C’est le deuxième jour du mois de Ramadan. certains, si ce n’est la plupart, des pères de familles sont déjà dans le bain de calculs arithmétiques et autres montages financiers pour réussir à s’échapper » dignement » des dépenses » obligatoires » d’un mois sacré.
La rue s’est vite laissée emporter par une incroyable hystérie. Les différents marchés de fruits et légumes ont été pris d’assaut au grand bonheur des commerçants car même si les vociférations et autres réclamations émanant des citoyens quant à la flambée du mercuriale se sont faites entendre, il n’en demeure pas moins que la demande a été importante et le passage à l’acte » d’achat » ne s’est pas fait attendre et n’a jamais manqué. il faut dire que si la majorité des ménages ont fait l’effort de remplir le » couffin » en ce premier jour, il est attendu une baisse sensible de la demande dès la première semaine du mois de Ramadan, le comportement du consommateur subira, entretemps, un important changement basculant vers une rationalité dans les dépenses pour reprendre l’ascendant juste avant la fin du mois sacré. Dans le brouhaha qui précède généralement le mois de carême, l’élan de solidarité qui accompagnait, jadis, la venue de Sidna “Ramdan», semble s’estomper considérablement. L’on ne pense plus à l’autre, à son voisin qui peut mourir de faim, pourvu qu’il ne nous dérange pas. Alors que la solidarité comme valeur est l’essence même de l’acte de jeûne, la solidarité se meurt dans un nouveau monde égocentrique au point de se résumer, dans la majorité des localités, aux aides octroyées par l’Etat.
Solidarité : 11 000 couffins déjà distribués
C’est l’un des thèmes majeurs du mois sacré. La solidarité avec les démunis. Il est, dans ce sens, malheureux de constater que la solidarité en mois de Ramadan n’est plus ce phénomène mobilisateur de toutes les forces de la société civile. Au lieu du mouvement associatif qui prenait sur lui les différentes opérations, la solidarité tend à se cerner dans des canaux » officiels » où le rôle de l’autorité publique est important, sinon déterminant dans la réussite du processus d’aide aux démunis en ce mois de piété. A Tizi Ouzou, ce sont plus de 11 000 couffins alimentaires qui ont été déjà distribué sur le budget de la wilaya, sur ses 67 communes. Le budget prévisionnel pour la solidarité Ramadan de cette année est évalué à quelque 80 millions de dinars avec une contribution financière des collectivités locales prévue à hauteur de 28 millions de dinars. A l’image de ce qu’a été fait l’an dernier, les couffins alimentaire d’une valeurs moyenne de 5 500 DA ont été distribués avant le début du mois sacré. Les communes qui ont reçu leur quota respectif se sont retrouvées, pour la plupart, dans l’obligation de » dépenser » pour couvrir les besoins de la population. C’est le cas de le dire, à titre d’illustration, pour la commune des Ouadhias qui a reçu, sur le budget de wilaya 180 couffins alimentaires, » nous avons passer une commande pour l’achat de 220 autres colis alimentaire car les besoins exprimés par la population sont important, » nous indiquera M.Hallou, le président d’APC des Ouadhias. Ce dernier nous fera savoir que la « bonne santé » financière de la municipalité lui a permis de financer le restaurant Rahma qui fonctionnera cette année encore en collaboration avec les bénévoles du comité local du Croissant Rouge et les mécènes de la région, le nombre de repas prévu quotidiennement est, ajoute M. Halou, de 350 à 400 repas.
Ouverture de 15 restaurants Rahma à partir d’hier
A Tizi N’tleta, commune située à quelques encablures du chef-lieu de daïra des Ouadhias, on affiche pratiquement le même esprit. Contacté par nos soins, M. Souam, président d’APC, souligne que la municipalité complétera le quota de 170 colis alimentaires reçus pour ensuite les distribuer sur les 12 comités de villages de la commune. L’opération de distribution des couffins alimentaires a été scindée en deux étapes cette année. Après les 11 000 colis alimentaires distribués par la DAS sur budget de wilaya, la direction de l’action sociale de la wilaya de Tizi Ouzou compte lancer la seconde étape au courant de la deuxième semaine du mois sacré. « Nous travaillons à présent sur la base d’une liste exhaustive des familles démunies sur tout le territoire de notre wilaya. L’intérêt de la carte sociale pré établie est justement dans le fait qu’elle permet un gain de temps dans le traitement des opérations de solidarité qui devient beaucoup plus efficace. Vous avez constaté avec nous la réussite de l’opération solidarité Ramadan l’an passé avec la prise en charge, en priorité des poches de pauvreté nous comptons rééditer la même expérience cette année encore », nous déclare M.Tigha, directeur de l’action sociale qui ajoute que la Sonatrach a contribué cette année encore avec 900 couffins. Ainsi, pas moins de 4000 couffins alimentaires seront répartis sur les démunis durant la période suscitée. Le même responsable nous fera savoir, que 15 restaurants Rahma sur les 25 prévus pour cette année, ont déjà reçu l’autorisation d’ouvrir dès le premier jour du mois de carême. Le tissu associatif est, dans ce sens, appelé à beaucoup plus d’implication dans ce canal qui intéressent des pans de la population. Au lieu des activités de façade dans l’objectif n’es que de justifier des dépenses inutiles qui finissent dans la majorité des cas dans les poches des initiateurs, les associations devront repenser leur stratégie pour l’adapter aux besoins de la société. Dans un contexte d’aggravation de la crise sociale, les citoyens ont besoin d’aide et d’assistance à longueur d’année, le reste viendra nécessairement avec.
Quand les couffins alimentaires arrivent chez les démunis… dégarnis
Cependant, l’élan de solidarité qui s’est estompé n’est pas le seul » couac » du mois sacré. Un autre phénomène s’y est greffé. Le constat a été déjà établi l’an dernier, des personnes » sans scrupules » ont vidé des colis alimentaires destinés aux démunis dans plusieurs localités de la wilaya. Le procédé est simple, une fois remis aux communes, les couffins alimentaires seront distribués par des agents municipaux qui ne se gênent pas à dégarnir leur contenu. Des colis alimentaires de Sonatrach, sensés être d’une valeur dépassant les 8000 DA sont arrivés dégarnis au grand dam des démunis inscrits pourtant sur les listes des localités recensées comme poche de pauvreté. Les autorités doivent dans ce sillage redoubler les opérations de contrôle pour insister les élus locaux à suivre de manière efficace l’opération de distribution des colis alimentaires jusqu’à leur acheminement à leurs destinations initiales. Dans d’autres localités, l’on fait appel à ce procédé pour satisfaire la forte demande.
En effet, il suffit au magasinier de l’Apc de diviser chaque colis en deux ou trois, tout dépend de la demande du » maître » qui n’est autre que le maire, pour avoir un nombre en double des aides à distribuer. Alors que même un couffin alimentaire ne peut régler les contraintes d’un mois de carême chargé le démuni est » volé » dans le minimum que lui octroie l’Etat, un sac de semoule et quelques produits alimentaires.
Omar Zeghni