La marche des étudiants réprimée

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Ils étaient des milliers à répondre à l’appel de la Coordination nationale autonome des étudiants, CNAE, pour une marche à Alger.  » Plus de 150 000 étudiants « , selon les organiseurs ,qui se sont déplacés pour participer à cette marche qui est de l’avis des organisateurs,  » un franc succès malgré la féroce répression « .

Dix heures du matin, la place de la Grande Poste et la rue Larbi Ben M’hidi, ex-rue d’Isly grouillaient du monde. La place était déjà quadrillée depuis la veille, par les forces anti-émeutes.

La marche des étudiants devait s’ébranler de la Grande-Poste vers le Palais du gouvernement , rue Saâdane, à un jet de pierre de la place occupée dés le matin. Un impressionnant dispositif sécuritaire empêche les étudiants d’avancer. Peine perdue pour les forces de répression qui baissèrent les bras devant l’organisation et surtout la témérité de ces  » futurs cadres  » à briser le mur de silence et revoir ainsi Alger renouer avec les manifestations de rue, interdites depuis la marche historique du mouvement citoyen de Kabylie le 14 juin 2001.

Tout comme les gardes communaux, les étudiants ont montré hier, que seul l’engagement paie. Ils ont montré que leur engagement à faire aboutir leurs revendications est toujours intact  » malgré l’empressement des pouvoirs publics à nous réprimer « , souligne, Samir, étudiant venu de Sétif.

Reprenant des slogans chers au mouvement citoyen de Kabylie, les étudiants ont scandé  » Ulac smah ulac « ,  » Pouvoir assassin « , ou encore,  » Pour une université publique et de qualité « …

D’autre part, les étudiants ont appelé les journaux Echourouk et Ennahar à quitter la marche, en scandant  » non aux journaux Echourouk et Ennahar « . Selon un étudiant d’Alger, ces deux titres de presse  » traitent d’une manière erronée l’info, ce sont des menteurs au service du mal « .

Selon un étudiant venu de Bouira plusieurs bus d’étudiants ont été empêchés de rejoindre la capitale. Une information que confirmera Hayet, étudiante à Tizi-Ouzou , qui dira  » nous étions bloqués à l’entrée d’Alger, et même ceux qui sont venus hier, ont été empêchés de rejoindre Alger « . Même topo pour ceux venus de Bgayet et de Sétif, informe-t-on encore.

 » Harouabia doit démissionner « 

Ni les barricades qui cernaient la place de la Grande-Poste et encore moins les centaines de policiers et d’éléments anti-émeute qui encerclaient les alentours n’ont pu arrêter la procession humaine qui forçait  » ces barrages « , pour qu’enfin, la marche des étudiants qui se voulait millionnaire, démarre vers, cette fois-ci, la présidence de la République, après avoir annoncé qu’ils iront vers le Palais du gouvernement.

Les premiers carrés ont pu dépasser les cordons de sécurité et rejoindre ainsi la rue Mohamed V, même si 80 % des marcheurs ont été bloqués au niveau de la fac centrale.

 » ça se bouscule au portillon « , avait résumé un étudiant venu de Tizi-Ouzou devant un policier en civil qui voulait avoir les statistiques.

Des slogans appelant à la démission du ministre fusaient de la foule compacte des étudiants.

 » Harouabia doit démissionner « , souligne un étudiant venu de Bgayet, avant qu’un autre ne réplique par :  » les étudiants ont montré que ce responsable est un danger pour l’avenir de tous les étudiants algériens « .  » Il doit quitter, mais nous savons que cela n’est pas dans les moeurs des responsables algériens  »

Les forces anti-émeutes impuissantes

Aucun cordon sécuritaire ne pouvait arrêter la déferlante. Le nombre impressionnant des étudiants a réduit toutes velléités visant à les arrêter.  » Nous avons reçu l’ordre de ne pas les toucher « , annonce un policier, à l’adresse de la presse.

A peine la rue jouxtant le lycée Bouamama empruntée, l’aveu du policier semble n’être que de la poudre aux yeux, car, les policiers ont chargé les étudiants. Changement de tactique ou crainte déclarée. La police a finalement décidé de stopper les étudiants dans leur marche vers la présidence. Ils seront bloqués à une cinquantaine de mètres de la présidence de la République.

Sur place, des enseignants venus du sud du pays, des victimes d’erreurs médicales et des médecins résidents, en sit-in depuis quelques jours, ont été délogés de leurs places par les étudiants.

Du côté des médecins résidents, une complicité est vite née entre les deux camps de protestataires. Les médecins ont affirmé leur soutien aux étudiants en scandant à tue-tête  » étudiants résidents, même combat « , d’autres ont assuré les premiers soins pour les étudiants blessés.

Plusieurs blessés lors des bousculades et des arrestations

A quelques mètres de la présidence, les étudiants qui ont, faut-il le souligner, réussi leur pari, ont improvisé un sit-in ; de temps à autre, ils tentent, désespérément de forcer le cordon sécuritaire, mais cette fois-ci, les forces de police sont décidées à en finir avec les étudiants. Plus de 300 blessés, selon les étudiants ont été enregistrés lors des bousculades avec les éléments des forces anti-émeute. « On dénombre aussi une dizaine de blessés parmi les policiers « , indique un policier.

Les vaines tentatives des étudiants à forcer le cordon les ont excitées davantage. Ainsi, face à l’impressionnante présence policière, les étudiants ont usé de projectiles contre les forces policières. Pierres, bouteilles d’eau et autres projectiles ont été lancés sur les policiers qui n’ont pas hésité à passer à tabac ceux qui avaient le malheur de rester dans les premiers rangs.

Plusieurs étudiants ont été arrêtés lors de la marche. Devant le lycée Bouamama à l’ex-Golf, des policiers ont procédé à l’arrestation d’une dizaine de marcheurs.  » Ils les embarquent dans le fourgon cellulaire pour les passer à tabac « , crie une étudiante qui, de ses aveux,a vu un de ses camarades bastonné à l’intérieur du fourgon.  » Il a été blessé et il pensait qu’ils vont le soigner, mais malheureusement, ils l’ont tabassé « , raconte-t-elle.

Vers 14h, les policiers reçoivent un ordre afin d’en finir avec la contestation d’hier, en chargeant les étudiants pour les repousser jusqu’à la place du 1er Mai. La course poursuite a causé des blessures considérables à un grand nombre d’étudiants. En quelques minutes, les milliers d’étudiants ont été dispersés de force.

Sur la route menant vers El Mouradia, chaussures, vêtements et cartables jonchent le sol comme pour témoigner de la férocité de la tentative de contenir cette marche réussie des étudiants.

M. Mouloudj

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