Ali Sayad Docteur en anthropologie
«Il faut que le passé serve l’actualité»
La Dépêche de Kabylie : Il y’a une communauté de mémoire qui se forme, qu’elle en est votre point de vu ?
Ali Sayad : Je n’aime pas le mot « communauté », je suis un berbère tout court et j’ai la chance de parler ma langue grâce à Mammeri. Mais, par contre, il faut que cette appartenance soit porteuse d’espoir, il faut que le passé serve l’actualité.
Est-ce vrai qu’aujourd’hui il y’a une certaine amitié qui se tisse en s’appuyant sur un socle historique ?
L’amitié a un passé et un avenir, le substrat de l’homme algérien est berbère, donc cette amitié est librement consentie pour aller, ensemble, construire l’avenir de nos enfants. Hier appartient à mon père, aujourd’hui m’appartient et demain appartiendra à mon fils.
Vous avez parlé d’espérance, nous gérons un patrimoine qui va nous servir d’espérance est-ce que vous partagez mon avis ?
Je le partage totalement et j’adhère avec mes dix doigts. Nous gérons un patrimoine spirituel dont nous sommes les héritiers qui ne cessent d’inventorier ce que nous avons reçu et dont nous sommes les dépositaires, ce qui nous conduit à un monde à aimer, sans naïveté et sans crainte, à un avenir tout à la fois à accueillant et inventant des hommes et des femmes d’espérance, parce que je me sens algérien et mon père est mort pour que l’Algérie soit digne et non divisée.
Qu’on dites-vous sur la démarche du colloque ?
C’est une noble initiative, mais cela est resté dans le domaine religieux, ce qu’il faut dépasser. Nous sommes des hommes d’aujourd’hui, ceux qui vont porter une autre espérance et qui vont tisser d’autres liens d’amitié parce que le projet est commun. Au début de votre démarche pour ce colloque, je n’ai évidement rien d’autre à vous dire et redire du fond du cœur que c’est « un bon colloque » qu’il est tonique, heureux et fécond. Il nous donne cette envie de se «sentir communs loin de tout communautarisme ».
Propos recueillis par S. C.
Docteur Amar Talbi
«Il est important de se reconnaître»
La Dépêche de Kabylie : Quelle est votre vision sur ce qui ce passe aujourd’hui ?
Amar Talbi : C’est une communauté de mémoire, d’amitié et d’espérance qui se forme. Primo, c’est la mémoire de ce que firent le Cheikh et les hommes de son temps, pour Dieu et leur pays, qui reste pour nous très inspirant. Secundo, l’amitié n’est pas un supplément aléatoire à ce que nous pouvons vivre entre nous. En tant que président adjoint de l’association des Oulémas, nous savons combien la confiance, l’estime et l’amitié ont une valeur apostolique, parce qu’elles sont passées et ne cessent de passer par celui qui est le principe et le fondement de ce qui nous unit, c’est notre enracinement dans l’Islam qui garanti la profondeur de cette amitié.
Quelle est l’importance pour vous de cette région qui a vu grandir Cheikh Aheddad ?
Elle est très grande pour nous autant que pour les descendants du cheikh, auxquels nous sommes liés par tant de liens. En disant «vous êtes importants pour nous », je veux dire combien nous avons conscience de ce que, au fil des années, nous avons reçu de vous… même sans avoir l’occasion de le reconnaître et de l’exprimer. Vous savez, l’amitié est transformatrice, il importe beaucoup de ne pas être seul et de se savoir aidé et soutenu pour devenir ce que l’on est appelé à être. Puissions-nous être aussi, pour vous, ces bâtons vivants dont le pèlerin a parfois besoin.
Propos recueillis par S. C