Par : Laid Idir*
Nous assistons au cours de ces derniers mois à une théâtralisation, dans le traitement des arbitrages budgétaires rendus par le gouvernement dans le cadre du Plan quinquennal 2010-2014. Et c’est probablement les appels à révisions du président de l’APW de Béjaïa, lors de ses sorties médiatiques, qui font plus de bruit que d’effet.
Bien que l’altitude de ce dernier ne soit pas surprenante en soi, puisqu’il nous a habitués à ses déclarations dont la portée est rarement mesurée et le choix des mots fût encore moins pesé une appréciation objective des résultats de ces arbitrages me semble nécessaire.
Rappelons-nous, d’abord les étapes de préparation de ce Plan quinquennal : l’ex-wali de Béjaïa a installé une commission mixte composée d’élus et de directeurs exécutifs de la wilaya. L’objectif de cette commission, faut-il le rappeler, “identifier les projets structurants susceptibles de remédier au déficit structurel de la ville», selon les termes du wali.
La composante de cette commission fut critiquée particulièrement pour le manque d’expertise des questions économiques de ses membres, pour le temps restreint accordé à cette commission pour rendre le rapport (trois mois) en raison de l’absence d’un système d’information performant, du choix de ses membres qui rendait l’objectivité et le recul nécessaire à l’évaluation sectorielle irréalisable en raison de la présence des directeurs en charge des secteurs dans la commission, et enfin, de l’absence d’une pluridisciplinarité des métiers dans la structure de cette commission.
Le rapport rendu au wali sous forme d’un programme a été non seulement une addition d’un ensemble d’opérations inscrites, déjà dans le programme des directions exécutives, mais sa lecture révèle, clairement une absence de cohérence et d’une vision globale de la problématique de développement, faute d’une analyse profonde de cette carence structurelle.
Ce qui a donné lieu à une liste d’opérations (plus de 500) répertoriées par secteur sans jamais expliquer l’importance de chacune, comme si l’objectif des membres est guidé par le souci d’inscrire le maximum d’opérations pour accaparer une enveloppe budgétaire conséquente.
Ce choix, même s’il est inspiré par une intention louable, révèle néanmoins dans la pratique, la méconnaissance de ces membres du processus de prise de décision du Gouvernement et les règles qui président ses arbitrages budgétaires.
En présentant un tel rapport, faisant état dans sa forme d’une multitude d’actions dont la définition et l’importance ne sont nullement mises en évidence, a eu comme principale conséquence de laisser la porte ouverte au gouvernement pour trancher.
Conscient de l’impossibilité d’allouer des ressources nécessaires à la réalisation de l’ensemble de ces opérations, de choisir en méconnaissance totale des réalités économiques locales.
Et les choix du gouvernement dans ce genre de situation, seront plus dictés par les nouvelles priorités inscrites au titre de la politique générale du gouvernement que par des besoins particuliers locaux, et j’ose dire vitaux de la ville.
Maintenant qu’on s’aperçoit que le travail rendu par la commission mixte n’est pas d’une pertinence suffisamment convaincante, peut-on pour autant exonérer le gouvernement de sa responsabilité quant aux mauvais choix des arbitrages budgétaires adoptés ?
Sûrement pas, et il faut bien le dire. Sa responsabilité est doublement condamnable : d’abord de n’y avoir pas pu mettre les moyens juridiques et financiers à la dispositions des walis pour recourir à l’expertise extérieure au cercle administratif de la wilaya. Personne ne peut ignorer, encore moins le gouvernement, que l’administration locale ne recèle pas un personnel suffisamment formé et habitué à ce genre de missions qui nécessite des méthodes de travail en rupture totale avec les formes organisationnelles, habituellement, reconnues aux structures administratives locales.
Ensuite, de son refus de pluraliser les champs de l’expertise, des questions qui concernent les politiques de développement, par peur de se voir contesté dans ses arbitrages budgétaires dictés plus, par des priorités de politique nationale, que par des réalités particulières locales.
Enfin, conscient de l’impossibilité de financer l’ensemble des opérations proposées par le wali de Béjaïa, il aurait fait mieux de demander une révision à la baisse du nombre des opérations inscrites, ou du moins une définition des projets prioritaires et une hiérarchisation sectorielle des opérations. Une démarche plus adéquate, me semble-t-il, pour une meilleure gestion du budget de l’Etat que de vouloir rendre les arbitrages sous le prétexte de l’urgence, ou du moins des limites de financement du budget de l’Etat.
Voilà pourquoi il est difficile de jeter la faute seulement sur les arbitrages budgétaires rendus par le gouvernement, et tenter de se dédouaner d’une responsabilité d’un travail mal élaboré et des propositions illisibles faute de les avoir bien réfléchies.
Au président de l’APW de faire preuve de mesure dans ses déclarations, de hauteur dans sa gestion, et de pertinence des arguments dans le choix de ses propositions, avant d’exiger du gouvernement une révision de ses arbitrages aussi nécessaire et vitale que puisse nous paraître à l’état actuel des choix adoptés.
C’est à l’aune de cette attitude respectueuse que les deux parties peuvent s’honorer d’une meilleure gestion des affaires publiques, et seulement à ce prix que le politique s’en sortira grandi.
A bon entendeur !
L. I.
*Project manger