Jusqu’à la fin des années 70, la ville de Béjaïa disposait d’un espace à caractère artistique et culturel d’une exceptionnelle valeur : il s’agit de la Galerie de Peinture et des Arts Graphiques Emile Aubry. Située alors sur le Boulevard Front de mer, elle avait été conçue selon les normes en vigueur : grande salle, salles rouge et grise, salles jaune et bleu, salle verte… Et puis, un beau jour, la municipalité a eu besoin d’un espace pour permettre aux jeunes de pratiquer le karaté. Les collections ont donc été entreposées dans une réserve (une cave ?) et oubliées. Cette galerie avait été créée par Mme Mazet-Augarde, diplômée de l’école du Louvre, avec le concours du grand maître (qui avait fait don d’une quarantaine de toiles). L’enrichissement des collections a probablement bénéficié du jumelage Béjaïa-Bordeaux. Cette galerie, qui avait été répertoriée à l’échelle internationale par les grands ouvrages sur l’art, a été tellement gommée de la mémoire collective que même Mme Suzanne Cazanova-Aubry, la propre nièce du grand maître, ignora son existence pour l’écriture de son livre.- Emile Aubry (1880-1964), maître incontesté de la première moitié du XXe siècle, a obtenu le premier prix de Rome en 1907. Ses premiers portraits intimistes et paysages de la région de Sétif (Lafayette…) de la Petite Kabylie (Guergour) et du Constantinois, furent suivis dans les années 1920 par des sujets allégoriques. Elu en 1935 à l’Académie des Beaux-Arts, il en devint son président en 1948.- La méthode de travail d’Aubry a été décrite par Tristant Leclère en 1935 dans le Bulletin de l’Académie des beaux-arts. sa célèbre toile « La Dame en noir » (Galerie Aubry – Béjaïa) lui a valu la Médaille d’or au salon de Paris en 1920. Ses toiles figurèrent également dans des expositions prestigieuses à Londres, au Canada, au Japon et en Italie (et pour lesquelles on lui décerne de nombreux prix et médailles).- A sa création, La Galerie Aubry était devenue un véritable espace d’expression pour les artistes-peintres et les amoureux de l’art. Des ateliers de peinture et des cours pour les jeunes étaient organisés. Certes, à cette époque, la galerie n’était accessible qu’à un public averti. Néanmoins, elle a joué un rôle essentiel dans la formation des artistes-peintres autodidactes de notre région (voir par exemple : le témoignage de Tahar Khelfaoui).
Une référence à l’échelle internationaleLa Galerie Aubry a été répertoriée à l’échelle internationale par plusieurs catalogues et ouvrages spécialisés parmi lesquels :* Lynne Thornton, French colonial painting, The connaisseur, London, August 1980.* « La Femme dans la peinture orientaliste », Paris, A.C.R. Edition, 1985, p. 151* « Visages de l’Algérie heureuse », Editions Gallon, p. 72 Elisabeth Cazanova, les artistes de l’Algérie, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, graveurs, 1830-1962, Bernard Giovanangeli Ed., Paris, 2001.La Convention signée en 2002 entre l’Association Gehimab Béjaïa et la circonscription archéologique de Béjaïa avait pour principal objectif de reconstituer la galerie, de la réhabiliter (en lui permettant de retrouver sa vocation artistique et culturelle) d’authentifier et de restaurer les toiles et de produire une exposition originale sur l’historique de cette galerie et sur l’importance des collections. Il s’agit notamment, de présenter les nombreuses œuvres en rapport avec « l’atmosphère de calme, de grandeur et d’éterniter du pays » : Femmes Kabyles, Femmes juives de Constantine, Femmes du Sud, Paysage du Guergour, route de Kabylie, un oued sur les Hauts Plateaux, route de Sétif, Paysage à la Maison kabyle. Cette exposition permettra de faire connaître au grand public des œuvres artistiques, en rapport avec la culture des deux rives de la Mer Méditerranée.
Sources : Gehimab/CAB