(3e partie et fin)
Les gardes et les domestiques se précipitent sur lui et l’encerclent. Sur ces entrefaits, l’ag’ellid’ qui avait entendu le brouhaha, sort de sa chambre pour voir ce qui se passe. Le chef des gardes lui rend compte aussitôt. Bien que ceinturé, le jeune adolescent ne faisait que crier :- Vghigh ad’z’ragh ag’ellid'(Je veux voir le roi !)Intrigué par une telle audace de la part du jeune garçon, l’ag’ellid’ ordonne qu’on le lui amène. Mis en présence du souverain, il lui dit :- Nek d’memmi-k’ ay ag’ellid’Vedlen iyi s-ethg’arfaAsmi id loulagh d’a(Je suis ton fils, ô roi ! On m’a échangé contre un corbeau ici même le jour où je suis né !)Le roi est sans voix. Cette révélation est incroyable. Son cœur bat la chamade. Il reste interdit. Revenu de ses émotions quelques instants plus tard, il invite le jeune adolescent qui se prétend son fils à lui donner des indices et des explications, à même de prouver la véracité de ce qu’il dit.En tête à tête avec le roi, l’adolescent lui raconte en détails son histoire, et surtout l’histoire de la substitution faite par les deux co-épouses jalouses.Pour avoir le cœur net, pour la première fois depuis quinze ans, l’ag’ellid’ demande à ses gardes de lui ramener Yamna la prisonnière. Quand on la lui ramène, il lui dit :- “Raconte-moi ton histoire” !Les traits tirés, les yeux embués de larmes elle lui raconte enfin son histoire, l’histoire qu’il n’a pas voulu écouter, car s’il l’avait écoutée, les choses se seraient arrangées dès le début. L’ag’ellid’ se mord les lèvres de dépit, son aveuglement exacerbé par ses deux co-épouses, lui a fait perdre beaucoup de temps. Yamna est heureuse d’être enfin écoutée, elle regarde le jeune adolescent qui est devant elle et dont elle ne sait rien. Quelque chose d’étrange se passe en elle. Elle a l’impression de le connaître sans jamais l’avoir rencontré. Elle le regarde à la dérobée. Elle est étonnée de voir le roi détendu et lui dire avec un large sourire :- “Si le fils que tu prétends avoir mis au monde se trouvait ici à cet instant, comment pourrais-tu le reconnaître ?- Mon cher fils m’a été enlevé quand il était bébé, cependant je me souviens d’un détail qu’il avait” :- Ghorès thaounza B-ouragh (Sa chevelure ressemblait à de l’or, surtout au milieu de sa tête. Le monarque ignorait ce détail. Il invite le jeune adolescent qui portait une chéchia (thachachith) à se décoiffer et à montrer sa tête à Yamna.Elle passe ses mains dans ses longs cheveux, les sépare en deux au milieu. C’est alors qu’elle aperçoit les racines aux reflets d’or des cheveux et lance ces mots dans un cri :- D’memmi ouagiOulach chek d’ayenni !(Il n’y a pas de doute, ce garçon est mon fils), celui qu’on m’a enlevé, celui qui a été remplacé par un corbeau !Elle serre sa tête contre lui. Le jeune garçon la serre à son tour. Ils restent ainsi quelques instants, pleurant et riant de joie. L’ag’ellid’ les prend tous les deux sous ses bras et verse des larmes de joie. Le malentendu qui est resté quinze longues années s’est enfin dissipé au grand bonheur de toute la famille qui a mis du temps pour se retrouver à cause de deux co-épouses jalouses. Le roi demande pardon à Yamna. Pour lui faire plaisir, il lui demande pour assouvir sa rancœur quel châtiment doit être appliqué aux deux femmes, qui les ont séparés tous les trois, privés de s’aimer et de s’épanouir en famille.- “Je veux qu’elles soient écartelées et pour ne pas oublier le mal qu’elles m’ont fait”.-Vghigh iqarra ensent d’inyène ifassen ensent d’iqechoudhen(Leurs têtes comme pierres au kanoun (âtre) et leurs mains comme tisons pour remuer la braise.Et, il en fut ainsi ! »Our kefount eth h’oudjay inou our kefoun ird’en tsemz’in as ne-elaïd’ anetch ak’soum tsh’emz’ine ama ng’a thiouan z’izine ».(Mes contes ne se terminent comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, on mangera de la viande et des pâtes jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).
Benrejdal Lounes