Salim Bachi : Les quêtes fertiles d’un écrivain

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Les quêtes littéraires de Bachi sont fertiles. C’est un auteur très lucide qui ne se contente pas de voir les choses superficiellement.

Bachi vit en France depuis plusieurs années. Il élabore, toujours, de très beaux textes. Le fils du pays de Kateb Yacine ne cesse de montrer, sous un jour nouveau, les turbulences de l’histoire. La plume de Salim Bachi se distingue depuis l’âge de 15 ans. Salim suit des études de Lettres jusqu’à la licence, en Algérie. Mais en 1996, il lui faut partir. Il choisit la France pour terminer ses études à Paris. “À cette époque en Algérie, c’était la catastrophe, le fanatisme, les attentats… Même si ma ville, Annaba était relativement épargnée, sur la côte est du pays, je ne voyais pas mon avenir là-bas. La jeunesse est délaissée, elle n’a aucun espoir. Le refuge peut être l’islamisme, assez vite” ; estime l’écrivain dans l’une de ses interviews… On retrouve les mêmes thèmes dans Tuez les tous ; une œuvre captivante. D’ailleurs, l’élégant et souriant écrivain s’interroge : “Est-ce que le 11 septembre se résume à une question d’Orient contre Occident ? Je n’en suis pas si sûr. Cette violence a commencé en Algérie, entre Arabes et musulmans. J’y vois surtout une haine de la modernité commune à beaucoup de pays arabes qui, par cynisme, utilisent le fond culturel religieux pour manipuler les gens”. Salim Bachi est discret. Préférant le rôle d’observateur, de questionneur, afin de mieux se glisser dans les failles de l’histoire. “Pour écrire des livres sur l’Algérie, il fallait prendre de la distance. C’est ce que j’ai pu faire en France. Paradoxalement, il faut s’éloigner pour se rapprocher de son pays et faire œuvre d’écrivain», enchaîne le talentueux artiste. Scolarisé un temps en France, lorsqu’il était enfant, puis de nouveau en Algérie, où les cours se déroulaient en arabe, Salim Bachi a “été ballotté entre deux façons de voir les choses”. De quoi façonner pour longtemps son esprit critique. Aujourd’hui, il semble être tombé pour de bon du côté du français, la langue dans laquelle il écrit, et de la France, le pays qui l’a fait naître écrivain. Il parle l’arabe bien sûr, mais ne le lit pratiquement pas et l’écrit encore moins. L’Algérie semble enfermée pour l’instant dans une boite à souvenirs, qu’il rouvrira peut-être si les choses s’éclaircissent un peu de l’autre côté de la Méditerranée. Sa vraie patrie serait plutôt les pages de James Joyce, William Faulkner et Kateb Yacine. “Ces littératures m’ont appris que les cultures étaient ouvertes et perméables, qu’Ulysse était Dublinois, mais aussi complètement grec et, par là même, universel. La littérature a le pouvoir d’unir des cultures différentes”. Attentif et posé le jeune homme se laisse aussi, par moment, emporter par le vent de la liberté… Le monde comme il tourne l’inspire, l’actualité française le préoccupe. Il se plait à rêver que l’école revalorise les différentes cultures et que les enseignants viennent de tous les horizons. “Est-ce que l’Education nationale est assez ouverte ?», interroge Salim Bachi, toujours prêt à dégainer la question qui fâche. Lire les auteurs arabes permettraient aussi, selon lui, de donner un modèle positif aux enfants issus de l’immigration : Les Milles et Une Nuit, et les auteurs maghrébins qui écrivent en français, comme Rachid Mimouni, et Driss Chraïbi “qui s’attaque à tous les archaïsmes des sociétés méditerranéennes”. Lire l’œuvre de Bachi nous permet d’effectuer un incommensurable voyage…

Ali Remzi

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