M’chedallah / Après la valse des moutons, celle des…gigots

Partager

La coutume à M’chedallah veut qu’au lendemain de la journée du sacrifice du mouton, chaque père de famille ayant une fille ou une sœur mariée et vivant hors du foyer familial doit aller lui rendre visite pour lui apporter sa part de viande du mouton sacrifié. Cette part est constituée soit d’un gigot (cuisse) ou d’une épaule qu’on fait accompagner d’une boîte de pâtisserie, une robe, un bijou ou une somme d’argent selon les moyens de chacun. C’est ainsi qu’en ce mercredi, chaque chef de famille est sorti de chez lui tôt le matin. Chargé d’un couffin d’où dépassait le jarret de la cuisse du mouton, il prend la direction de la ville ou village où réside sa parente. Les gigots en ce jour se suivent, se croisent et quelques uns finissent par se retrouver dans une même maison, où vivent sous un même toit plusieurs femmes, venant de familles différentes épousées par des frères qui vivent en communauté. Fait curieux et inexplicable: une frénésie s’empare de ces chefs de famille qui donnent l’impression d’avoir hâte d’arriver chez les parentes ou pressés d’expédier une coutume incontournable. De plus, la majorité de ces citoyens se font accompagner d’enfants tout en sachant que les arrêts de bus seront pris d’assaut et qu’il n’est pas aisé de voyager en ce jour. Et si la plupart de ces citoyens usent de l’ancestrale discrétion et couvrent au maximum le gigot qu’on ne remarque que d’après sa forme qui se dessine dans le couffin en toile, d’autres par contre, vaniteux et prétentieux laissent apparaître exprès une partie du gigot qui dépasse de plusieurs centimètres du panier, pour faire admirer la belle pièce de viande, un procédé d’exhibition réprouvé par les sages et les hommes civilisés. Telle que soit la manière dont est porté ce gigot, il reste la vedette du jour et fait objet d’une attention particulière en étant soigneusement découpé tout en veillant à ce qu’il soit bien nettoyé et bien souvent artistiquement emballé pour le valoriser d’avantage. Il est aussi fréquent de voir 5 à 6 frères rappliquer chacun de son côté vers le domicile d’une même sœur mariée un gigot à la main. Dans cette partie de la Kabylie, cette deuxième journée de la fête de l’Aïd Amokrane peut être qualifiée de journée du…..gigot. Une coutume que les sages du Aârch ont tenté à plusieurs reprises de supprimer, en vain. A noter que les pères de familles qui ont plusieurs filles mariées doivent faire parvenir à chacune d’elles son gigot ou épaule, et quand elles dépassent le nombre de quatre, ils se voient contraints d’égorger deux moutons, ou de faire recours aux services d’un boucher pour acquérir le nombre de gigots manquants, pour être équitable envers ces filles. Ce qui constitue une charge supplémentaire qui achève de mettre à plat la majorité des bourses.

Oulaid Soualah

Partager