Chemini : Grogne des agriculteurs

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La commune de Chemini, située sur la ligne frontalière entre les wilayas de Béjaïa et Tizi-Ouzou, jouit d’une superficie fort considérable ; elle prend racine des rives de la Soummam jusqu’à la forêt d’Akfadou, brassant une splendide plaine, des collines opulentes et une vaste étendue au relief montagnard allant de régions boisées aux régions propices à l’agriculture saisonnière où l’élevage représente un gagne-pain pour de nombreuses personnes. Nonobstant tant de richesses offrandes de Dame Nature, nombres d’agriculteurs, éleveurs et fellahs, de la région de Chemini vivent dans le désarroi. Pour les agriculteurs qui exploitent des terres situées sur le versant Ouest en jonction avec la commune de Bouzeguène, Dame Nature et les caprices de l’homme font une paire vouée à la perte de tout un secteur.

Au prix d’une volonté farouche et inextinguible, des étables, des poulaillers et des champs cultivés naissent chaque jour que Dieu fait. Cependant, ces agriculteurs se heurtent à un chapelet de dures lois allant d’une zone rurale aux flancs revêches, où les accès routiers sont quasi inexistants ; la route principale est impraticable à longueur d’année et les pistes limitrophes végètent dans un état déplorable. Cette contrainte se conjugue avec une absence flagrante de toute alimentation en énergie électrique si bien qu’une ligne de haute tension traverse les champs pour alimenter la station de la RTA située sur les cimes de l’Akfadou.

Quant à l’eau, elle est nuisible en hiver et introuvable en été ! Les crues torrentielles dévastent les semences et plus tard, à l’arrivée de la canicule, les plantations sèchent et meurent aux premières heures. “Nous sommes des oubliés du développement ! grogne un exploitant. Tiens, qu’est-ce qui empêche les décideurs de réaliser des barrages qui vont servir à la fois aux habitants de la région, au bétail et enfin à l’agriculture, hein ?”

Un éleveur bovin intervient : “Il y a quelque chose qui n’est pas logique dans la gestion du secteur de l’agriculture. Pourquoi nos efforts sont-ils toujours sanctionnés par des oublis et des mesures de découragement ? Ces terres que nous avons héritées de génération en génération, que nos parents ont arraché aux colons de haute lutte représentent aujourd’hui un véritable imbroglio. De nos jours, on ne peut plus jouir de la propriété en matière de foncier agricole. On ne peut plus avoir accès au certificat de propriété pour des raisons purement bureaucratiques.”

En cette haute saison de moisson-battage, l’activité se fait intense. L’aridité menaçante comme chaque saison, est aussi porteuse de vieux litiges jamais résolus. Les éleveurs de Chemini et ceux de Bouzeguène se disputent souvent des parcelles de pâturage notamment celles qu’on nomme communément Ighil, des querelles qui dépassent souvent la formule verbale blessante mais atteignent des échauffourées aux relents racistes, et des dommages physiques sont souvent déplorés, nous apprend-on.

Plus loin, un jeune exploitant d’un poulailler se soulève : “L’Etat a-t-il perdu la raison ? D’un côté il encourage l’habitat rural avec des formules et d’un autre côté il multiplie les entraves pour nous empêcher de vivre dans nos biens ancestraux !”

En fait, les agriculteurs se sentent cloitrés dans un dilemme scabreux ; leurs terres fertiles tombent inexorablement en jachère sans pouvoir se faire assister et les griffes du chômage guettent au coin !

T. D.

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