Entretien avec Arab Chekaoui, principal accusé : “Jeûner est une affaire personnelle”

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Il est arrivé au café le sourire chevillé au visage. Serein et déterminé. A vingt-sept ans, ce maçon est au cœur d’une affaire à la “Calas», pour reprendre un certain Voltaire. Tranquille et affable, il a bien voulu refaire la genèse du problème, sans langue de bois.

La Dépêche de Kabylie : Que s’est-il passé au juste le jour de votre arrestation ?

Arab Chekaoui : Je me souviens que ce jour-là il faisait une chaleur accablante. Aux environs de treize heures, une patrouille de police s’est rendue vers les « 100 logements de l’emploi de jeunes ». J’avais terminé le nettoyage de mon local, puis, j’étais resté avec mes amis sur la terrasse à fumer et prendre l’air. Les policiers voulaient savoir ce qui se trouvait dans le local. J’avais ouvert la porte, les policiers s’y étaient engouffrés pour trouver, une grillade fraîche, une table et un lit où je passais mes nuits. Par la suite, on nous ramena au commissariat. La police m’avait demandé à qui appartient le local, et j’avais répondu qu’il est à moi ; j’en ai bénéficié dans le cadre de l’emploi de jeunes. Par la suite, on m’avait demandé de signer le procès verbal d’audition mais, j’avais refusé. Mes amis, avec lesquels j’avais mangé ont tous été libérés sauf moi. Ainsi, j’avais passé la nuit à l’intérieur du commissariat, j’avais mangé sur place et passé la nuit sur un lit de camp, sans sommeil. Au petit matin, on m’avait présenté devant le procureur à Akbou, en compagnie des autres accusés : deux jeunes avaient été considérés comme témoins et huit autres accusés…

Accusé de quoi ?

D’abord, le procureur m’a demandé pourquoi j’ai mangé en plein Ramadan et m’a accusé aussi de préparer à manger sur place. J’avais répondu par l’affirmative ; j’avais mangé mais sans déranger personne. Moi et tous les présents, nous sommes ainsi accusés de n’avoir pas observé le jeûne de Ramadan. C’est absurde, mais c’est ainsi!

A quelques heures du procès, peut-on savoir votre ligne de défense ?

Je crois que la vérité est le meilleur moyen de défense. Franchement, j’ai mangé en toute discrétion, loin des gens et des miens qui observaient le jeûne. Je n’ai dérangé personne et je ne suis pas contre l’islam. Mon acte relève d’une affaire personnelle entre moi et mon créateur. J’ai confiance en la justice de mon pays et j’appréhende le procès avec sérénité.

Autour de vous pullulent les comités de soutien !

Oui, et cela me fait chaud au cœur ! Je reçois quotidiennement des messages de soutien des gens d’Ighzer et d’ailleurs. C’est très réconfortant. Récemment, la Ligue algérienne de la défense des droits de l’Homme m’a apporté son soutien, aussi une délégation des étudiants de l’université de Béjaia qui m’ont reconforté avec des messages chaleureux en me disant qu’ils sont tous derrière moi et ils seront présents lundi au procès. Je tiens à remercier tous ses comités et les personnes anonymes qui me réconfortent chaque jour !

Entretien réalisé par T. D.

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