Libre, frondeur, pétri de révolte et d’insoumission, Amazigh, le bien nommé l’est assurément. Le fondateur et la voix porteuse du groupe Gnawa Diffusion, aujourd’hui dissous, a de qui tenir. Tout comme son père, l’écrivain Kateb Yacine, il est un cri où résonne la sensibilité d’un écorché vif. Ni le confort de la notoriété ni les recettes préfabriquées n’impressionnent ce troubadour des temps modernes, qui fait et défait, inlassablement, ses baluchons pour rejoindre son public à travers les innombrables concerts qu’il anime en Algérie et à travers le monde. Le plus récent est celui qu’il a animé dimanche soir, au Centre Culturel Algérien (CCA) à Paris, fortement ovationné du reste par les mordus des rythmes métissés et du verbe caustique. Les chansons cultes de son répertoire, « Mociba », « Koma », « Douga Douga » « Dima n’touma », « Bonjour », « Africain », et bien d’autres encore, ont fait vibrer le nombreux public que l’amphithéâtre du CCA n’a pu contenir. Le corps en mouvements, armé de son Goumbri, mélangeant Gnawi traditionnel mixé au Reggae et au Rap, reflétant la richesse musicale du Maghreb et d’Afrique, Amazigh, parolier, musicien et interprète a, encore une fois, endossé son personnage de rebelle et d’anticonformiste. Véritable bête de scène, à travers des textes ironiques, mordants et incisifs, certains inspirés des écrits de son père, il admoneste et dénonce l’injustice, les passe-droits, les parjures, le désoeuvrement des jeunes et leur déprime ainsi que l’espace, peu enviable, réservé aux femmes dans la société . Rencontré dans sa loge, peu avant le spectacle, Amazigh donne le ton en affirmant à l’APS que « Si les femmes n’existent pas socialement, si on ne leur reconnaît pas un rôle dans la société on ne peut rêver de révolution ou de changement ». « Elle sont une charnière sociale et la culture de par son rôle d’absorption des émotions, des sensations, a la capacité de rassembler et de favoriser cette mixité indispensable à la survie de toute société en mutation », a dit ce digne fils de son père. Amazigh Kateb est longuement revenu, aussi, sur le rôle de l’artiste dans la société soulignant que le message de celui-ci, « est plus écouté que les discours politiques, par le seul fait qu’il ne soit pas électoraliste ». « Un artiste ne demandera pas à son public de voter pour lui, ne lui fera pas de promesse. Par contre, il prend position et appelle à une mobilisation autour d’une cause, toujours humanitaire, jamais lucrative », a-t-il soutenu. « Il est la résonance de son époque, s’il parle un langage hermétique, il risque de s’éloigner de son rôle consistant à briser le silence sur une réalité que certains préfèrent taire », a ajouté Amazigh Kateb. Il a avoué également, qu’il ne peut pas, en sa qualité d’artiste, « cautionner le silence et contribuer à alimenter les tabous », alors que sa mission culturelle est forcément de « piquer, de déranger, de déstabiliser et de donner à réfléchir, sur un avenir commun », d’où l’intérêt, a-t-il dit, d’élargir l’espace vital de la culture, « puisqu’elle a la capacité de contribuer à cimenter la société autour de valeurs nobles, orientées sur l’intérêt général et les priorités du peuple ». Sur le rôle de la chanson engagée, cet artiste qui n’appartient pas seulement à sa terre natale, l’Algérie, mais à l’universalité a confié que pour avoir seulement chanté la Palestine, il s’est fait « casser les jambes par les sionistes en France, attaqué de toute part et traité d’antisémite », affirmant être « antisioniste et compte le rester jusqu’à la fin de mes jours ». Interrogé sur ses rêves, il affirme qu’ils ne sont pas démesurés et qu’ils plaident tous pour l’être l’humain, qu’il considère comme » la valeur la plus sûre dans un monde de guerre et d’ingérence calculée ». Amazigh Kateb, qui prépare actuellement un CD dont la sortie est prévue pour le mois de janvier 2012, a quitté le groupe Gnawa Diffusion en 2007, pour se lancer dans une carrière solo, en abordant pour la première fois l’écriture de son père, Kateb Yacine, militant anticolonialiste et figure emblématique de la littérature maghrébine. Fonceur, surnommé « Ras El Kebch » – tête de bélier – par ses amis, ce musicien, né 1972, porte l’Algérie à dos d’âme et s’affirmera comme le « Che Guetara », guitare en françarabe algérien. « Je poursuis le combat de mon père. Lui, c’était la littérature, moi, le rock’ n’ roll. Et j’élèverai mes enfants dans cette même révolte « , a-t-il dit.