Sur une louable initiative conjointe de l’Association Horizons et de l’APC, le jeudi 29 juillet dernier, la localité d’Ighzer Amokarane distante de quelque soixante kilomètres au sud-ouest de la wilaya de Béjaïa, est devenue la petite Mecque du septième art.
Les amis et admirateurs du talentueux cinéaste Abderrahmane Bouguermouh se sont donné rendez-vous, pour se souvenir et rappeler aux jeunes générations le rôle et l’empreinte de cet homme sur l’échiquier culturel national. La séance d’inauguration a été ponctuée par une vente dédicacée de son roman Anza et une riche exposition de photos et autres articles de presse qui retracent le parcours de l’homme, dans l’enceinte de la maison de jeunes de cette localité où Bouguermouh est né en 1936. Après des études secondaires à Sétif, où il tutoyait la barbarie coloniale et la répression de mai 1945, il fait des études de cinéma à Paris, à l’IDHEC, une école de renommée incontestée. Ses débuts au cinéma étaient forts laborieux ; une première adaptation de Malak haddad Comme une âme en kabyle a été frappée d’une violente excommunication par la famille “bien pensante”. Puis, il a encore refait un ricochet parisien où il a rencontré une brochette d’intellectuels algériens en exil. De retour au bercail, il a assisté Mohamed Lakhdar Hamina pour la réalisation son film éponyme Chronique des années de braises primé plusieurs fois. La trentaine passée, il amorce une procession de productions hautes en couleurs telles Les oiseaux de l’été Kahla ou beida, Cri de pierre. L’ouverture dite démocratique a apporté quelques interstices de libérté et un vieux rêve cher à son coeur refait surface, comme par magie. La Colline Oubliée de son ami feu Mouloud Mammeri retrouve le droit de cité et en kabyle, qui a signé par là le début de l’an Un du cinéma amazigh.
Dans l’après-midi, une table ronde a réuni quelques noms du cinéma algériens. Retransmise en direct et en public sur les ondes de la radio Soummam, les “invités” de Hocine Smaili se sont épanchés sur le parcours militant de Bouguermouh, et mis en exergue les rouages du cinéma. Tour à tour, de Rachid Beldjoudi, P/APC d’Ighzer Amokrane qui a révélé que les Bouguermouh habitent les coeurs des gens de la région, à Ali Mouzaoui qui a déclaré sa peine de voir Bouguermouh et de le considérer comme “le grand frère par l’âge et par l’expérience… un homme qui mérite de retrouver sa dimension nationale, car, ajoute-t-il, il est comme le coq qui a montré le chemin à ses poussins”. Pour Belqacem Hadjadj, Bouguermouh est un véritable professionnel dont la riche filmographie en témoigne avec beaucoup d’éclat.” Aussi, Hamida Aït El hadj n’a pas tari d’éloges pour évoquer l’homme et le cinéaste en des termes fort limpides et flatteurs : “Bouguermouh est une étincelle qu’il faut protéger !” Sur le même ton, Malika Baraka abonde : “Bouguermouh est un homme modeste doué d’une authenticité exemplaire”. La marche lente, mais le coeur chaud et joyeux d’être entouré des siens, Dda Abderrahmane avait eu soudain le regard embué et la voix étranglée d’émotion. Néanmoins, dans une franche entrevue avec Hocine Smaïli, il a pu revenir avec lucidité sur son enfance, les problèmes de la production cinématographique, son roman Anza, ses amitiés, Mouloud Mammeri et sa Colline ressuscitée qu’il a évoqué avec beaucoup l’aplomb de l’admiration et de la reconnaissance. A ce propos, il a dit : “Le cinéma amazigh est encore balbutiant et il lui reste encore un long chemin à parcourir pour atteindre l’universalité.”
Après une brève collation, des poèmes ont été déclamés, des chansons entonnées, une cérémonie de remise de cadeaux aux invités a plongé la salle dans une ambiance festive.
Tarik Djerroud
