«Je chante des tranches de ma vie»

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La Dépêche de Kabylie : Deux ans pour sortir un nouvel album. Est-ce voulu de votre part ou plutôt par contrainte ?

Youcef Guerbas : C’est un peu les deux à la fois. D’abord c’est voulu, car je n’aime pas faire dans l’improvisation. Je suis un chanteur qui respecte trop son public et, pour ne pas lui offrir un travail bâclé j’aime prendre le temps nécessaire afin de peaufiner mes créations. Maintenant, il est vrai, aussi, que si je suis resté deux ans pour sortir mon nouvel album, c’est quelque part en raison de contraintes. Vous n’etes pas sans savoir que la carrière d’un artiste, chez nous, est un vrai chemin de croix, en raison des contraintes multiples qu’on retrouve devant nous. Tout le monde sait de quoi je parle, et l’écrasante majorité des chanteurs est dans la même situation.

Vous êtes connu pour être un chanteur qui traite des thèmes de la société dont l’amour qui revient tel un leitmotiv à travers notamment cette fameuse histoire de Lehdiya ?

Oui c’est vrai. Je suis un être humain et, comme tout le monde, je ressens les mêmes pulsations et je vis les mêmes problèmes que mes semblables. Et, lorsqu’on vit dans une société comme la notre où les tabous, la mal vie et le désespoir deviennent notre quotidien, je dirai que l’inspiration ne manque pas et c’est ce qui fait que je m’inspire beaucoup du vécu des autres, même si j’avoue que la plupart des mes chansons racontent mon propre vécu. C’est le cas d’ailleurs de la chanson Lehdiya.

Une chanson qu’on retrouve, à nouveau, dans cet album intitulé d’ailleurs, Lehdiya Iyededjid …

Cette chanson est le prolongement de Mazal Lehdiyam Ghouri. Je ne le cache pas, elle raconte une histoire vraie, vécue et que je vis encore. J’ai composé cette chanson et j’en ai fait l’intitulé de mon nouvel album, car mon histoire se poursuit toujours et je peux même vous dire qu’elle est devenue une forme de feuilleton qui se poursuit. Je ne sais pas quant est-ce que ça s’arrêtera, mais tant que je ressens encore quelque chose je vais l’écrire et le chanter. C’est pour vous dire que je chante des tranches de ma vie, que n’importe quel être humain peut sentir et vivre comme sa propre histoire.

Vous êtes un artiste qui fait son chemin sans trop faire de bruit, dans un monde artistique devenu, aujourd’hui, quelque peu banalisé par la prolifération du non stop et de la chanson sandwich. Où peut-on vous situer dans la chanson kabyle actuelle ?

Je ne peux pas me situer, car seul mon public peut le faire. Mais ce que je peux vous dire, par contre, est que j’ai de l’inspiration et des adeptes, à l’instar de tous les artistes. A mes débuts, durant les années 1990, j’écoutais des artistes que j’aimais et que j’aime toujours. Je citerai Belkhir Mohand Akli, Arezki Naâli, Moh Said Fahem, sans oublier les artistes de ma génération, à l’instar de Ali Ferhati et Moh Oubelaid, qui sont avant tout des amis. J’écoute et je chante aussi les chansons du grand artiste marocain Abdelouhab Doukali à chaque fois que mon public le réclame dans les fêtes et les galas. C’est en écoutant, et surtout en côtoyant tous les artistes cités que je me suis fais un chemin dans la chanson, dans un style qui me va comme un gant et que mon public aime écouter. Satisfaire mon public est la chose la plus importante à mes yeux.

En parlant du public, vous aviez, dernièrement, effectué une tournée en France où vous vous êtes produit, pour la première fois, en dehors du pays. Racontez-nous un peu cette expérience ?

C’était une expérience inoubliable qui restera gravée, à jamais, dans ma mémoire, car c’est la première fois que je me produis devant un public en dehors du pays. C’était au mois de décembre dernier, suite à une invitation de l’association Sud-Nord Evolution, présidée par Ali Bouhouf. Je me suis produit à Roubaix (Lille) le 18 décembre 2010 et à la salle de Berbère Télévision à Paris, lors de son inauguration au mois de janvier 2011. C’était vraiment grandiose de chanter dans une salle archicomble dans un pays comme la France. J’ai également été invité chez des familles émigrées pour des fêtes privées et j’avoue que je ne me suis pas du tout senti dépaysé. C’était comme si je chantais ici en Kabylie, devant mon public. Si j’ai réussi mes galas en France, c’est aussi grâce aux aides que j’ai trouvé là-bas et je tiens à remercier toutes les personnes qui m’on assisté à l’instar de Ali Bouhouf et de mon ami Moh Dehak. Je n’oublierai pas de remercier, également, le public de mon pays et tous les gens de mon village de Tala Athmane.

Entretien réalisé par Ali C.

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