La profession de boulanger Bouira vit une grave crise, et quand on sait l’importance de ces artisans dans la vie quotidienne des citoyens, on est en droit de s’inquiéter sur l’état de santé de cette activité qui se dégrade de jour en jour.
En effet, en visitant les différentes boulangeries de la wilaya, on se retrouve confrontés à un terrible constat : la profession va très mal. Entre manque chronique de matière première, pénurie de mains d’œuvre qualifiée, tarifs en total déphasage avec les différentes inflations, et pour couronner le tout, un syndicat aux abonnés absents. C’est toutefois ce que nous ont indiqué nombre de boulangers qui tirent la sonnette d’alarme, à l’image d’un boulanger de la ville de Bouira ayant requis l’anonymat: «J’exerce ce métier depuis près de 25 ans, et je peux vous dire en toute franchise, ce n’est pas un métier que je peux conseiller à mon fils. Travailler à perte, conflits permanents, et abandon total de notre soi-disant syndicat. Voilà ce qu’est notre profession». En voulant en savoir plus sur ce qu’il en est de leur syndicat, il répond en riant : «Un syndicat ? C’est plutôt une mafia. On est livrés à nous-même, celui qui vous dit le contraire est un menteur». Un autre boulanger qui vient de terminer sa tournée de livraison, ajoute: «Notre profession est malade, gangrenée par des opportunistes, affairistes, bref, des gens qui n’ont rien à avoir avec ce métier. J’étais à deux doigts de mettre la clef sous la porte à cause de cette vermine qui pollue notre noble artisanat». Il déplore par ailleurs l’ignorance de l’Union Générale des Commerçants et Artisans Algériens à leur égard. «On est des commerçants, ce qui implique que l’UGCAA doit se plier en quatre pour préserver et défendre notre profession. Et bien, sachez que ce syndicat se moque éperdument de nous, pis encore, il nous met les bâtons dans les roues. Il sert ses intérêts en se targuant de fédérer les commerçants, mais en réalité c’est tout le contraire». Ces avis montrent bien le désarroi et le mal-être que connaît la profession, et pour bien illustrer la cassure entre les boulangers et l’UGCAA, cette phrase d’un boulanger : «On a un syndicat ? Je ne le savais pas, et bien on en apprend tous les jours !».
Boulanger- UGCAA, le dialogue de sourds
Contacté par nos soins, M. Tabti, S.G de l’UGCAA de Bouira, a indiqué s’agissant du manque des matières premières : «La wilaya de Bouira ne manque pas de farine à l’heure actuelle, celui qui dit le contraire est un menteur, les minoteries tournent à plein régime, et les boulangeries s’approvisionnent le plus normalement du monde». En lui rapportant les déclarations des boulangers qui disent tout le contraire, il rétorque : «Il y a certains boulangers, et je le dis en connaissance de cause, qui sont des fraudeurs !». Il s’explique : «Ils préfèrent s’approvisionner ailleurs, auprès de privés et dès qu’ils sont en panne sèche, ils font appel aux minoteries officielles. Tout naturellement, ces dernières refusent de leur donner le moindre gramme, et c’est bien normal, les abonnés, ont la primauté». Abordant le sujet de la représentativité de l’UGCAA auprès de la profession, qui est quasi inexistante, il se défend : «Nous représentons nos adhérents, celui qui ne veut pas être représenté par nous est libre, on ne va pas l’obliger». Sur le rôle premier de l’UGCAA, qui est la défense des droits des commerçants et artisans, parmi eux les boulangers, il répond : «Il y a deux catégories de boulangers, les professionnels et les arrivistes. A l’UGCAA, on travaille avec la première, la seconde, pour moi est une branche à éliminer». Il poursuit, en mettant en évidence les propositions faites par la centrale syndicale qu’il représente : «Nous avons émis des avis à M. le wali en 2010 concernant les inquiétudes des commerçants et les moyens adéquats d’y répondre». Pour conclure, et à travers les déclarations des uns et des autres, on constate que le divorce entre la profession des boulangers et l’UGCAA est bel et bien consommé et qu’un véritable dialogue de sourds s’est instauré.
Ramdane B.

