Lumière, espoirs et renouveau

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Qu’il soit d’accord ou pas avec les idées qu’ils défend, le groupe Izenzaren demeure cette lueur d’espoir venue éclairer un ciel brumeux et obscurci de tas de rafistolage artistique qui colle à la production musicale kabyle ces dix dernières années. Ce groupe qui a décidé de renouer avec l’art promet de beaux jours pour la chanson kabyle, une chanson aimée et appréciée. Ils s’inscrivent justement dans cette lignée tracée par les anciens. Avec un texte engagé, une musique inspirée d’un style proprement kabyle, Izenzaren remet sur rail la locomotive, qui a été déviée de sa trajectoire. Les voix « affectées » des nouveaux artistes, que l’on appelle souvent « les préfabriqués », peuvent observer un moment de répit pour laisser place à la véritable chanson, dont la Kabylie a toujours eu besoin. Devant la misère accablant la chanson kabyle depuis que le bateau a viré au port, l’on oppose une liberté de ton cessante à cette obligation d’écouter en boucle des chansonnettes dont les textes frisent la hantise. Un brouhaha fait d’emphases lassantes nous harasse les tympans tout au long de nos journées monotones. Ces artistes régénérables à volonté ne dépêtrent pas pour autant. Ils mettent en avant, non pas leur art, mais leur soif d’exhibition. Aujourd’hui encore, on a du mal à mesurer la pesanteur de la vraie chanson kabyle, celle qui nous a permis, des décennies durant, de faire face aux aléas de la vie, à l’exil, à l’ostracisme et le déni qui frappe encore son expression. Les éditeurs, engouffrés dans l’envie d’amasser le maximum de pécules, ne cessent de marteler comme une vérité retrouvée : « Le rythmé est un style nouveau et porteur d’espoir et de progrès ». Pauvre de nous qui tentons de croire à toutes ces rengaines.

Cette diabolique technique, d’abord d’occupation et ensuite, de sabordage de l’espace artistique et culturel kabyle renvoie les plus suspicieux d’entre nous à l’unique jugement ; même la chanson kabyle est instrumentalisée pour des fins autres que les siennes. Elle est la cible de manœuvres occultes.

Les acteurs ont, peut être changé depuis l’époque où la chanson disait tout haut ce que pense, tout bas, le peuple. Fini le temps où par la verve d’aède se dessinent toutes les certitudes, les attentes et les assurances. Que reste-t-il du legs d’El Hasnaoui, de Slimane Azem, de Bahia Farah… ? Que reste-t-il du texte indomptable de nos poètes ? Nos bardes d’antan ont-ils semé les graines de calices pour qu’aujourd’hui la Kabylie en récolte autant ? Comptions-nous uniquement sur les seuls Ferhat, Ait Menguellet, Zedek et sur quelques autres illustres noms de la chanson kabyle pour assouvir notre soif ? La bonté du texte de jadis est enlaidie de contorsions textuelles d’aujourd’hui, jusqu’au point, où on n’arrive même pas à nous extraire de ces folies fêtardes agaçantes.

Le constat d’aujourd’hui est amer. Hélas ! Les sornettes « rimées », nous accompagnent en été comme en hiver, les fêtes n’en finissent pas de nous dévoyer de notre marche pour Taqvaylit.

Izenzaren, enfin le retour !

Un bref historique sur le groupe Izenzaren afin de connaître tout l’engagement de ces trois amis est nécessaire. Le groupe verra le jour en 1986. Trois ans après, soit en 1989, ils éditent leur premier opus, intitulé Tanekra, « Le soulèvement ». Le titre résume, à lui seul, les thèmes et le style du groupe. Il s’inscrit en droite ligne dans celle tracée par les Imazighen Imula, Ideflawen et autres artistes engagés. Après un passage à vide qui a duré presque dix ans, Fawzi Ould-Muhend (interprète), Rachid Ali-Maamar (musicien) et Mourad Ali-Maamar (parolier), décident de renouer avec la chanson avec un super album, intitulé « Mandat 2009 ». Selon Mourad Ali-Maamar, cet album est un hommage à Ameziane Mehenni, fils de Ferhat. La chanson phare de l’album, donc Mandat 2009. Le groupe retrace avec une fine langue et une musique singulière les contours politiques d’un pays voué aux gémonies des apprentis sorciers. Ils évoquent aussi leur attachement à un combat démocratique que mène la Kabylie. Sans se « marauder » à la clarté des strophes, Izenzaren, en hommes convaincus et engagés, inhalent nos craintes pour les ressortir en poèmes d’espoirs et de lutte. Ils transforment nos débâcles et forfaits en courage brisant les obstacles, ils énumèrent nos fatigues et enfoncent nos injustices. Ils vilipendent nos ennemis et outragent l’ordre établi. Ils éclairent, sans détour nos sentiers et rallument les flammes de nos espérances. Le retour de ce groupe est aussi l’œuvre de leurs amis. Mourad nous explique que « c’est grâce à l’insistance de nos amis tels Farid Ferragui, Azro Loukad et Youcef de Akbou-music que nous avons décidé de reprendre le chemin du studio ».

Un album riche d’abord en sens et en mélodies. Ils scrutent nos envies de liberté pour enfin, décharger notre rancœur sur les prédateurs de nos rêves. Izenzaren, qui veut dire, « rayons de soleil », viennent illuminer un chemin long. Leur lumière est cet édifice rebelle qui ne courbe ni devant les vents soufflant de toute part, ni devant les dévastateurs de tout acabit, et qui guettent nos rêves à chaque tournant. Sans parler à la cantonade, Izenzaren ont su, avec courage et abnégation relever le défi. Le défi de redonner au texte sa valeur dans l’espace culturel kabyle.

Un produit et des enseignements

En un tour d’horizon, l’album de Izenzaren dissimule dans sa profondeur une esthétique musicale et textuelle raffinée. Il englobe une magie de mots souples et clairvoyants. Une mélodie tirant ses sources d’une musique de terroir riche. Izenzaren, ce cri d’un peuple recèle dans ses tréfonds une envie de justice berçant les âmes éprises de liberté. Des chansons traitant des thèmes différents les uns des autres. De la situation politique générale du pays, à la place de la Kabylie et de son combat pour sa survie, en passant par des questions lancinantes de la religion, de l’école et de l’amour aussi. Pour ce dernier thème, donc, Tayri, Izenzaren imprime une grande humilité à leurs paroles. Le texte de Mourad Ali-Maâmar, qu’interprète magistralement Fawzi Ould-Muhend redonne au sujet sa singularité dans un univers pas toujours propice à ces expressions. Ils mettent en avant leur engagement pour un changement radical. Ils secouent les consciences intrépides pour en faire une force contre les mesquineries. Enfin, l’album du groupe Izenzaren est ce produit qui promet beaucoup d’autres. Les éléments du groupe sont sur le point de finaliser un autre album qui verra le jour le mois prochain.

M. Mouloudj

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