Bouira : Les mômes toujours livrés à eux-mêmes

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Des enfants qui vendent des cigarettes, des boites de tabac à chiquer, des cacahuètes, des friandises sont visibles à chaque coin de rue, à travers l’ensemble des villes et villages de la wilaya.

Si ces ados se sont improvisés “commerçants», ce n’est pas par passion mais plutôt par obligation, pour subvenir aux besoins de leurs familles. C’est le même topo, au niveau des parkings sauvages qui pullulent aux abords de tous les trottoirs du chef-lieu de wilaya, où l’on remarque aisément des “gardiens de parking” à peine pubères.

Pour ceux que nous avions approché à l’occasion de la Journée mondiale de l’enfance, nos interlocuteurs avaient pour le moins que l’on puisse dire, la réplique assez facile. C’est le cas de Rachid rencontré aux abords de l’université et qui vendait des poules et des lapins. Interrogé sur cette profession, l’adolescent rétorquera qu’il avait plusieurs cordes à son arc : ‘’ Je ne vends pas que des poules et des lapins. Je vends des glands l’automne, des herbes aromatiques au mois de Ramadan et l’été j’exerce des petits boulots divers pour subvenir aux besoins de ma famille.’’ C’est un leitmotiv qui revient souvent auprès des jeunes interrogés se justifiant peut-être pour attendrir l’opinion. Mais d’autres adolescents font des boulots pas aussi paisibles que celui du ‘’ commerce’’. Nous en avions rencontré auprès de décharges sauvages dans la région Est de Bouira. Des gamins qui, au lieu de se rendre à l’école, fouinent dans les monticules d’immondices pour dégotter du plastique ou du fer qu’ils revendent à des intermédiaires qui les achemineront ensuite vers des centres de recyclages pour les différents matériaux récoltés. Toutefois, à l’approche de cette période estivale, tous les petits boulots sont bons pour les jeunes, et ces derniers n’hésitent devant rien pour se faire quelques dinars même au péril de leurs vies.

A la sortie est de la ville de Bouira, sur l’Autoroute de surcroît, les automobilistes empruntant ce tronçon, seront étonnés d’apercevoir des dizaines de jeunes adolescents au beau milieu de la chaussée. Des jeunes dont l’âge ne dépasse pas la quinzaine d’années interpellant carrément les usagers de la route en leur proposant des bouteilles d’eau minérale. Une pratique qui n’est pas sans risques lorsqu’on sait que cette sortie d’Autoroute est très fréquentée et que les automobilistes ne respectent pas vraiment les limitations de vitesse indiqués aux abords de la route. Les parents de ces gosses devraient s’inquiéter à plus d’un titre pour la sécurité de leurs progénitures qui risquent leurs vies à chaque minute, pour écouler en fin de compte quelques bouteilles d’eau minérale. Ces pratiques mercantiles sont copiées tout au long de l’Autoroute de Bouira, et pas un endroit n’ est épargné par ces revendeurs à la sauvette. L’année dernière, les éléments de la brigade de Gendarmerie d’El Esnam étaient intervenus pour mettre un terme au commerce informel sévissant sur le tronçon autoroutier reliant Bouira à Bechloul et les jeunes revendeurs de figues s’étaient opposés à ce que les hommes en vert saisissent leurs marchandises.

Les jeunes avaient dans un premier temps jetés des pierres sur la chaussée et avaient brûlé des pneus pour protester. La circulation automobile avait été momentanément perturbée, mais tout est rentré dans l’ordre au bout de vingt minutes. Le lendemain, les jeunes avaient repris leurs activités et les paniers de figues, de raisins et autres fruits de saisons étaient encore proposés à la vente, dans des conditions d’hygiène plus que douteuses, c’est-à-dire sous le soleil, la chaleur, la poussière et surtout exposé à la dioxine de carbone émanant des pots d’échappements des véhicules. Toujours sur la RN 05, des mioches qui font vraiment pitié sont affalés sur le bas côtés de la chaussée et proposent des pommes de terre à la vente. De la marchandise de resquille, arrachée sous un soleil de plomb et qui se monnaye pour une bouchée de pain.

De l’exploitation qui ne dit pas son nom et qui continuera, tant que rien n’est fait pour alimenter les rapports annuels du Bureau international du Travail (BIT). Une organisation qui avertit que les efforts déployés pour éliminer les pires formes de travail des enfants se relâchent et appelle à une campagne mondiale « redynamisée » pour faire cesser ces pratiques. Cette année encore dans son rapport global sur le travail des enfants, le BIT s’est montré très critique.

Hafidh B.

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