“Il faut écouter le président et uniquement le président”

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La voix de l’Oranie : Un peu plus d’une année après votre agrément par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, quel est l’état des lieux de l’UDR, sur le plan organique?M. Amara Benyounès : Nous marquons cette rentrée sociale par la tenue, aujourd’hui, du Conseil national de l’UDR ici à Oran. Il importe de savoir que notre parti est présent à travers les 48 wilayas du pays. Officiellement, nous avons installé 37 fédérations en plus de celle chargée de la communauté algérienne installée à l’étranger. Pour les 11 fédérations restantes, nous pensons entamer leur installation juste après le mois sacré de Ramadhan. D’autre part, l’UDR a connu, en un laps de temps, un flux assez important de militants. Il s’agit maintenant de sortir de la mentalité de boy-scout pour faire un bon parti politique. Il s’agit pour nous de rendre cette organisation très efficace pour espérer la préparer aux prochaines échéances électorales. Pour ce faire, le bureau national compte proposer, lors des travaux du Conseil, la création de 3 coordinations régionales en matière d’Organique (une coordination Est, une coordination Ouest et une autre pour le Centre). Il s’agit d’aller vers plus de discipline et de professionnalisme au sein du parti. Ceci aura pour effet de rendre notre travail plus efficace. Il faut de même avoir l’ambition de vouloir diriger, un jour, ce pays ou, à court terme, participer à sa direction. Et on ne peut pas participer à la direction d’un pays si l’on n’est pas un parti sérieux.

Pensez-vous que votre arrivée tardive sur la scène politique puisse constituer un handicap pour votre développement?Je pense très franchement qu’il y a très peu de partis politiques qui ont eu un parcours comme le nôtre. Il est vrai que nous sommes arrivés les derniers, mais nous sommes arrivés à une période où l’on disait que les Algériens étaient désabusés de la politique. En venant dans cette wilaya, nous le confirmons. Les Algériens sont fatigués des partis politiques, pas de la politique. C’est une nuance extrêmement importante et notamment à propos des partis de la mouvance démocratique qui ont déçu énormément d’Algériens. C’est la raison pour laquelle l’UDR a adopté comme slogan “la politique autrement”. Il faut trouver le moyen de travailler différemment. Cela exige d’abord un fonctionnement démocratique du parti. Cela veut dire qu’il faut permettre aux militants de s’exprimer et une fois qu’ils se sont exprimés, il s’agira, pour nous direction, d’appliquer leurs décisions. A l’UDR, nous n’avons aucun responsable désigné. Tous, je dis bien tous les responsables, ont été élus. La seconde chose qui fait défaut aux partis démocrates c’est la présence sur le terrain, d’être présents avec le peuple algérien. Malheureusement, nous avons été “étiquetés” comme étant des partis présents essentiellement à Alger et dans les hôtels algérois, et donc totalement absents des couches populaires et de régions intérieures du pays. Tenez, pour l’exemple, ce matin j’étais dans la wilaya de Relizane, plus précisément à Sidi M’hamed Benaouda. J’ai longuement discuté de la charte avec des Patriotes, ceux-là même qui ont permis à l’Algérie de rester debout. Aussi bizarrement que cela puisse paraître, ils m’ont dit que c’était la première fois qu’un responsable de parti de la mouvance démocratique daigne discuter avec eux. On est dans l’obligation de reconnaître que les démocrates, loin de les mépriser, sont restés trop loin des populations. Nous avons été, et je m’inclus dedans car j’étais responsable dans un parti politique, trop longtemps dans les stratosphères, ne produisant que des discours philosophiques. Nous avons abandonné le terrain au profit des islamistes. Ce sont, d’après nous, les deux faiblesses criardes de la mouvance démocratique; des tares auxquelles nous essayons de remédier en permettant -au risque de me répéter- un fonctionnement démocratique du parti et, deuxièmement, être plus présents sur le terrain avec la population pour prendre en charge ses problèmes.

Comment comptez-vous traduire “la politique autrement” dans les faits?Chez certains partis politiques, notamment dans la mouvance démocratique, les seules échéances qui méritent que l’on s’y attarde sont les législatives ou les présidentielles. Le niveau local importe peu ou pas du tout. Or, la norme politique voudrait qu’un grand homme politique fasse ses preuves, d’abord, au niveau local en tant que maire. Voyez en France, des présidentiables sont maires de leurs villes. Chez nous, le maire n’est pas du tout coté dans le monde politique national. A l’UDR, nous avons la prétention de prendre en charge cet aspect pour plus de proximité et donc de contact avec les populations.

Pourquoi l’Union pour la Démocratie et la République?La résonance de la Démocratie et de la République est une réponse aux islamistes et aux tenants du statu quo, même ceux qui sont à l’intérieur du système. Les islamistes disent que ce qui nous importe le plus est la démocratie : “nous ne croyons qu’au verdict des urnes même si cela doit nous mener vers un Etat islamiste”. Nous disons non ! Il y a la République qui est aussi importante que la démocratie. Il n’est pas question d’abandonner le caractère républicain de l’Etat algérien. Il y a une autre mouvance, notamment celle qui se trouve à l’intérieur du pouvoir, qui dit que la chose la plus importante est la République. A ceux-là nous disons également non car la République sans la démocratie est tout aussi dangereuse que la démocratie sans la République. C’est pourquoi nous disons que les deux pieds sur lesquels doit marcher l’Algérie sont la République et la démocratie. Nous considérons, que seuls, nous ne pouvons arriver à cet idéal et c’est pour cela que nous avons appelé à l’Union voire l’unité de tous les démocrates républicains pour imposer un changement dans le sens de la démocratie et de la République et pour clamer encore et encore aux islamistes que le caractère républicain de l’Etat algérien ne doit jamais être remis en cause. L’UDR est une réponse, à la fois, aux islamistes et aux tenants du statu quo, mais nous appelons également à l’union car nous considérons que nous sommes un élément de solution, pas toute la solution.

L’actualité de l’heure tourne autour de l’initiative du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, concernant la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Quelle lecture faites-vous, à l’UDR, de cette démarche politique ?Ecoutez. Franchement, je suis très mal à l’aise pendant cette campagne. Initialement, nous avions programmé beaucoup de meetings puis nous les avons annulés. Je le répète, je suis très mal à l’aise car les gens sont partis avec une idée d’amnistie générale et donc une impunité absolue. Il y a six mois de cela, le président avait évoqué l’idée d’une amnistie. Les gens sont restés sur cette impression. Maintenant il y a un texte. Un texte d’une clarté absolue. Ce qui est demandé aux hommes politiques algériens est de s’exprimer sur ce texte et uniquement sur ce texte et éviter d’extrapoler comme le fait tout le monde actuellement. Quand je lis le texte, je dis que je signe des dix doigts. Quand j’entends le président parler, je dis que je signe des dix doigts. Mais quand j’entends les autres, je me pose des questions. Je parle plus particulièrement de partis de l’Alliance. Au lieu de rendre ce texte encore plus clair, ils contribuent à le rendre confus. Pour étayer mes dires, je vous cite, en exemple, une intervention d’un membre d’un parti de l’Alliance.Celui-ci a déclaré qu’il était d’accord avec ce texte mais qu’il avait deux réserves sans lesquelles il n’est plus en accord avec la charte. La première est celle qu’on responsabilise l’ex-FIS de la tragédie nationale et la seconde c’est que l’on interdise à ces anciens du FIS de faire de la politique. Si on enlève ces deux dispositions, il n’y a tout simplement plus de charte.Le cœur de la charte c’est de dire que dans ce pays il y a eu un courant politique qui a décidé de s’attaquer au peuple et à la République. Ce courant est clairement identifié dans la charte. Et le deuxième élément, plus important celui-là, est que dans cette charte il est stipulé clairement qu’il est dorénavant interdit à ces gens de refaire de la politique. Sur ce texte, l’UDR ne peut qu’appuyer cette initiative. Mais quand on entend l’Alliance dire que c’est le prolongement de San’Egidio; et le président, lui rétorquer que cette charte s’oppose du tout au tout au contrat de Rome, nous on se pose des questions. Notre analyse est que le FLN et le MSP sont en train de brouiller les cartes par rapport à la paix et la réconciliation nationale. Deux ministres d’Etat qui sont censés conforter le président dans leurs meetings, sont en contradiction flagrante avec la charte que propose le chef de l’Etat. Nous disons au peuple algérien et aux démocrates républicains de lire la charte et de ne lire que la charte. Il faut écouter le président de la République et uniquement le président. Car, si on écoute les autres, le doute s’installe.

Pensez-vous qu’il y a une arrière-pensée derrière le discours confus du FLN et du MSP?Ecoutez, je vous renvoie au discours du président Bouteflika lors de son passage à Oran. Il a explicitement dit qu’il y avait à l’intérieur des institutions de l’Etat des groupes et des clans qui s’opposent à la paix et à la réconciliation nationale. Et l’objectif de ces gens-là est d’une grande simplicité : il faut appeler un maximum d’Algériens à dire non.Le résultat immédiat serait que le oui ne risque pas d’être majoritaire. L’argument sera tout trouvé pour ces clans qui ne manqueront pas de dire au chef de l’Etat : “vous voyez, les Algériens sont d’accord pour la paix, mais pas pour la paix que vous proposez”. Pas pour la paix qui dit que le FIS est seul responsable. Pas pour la paix qui interdit aux anciens du FIS de refaire de la politique. Il faut savoir qu’après le 29 septembre, il y aura le 30 puis le 1er octobre… Le combat continuera. Ces gens-là n’ont pas intérêt à ce qu’il y ait un oui massif. Cela ne sert pas leur dessein de prendre en otage le président de la République car les deux points qui posent problème à ces groupes sont la désignation claire de la responsabilité intégrale du FIS dans la tragédie nationale et l’interdiction faite à ses membres de refaire de la politique.

Est-ce que l’UDR, de son côté, émet des réserves sur la charte ?Cela fait 7 ou 8 mois que nous sillonnons l’Algérie. Nous avons tenté de nous faire l’écho des couches rencontrées auprès du président de la République et qui se résume en cette demande : “Evitez de transformer la défaite militaire des terroristes en victoire politique des islamistes”. Concrètement cela veut dire qu’il faut interdire à ceux qui ont fait le malheur de ce peuple de refaire, un jour, de la politique. Et cela est écrit noir sur blanc dans la charte. A partir de là, nous sommes satisfaits. Il y a tout de même une réserve, et nous sommes le seul parti politique à l’émettre. Nous demandons au président de la République de limiter cette offre de paix dans le temps. Nous pensons que six mois est un délai raisonnable pour permettre aux gens qui sont au maquis de prendre connaissance de ce texte et de se faire conseiller pour bénéficier de ses articles. Au-delà de ce délai, il s’agira pour la République de se défendre contre ces terroristes. Car si on ne la limite pas dans le temps, cette loi risque de devenir dangereuse. N’importe qui pourra monter au maquis, régler ses comptes et redescendre pour bénéficier de la mansuétude de la République. La loi sur la Rahma a été limitée, la Concorde civile a été limitée, il n’y a pas de raison pour que la loi pour la réconciliation nationale ne le soit pas. Disons à ceux qui sont au maquis, qu’à partir du 30 septembre, vous avez 6 mois pour réintégrer la société algérienne, au-delà de ce délai la République prendra ses responsabilités.

Comment expliquez-vous que les autres partis démocratiques s’opposent à cette charte ?Ces partis ont carrément déserté la place quand il s’agissait de débattre. Ils se contentent d’accuser ce projet parce qu’il provient uniquement et exclusivement de Bouteflika. Leur problème c’est Bouteflika. Cela peut être expliqué par le fait qu’ils ont été balayés par un certain 8 avril 2004. Cette date a effacé ces partis du pôle démocratique.

Justement, si vous le permettez, revenons aux dernières élections présidentielles. Vous avez pris une part active dans la campagne du candidat Bouteflika. D’aucuns envisageaient vous voir rejoindre l’Alliance. Il faut faire la distinction entre le président Bouteflika et l’Alliance. Nous soutenons Bouteflika sans réserve. On ne peut pas dire cela de l’Alliance. Le résultat immédiat serait que le oui ne risque pas d’être majoritaire. L’argument sera tout trouvé pour ces clans qui ne manqueront pas de dire au chef de l’Etat : “vous voyez, les Algériens sont d’accord pour la paix, mais pas pour la paix que vous proposez”.

Bouteflika reste, pour nous, l’homme de la situation. Maintenant, pour ce qui est de l’Alliance, je dirai que sa plate-forme nous convient, mais que le plus urgent pour nous, dans l’immédiat, reste la consolidation de l’UDR. D’autre part, une alliance se fait d’abord sur des aspects économiques, or l’Alliance présidentielle est fondée sur le plus petit dénominateur commun à savoir le statu quo.

La question identitaire semble être un sérieux obstacle pour le règlement définitif de la crise en Kabylie. Entre les tenants d’une officialisation de tamazight sans référendum et le gouvernement qui ne veut toujours pas en entendre parler, il y a comme une impasse… D’abord, il s’agit de faire une petite rétrospective sur les événements douloureux qu’a vécus cette région. Tout a démarré en 2001 après la mort tragique du jeune Massinissa dans les locaux de la Gendarmerie nationale et puis ça a dérapé. Résultat des courses : 124 morts et des dégâts matériels importants. Il y a eu ensuite la naissance des aârchs. Ces derniers ont géré cette région avec plus ou moins de succès. Après cette situation de crise qui a duré longtemps, il y a eu ébauche d’un dialogue avec le gouvernement. Nous, à l’UDR, nous disons qu’il n’y a pas d’autre issue à cette crise sans le dialogue et, à ce titre, nous applaudissons la reprise des négociations avec les aârchs (mercredi 13 septembre 2005, ndlr). Maintenant, reste le problème identitaire. Il y a eu une première réponse du chef de l’Etat. Tamazight, en devenant langue nationale, a été définitivement mise à l’abri car étant constitutionnalisée. Quant à l’officialisation, cela est un peu plus délicat voire même irréaliste. Je vois mal, à Oran, par exemple, tamazight langue officielle. C’est pourquoi nous prônons la solution du fédéralisme. Cela permettra aux régions de décider du choix des langues. Hormis ce problème, la Kabylie pose exactement les mêmes problèmes que les autres régions du pays qui sont essentiellement économiques.

Justement, vous abordez cette question de fédéralisme. Quel sens lui donnez-vous ?Avant d’aborder ce sujet, il faut savoir que l’impératif est celui du retour de la paix et de la sécurité. Une fois ces éléments en notre possession, la politique reprendra ses droits. Aucune réforme n’est possible sans la paix. Le président le sait mieux que n’importe qui. Le boulet du terrorisme le paralyse, l’empêche d’aller vers des défis stratégiques pour le pays. Pour revenir à la question du fédéralisme, chacun est d’accord pour la décentralisation. Chacun a sa vision de cette décentralisation. Mais il faut savoir qu’on ne peut pas décentraliser un Etat faible et instable. Il s’agit donc de réhabiliter cet Etat avant de penser aller vers un fédéralisme qui ne peut être que positif. L’exemple de la nation la plus puissante au monde, les Etats-Unis d’Amérique, est, à ce titre, plus qu’éloquent.

Un mot sur les réformes ?Au risque de me répéter, aucune réforme ne peut aboutir sans la disparition du terrorisme et le retour à la paix. D’un autre côté, ce second mandat du président Bouteflika est un mandat de réformes économiques. Je suis sûr que s’il y a un vote massif, le président aura les mains plus libres. Il y a des indicateurs en ce sens. Nous avons parlé des banques. Le président a été dix fois plus critique que nous sur les banques. Il en est de même pour l’administration, le trabendo… D’un autre côté, il n’y a pas que le président, le gouvernement doit s’attaquer aux problèmes quotidiens des Algériens en proposant des solutions à la lutte contre le trabendo qui étouffe l’économie nationale. Une administration qui doit écouter ses administrés. Il y a aussi la question cruciale du week-end universel. Savez-vous que sur une semaine nous ne travaillons que 3 jours ? Les statistiques donnent pour l’Algérien quelque 39 minutes de travail/jour. Imaginez l’écart qui n’arrêtera pas de se creuser entre nous et le reste du monde. Le gouvernement doit également apporter des réponses sur le cap économique qu’il compte imprimer à l’Algérie. Pour l’heure, nous n’avons pas de visibilité. On ne met pas 50 ans pour transiter d’un système économique à un autre. Si on est dans un système socialiste, il faut le dire; si on est dans un système capitaliste, il faut le dire également. Nous pensons que cette transition vers l’économie de marché ne peut aboutir car ce sont les mêmes décideurs qui ont fait le socialisme qui président à cette transition.Notre seule certitude est que le président Bouteflika a le courage politique pour entamer ces réformes. La question est de savoir s’il a, à ses côtés, les forces appropriées pour l’accompagner.

La Kabylie s’apprête à vivre dans les quelque mois à venir des élections partielles. Est-ce que l’UDR compte y prendre part ?La question doit être débattue durant les travaux du Conseil. Personnellement, j’aurais été favorable à des élections générales, vu qu’il ne reste que 18 mois de mandat aux assemblées locales. 18 mois c’est insuffisant pour effectuer du bon travail. Maintenant, il est vrai que la Kabylie souffre d’un problème de représentativité. Mais on peut dire que ce problème s’étend à toute l’Algérie. Souvenez-vous : une majorité de députés soutenait un autre candidat que Bouteflika. Le verdict des urnes a été éloquent. Alors, peut-on dire qu’ils représentent le peuple ? Cela étant, quelle que soit la décision du Conseil, je peux, d’ores et déjà, vous dire que le mot boycott sera banni de notre lexique.

Entretien réalisé par Rafik Cherrak

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