, en prime, celui des gestes. «…Sur les moments fragiles, je n’ai pas prêté attention à ses mots, à l’expression de ses traits ni à ses gestes qui parlaient plus haut et plus fort que ses paroles, je me contentais de saisir le sens, mais des mois ont passé, j’en ai saisi autre chose : une présence dans son absence, des souvenirs confondus à des illusions d’optique, ils passent et se suivent comme l’ombre d’un nuage : silencieuse et frappante. Oui, on aime qui on veut mais jamais comme on veut, on a juste ce qu’on peut mais pas toujours ce qu’on veut», écrit-il dans un accès de lyrisme.

Ce roman de 286 pages est impossible à lâcher ; vachement inspiré, il s’amorce au quart de tour et s’introduit en s’amplifiant à vive allure car les situations deviennent de plus en plus oppressantes vu l’intrigue dans laquelle est plongée notre conscience. Esprits fragiles, serrez bien la couverture entre les doigts ! Le verbe recherché nous sollicite par sa voluptueuse captivité, par sa fluidité hors paire, par son innovation parfois complexe, sinon brute, parfois douce et amplement subtile. S’il se veut un roman foisonnant d’idées, c’est par l’entrelacs d’émotions intenses et variées que l’auteur les souligne, d’où cette magie qui opère et nous happe !

Il y a cette raison d’écrire nourrissant à la racine ses mots, Iris les peint sensiblement par la couleur de son verbe érudit au fin fond de son altruisme, d’où l’échange inconditionnel entre ses pensées naissantes et celles ressuscitées, entre ses menées philosophiques et celles psychologiques. Tout est, en somme, dans « Traduire un silence » éternelle renaissance, cette curieuse découverte sommeillant en soi et qui voit le jour une fois que les états d’âme sont entièrement brassés.

« Traduire un silence » est un roman à lire absolument ! Et Iris est un nom de plume à retenir vivement !

T. D.

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